Chikungunya et communication

Un travail de tous les instants à tous les niveaux

12 septembre 2006

Le nouveau plan de lutte contre le chikungunya baptisé “Plan Chik”, concocté pour affronter le retour de l’été austral et une nouvelle explosion épidémique, veut jouer la carte de la transparence en matière de communication. Mais la communication ne doit pas se limiter à une transmission d’informations sanitaires hebdomadaires ou à une opération communication grand public. Pour mobiliser la population, c’est un travail de tous les instants et à tous les niveaux.

Mardi dernier, en présence du Ministre de l’Outre-mer François Baroin, le Préfet Pierre-Henry Maccioni rappelait qu’une campagne de communication serait mise en œuvre à compter du 15 septembre. Elle vise selon lui "à remobiliser la population (...). Il faut un changement durable de nos comportements à tous. Sans l’action répétée et l’engagement quotidien de tous les Réunionnaises et les Réunionnais, le Plan Chik ne sera pas en mesure d’atteindre les objectifs qu’il s’est fixé".

Erreur dans le planning de démoustication

Hélène Clain*, habitante du Moufia à Saint-Denis, n’a jamais baissé la garde. Durant l’hiver, elle a toujours veillé à respecter les consignes sanitaires et à protéger ses enfants. Elle se dit prête à maintenir cette vigilance, mais demande à être informée. En effet, elle nous explique que samedi soir, un peu après minuit, alors qu’elle s’apprêtait à rentrer sa voiture dans son garage avant d’aller se coucher, elle a été surprise par une opération de démoustication nocturne. "Un camion pulvérisant de grands nuages de produit m’est quasiment passé sous le nez, raconte la jeune mère de famille. J’avais laissé du linge sous ma varangue et les jouets des enfants dehors. Si j’avais été prévenue, j’aurais pris mes dispositions. Si je n’étais pas sortie à ce moment-là, je n’aurais même pas su que le camion était passé. Je veux bien respecter les consignes, mais encore faut-il être informée. Je n’étais vraiment pas contente. En plus, il y avait tellement de vent ce soir-là que ça n’a pas servi à grand chose". Hélène téléphone dès le lundi aux services de la DRASS. On lui répond, après vérification, qu’une opération était bien prévue dans le centre-ville de Sainte-Clotilde et sur le front de mer aux abords du quartier du Chaudron, mais pas dans cette zone. Il semblerait qu’il y ait eu une erreur. Son interlocutrice lui explique que les agents formés et qui connaissent bien le quartier ont dû s’arrêter 2 mois en raison de leur contrat, mais qu’ils seront de retour pour la période la plus critique. D’autres vacataires, encore en formation, assurent donc la mission.

Pour une information de proximité

"Je n’en veux pas à ces personnes qui font leur travail, soutient Hélène. Ce qui me pose problème, c’est que la commune ne nous informe pas. Déjà, l’été dernier, on était mis devant le fait. J’ai peur que ça continue". Hélène veut alors savoir si de meilleures dispositions ont été prises pour le retour de l’été austral. Elle s’adresse à la mairie annexe du Moufia. "La dame m’a confirmé que les opérations de démoustication et de dératisation allaient recommencer, explique Hélène. Elle m’a dit que nous serions informés par les journaux ou qu’il fallait que je passe régulièrement à la mairie pour connaître les dates qui seraient affichées, ou encore que je téléphone. J’aurais préféré un petit mot dans la boîte aux lettres, ou une voiture haut-parleur comme pour les élections. Je crois que certaines communes le font, cela ne coûte pas grand-chose, et au moins, on est sur d’être informé", souligne la jeune femme qui n’achète pas les journaux, ni ne se rend à la mairie tous les jours. "La personne de la DRASS, très aimable et disponible d’ailleurs, m’a confirmé que seulement certaines communes jouaient le jeu. Elle m’a même dit que je n’étais pas la première personne qui s’adressait à leurs services pour me plaindre de ce problème". Mais cette compétence n’appartient effectivement pas à la DRASS. Cette dernière informe la Préfecture et les sous-préfectures des dates des opérations qui les transmettent aux communes qui, elles-mêmes, enfin, ont en charge d’en informer leurs administrés. "On entend dire que la population doit se mobiliser, mais en attendant, pendant les vacances, on a pas entendu parler du chikungunya, déplore Hélène. Ce n’est pas au dernier moment qu’il faut se réveiller".

* Nom d’emprunt, pour respecter l’anonymat de cette dionysienne.

Propos recueillis par Stéphanie Longeras


Quels enseignements ?

La mésaventure et le témoignage d’Hélène nous inspirent plusieurs réflexions. D’une part que la communication a été et demeure à l’évidence un des maillons faibles de la gestion de cette crise sanitaire. C’est un volet majeur de la lutte qui ne doit pas se limiter à une campagne de communication, mais doit faire l’objet d’un travail continu et soutenu, d’un effort de proximité pour mobiliser la population et plus encore, pour tenter de retisser un lien de confiance avec les autorités. Là, les associations ont un rôle à jouer. Là, on mesure pleinement l’absence d’une vraie politique de prévention des risques. Lors de son passage éclair, le Ministre de l’Outre-mer a retenu qu’un écolier de Saint-Pierre ne s’était pas protégé durant l’hiver, concluant ainsi à la démobilisation des Réunionnaises et des Réunionnais. Hormis un point hebdomadaire sur les nouveaux cas recensés, quelles informations ont été délivrées durant l’hiver ? D’autre part, le cas d’Hélène révèle parfaitement que les agents en charge des opérations de démoustication ont besoin d’une formation, et que sur ce point, le passage de relais n’est pas assuré. Des postes pérennes doivent être rapidement créés pour consolider la lutte anti-vectorielle, pour bénéficier d’un service de prophylaxie efficient et réactif, et ce au plus vite.

SL


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