Une campagne de prévention

VIH/SIDA : Le dépistage... pour donner ses chances à la vie

23 novembre 2004

Trois associations de lutte contre le SIDA proposent pour cette fin d’année une campagne grand public sur le dépistage du VIH. Du 18 novembre au 5 décembre, spots télé et radio, en français et en créole, affiches et panneaux publicitaires, rencontres dans les établissements scolaires vont tenter d’interpeller tout le monde : ’Toute personne doit être considérée comme séropositive jusqu’à preuve du contraire’, estiment les promoteurs de la campagne. Se soucier de cette “preuve” est selon eux un acte de civisme pour arrêter la maladie.

(Page 6)

"Chaque personne devrait faire un test au moins une fois dans sa vie", a expliqué hier Catherine Gaud, présidente de l’association RIVE, dans la présentation de la campagne de dépistage soutenue conjointement par Sid’aventure et par l’Association réunionnaise de prévention du SIDA.
La précédente campagne de dépistage a eu lieu il y a huit ans dans notre île. Celle-ci mobilise un nombre important de supports, s’adresse à tous - y compris aux sourds et malentendants - à des personnes de toutes catégories sociales, toutes origines, de tous âges et peut-être tout spécialement à ceux et celles qui pensent que "ça n’arrive qu’aux autres", ou qui oublient que la maladie est rémanente - c’est-à-dire qu’elle peut se déclarer dix, quinze ou vingt, vingt-cinq ans après avoir été contractée.
"Il ne faut pas regarder uniquement la situation que chacun vit au présent. Le père de famille de 45 ans, fidèle, à relation stable peut présenter autant de risque qu’un autre", ajoute Catherine Gaud, du service immunologie de l’hôpital de Bellepierre.
Jean-Michel Jobart, président de Sid’aventure et Xavier Larmurier, vice-président de l’ARPS (association pour la prévention du SIDA) insistent à leur tour sur ce qui fait obstacle au dépistage : la peur de la mort bien sûr, mais aussi la peur d’être “discriminés” et submergés par la déchéance sociale. Peut-être aussi la peur de savoir et de “vivre avec” si le dépistage est positif. Cette dernière crainte s’estompe "au bout de deux ou trois mois", selon Catherine Gaud, qui insiste sur les moyens dont on dispose, à La Réunion, pour faire reculer la maladie et la mort.
"Dans les pays développés, on ne meurt plus du SIDA si l’on se fait dépister à temps et si l’on se soigne. Prévenir... c’est se prémunir, pour ne pas partir trop tôt", ajoute le médecin de Réunion Immunodéprimés, Vivre et Écouter (RIVE). Si chacun admet qu’un dépistage, c’est juste une prise de sang "pour savoir quel est son statut vis-à-vis du VIH", il est possible de faire reculer d’autant la discrimination dont souffrent les personnes vivant avec le VIH.
"Tout le monde a le profil pour se faire dépister ; surtout les personnes hétérosexuelles, âgées de 40 ans en moyenne et n’ayant jamais quitté La Réunion", poursuit le médecin de Bellepierre.
Pour les promoteurs de cette nouvelle campagne, le plus grand danger - et parfois les plus grands drames, personnels ou familiaux - sont chez ceux qui pensent qu’ils ne sont pas concernés. Et Catherine Gaud d’insister : "se faire dépister est un acte de civisme, de bonne hygiène de santé publique".

P. David


Où se faire dépister ?

Sida Info service : 0.800.840.800 (anonyme et gratuit)

Centres de dépistage anonymes et gratuit :

- Bellepierre : 0262.905.560

- Saint-Denis, 2 place Joffre : 0262.413.275

- Le Port, service des actions de santé : 0262.917.870

- Saint-Pierre Hôpital : 0262.359.165

- Service des actions de santé : 0262.969.080

- Saint-Benoît, service des actions de santé : 0262.502.000

- Université, au Moufia (0262.938.400) et au Tampon (0262.579.562)


1er décembre
Une journée contre l’ignorance et l’indifférence

On saura, au terme de la campagne, si les arguments avancés ont atteint leur but. En 2003, les Centres de dépistage anonyme et gratuit (CDAG) ont accueilli 3.150 personnes (1.488 femmes, 1.662 hommes) dont près de la moitié ont entre 20 et 29 ans. Les 30-39 ans représentaient moins de 20% des dépistages et les 40-49 ans, moins de 10%. Ce qui fait dire à Catherine Gaud que "ceux qui viennent spontanément ne sont pas forcément les personnes les plus “à risque”". Le risque majeur, c’est toujours l’ignorance, consciemment ou inconsciemment entretenue.
D’ici là, la journée du 1er décembre - Journée mondiale de lutte contre le SIDA - sera l’occasion d’accentuer les contacts avec tous les publics. L’ARPS sera à l’Université. Des patients atteints du VIH se rendront dans des établissements scolaires pour évoquer la maladie et leur combat. "Cela permet aux jeunes de “visualiser” la maladie, en présence de personnes qui leur ressemblent en tout", explique Catherine Gaud pour qui le plus grand danger couve dans l’idée sournoise que "C’est toujours les autres et pas moi". Selon les chiffres communiqués, sur près de 600 patients suivis en 2003 (la “file active” augmente de 6% à 7% chaque année en moyenne) "la séroprévalence montre qu’il y a au moins le double de gens qui s’ignorent comme séropositifs", commente Catherine Gaud. Cette nouvelle campagne de dépistage devrait permettre de les révéler à eux-mêmes.
Un arbre, "symbole de vie, de force" sera planté au Jardin de l’État en présence de quatre classes de collèges et lycées - une centaine d’enfants qui tous viendront accrocher un ruban rouge aux branches. Le théâtre Forum de la troupe “on aurait dit...” interpellera le public dans la rue sur des représentations de “7ème ciel”. Le 1er décembre sera aussi, sur le modèle des “Testing Day” anglosaxons, un jour de dépistages impromptus, dans la rue Maréchal Leclerc (Saint-Denis) sous une tente où tout sera fait pour préserver l’anonymat des visiteurs.
Enfin, des actions sont destinées à appuyer financièrement les associations de lutte contre le SIDA. C’est le cas de la campagne de “texto” avec SFR : un texto de soutien envoyé au numéro 448 (HIV) représente 1 euro versé intégralement aux associations de lutte contre le SIDA. Un programme de concerts de musiques classiques sera donné au profit de RIVE par le quattuor à cordes Psophos, avec le violoncelliste Alain Meunier - musiciens de très haute qualité, internationalement connus - les 27, 28 et 30 novembre. Nous y reviendrons car c’est une découverte culturelle à ne pas manquer.

P. D.


Méditations d’une “dépistée”

Pourquoi est-ce si “stigmatisant” d’envisager un dépistage du Sida ? "À cause de son mode de transmission, principalement par voie sexuelle" répondent les médecins, pourtant bien placés pour savoir que le Sida peut se transmettre aussi accidentellement, eux qui prônent un dépistage annuel pour les personnels de santé, en contact avec la maladie. Je pense à mon frère François, chercheur à l’Institut Pasteur, emporté à 39 ans par une hépatite C. Je ne suis pas censée être dans ce cas, mais qui d’entre nous n’a jamais traîné une plaie ou une blessure susceptible d’être infectée ? Qu’est-ce qui, dans la vie d’une femme célibataire pourrait garantir une protection totale ? Revendiquant depuis plus de trente ans une liberté multidimensionnelle - c’est-à-dire le droit de choisir à tout moment et en toute circonstance, ce que beaucoup confondent encore, chez une femme, avec du dévergondage - je me suis découverte, en écoutant Catherine Gaud, dans la position de celle qui ne se sent pas concernée par une éventuelle contamination. Aux yeux de certains, nul doute que le type de femme que j’incarne constitue au contraire une frange de population “à surveiller”. Or je vis à des années-lumière de toute forme de stigmatisation, bien que je n’aie fait vœu ni de chasteté, ni d’abstinence. Je connais bien quelqu’un qui, un jour, m’a traitée de “sainte” (s’il savait...!) mais c’était au Port et il a dû confondre avec Jeanne d’Arc...
La rencontre avec cette nouvelle campagne de dépistages m’a fait interroger sur le fondement de quelques certitudes acquises, pour de bonnes ou de mauvaises raisons. "Quand j’ai été enceinte, je l’ai su avant le test. Si j’étais malade, je le saurais !". Cette bonne blague ! La mort se laisse-t-elle percevoir comme la vie ? Toute la vie, nous la vivons avec la mort... sans y prêter attention. Mais dans ce cas, on ne fait pas que vivre avec la mort, on peut la transmettre, en commençant par celui ou celle que nous aimons le plus.
J’ai une carte de don du sang, un groupe sanguin réputé plus rare... qui me conduit (à peu près) régulièrement au CTS : "Si une imprudence, même ancienne, avait dû m’exposer, les bilans sanguins me l’auraient fait savoir". Je suis donneuse depuis toujours, depuis ma majorité. C’était longtemps avant l’épidémie. Je peux très bien retrouver dans ma mémoire une rencontre “à risque”, la confiance empoisonnée...
L’amour au temps du Sida : comment traverser une épidémie en se disant “je ne suis pas concerné(e)” ? En revanche, je n’arrive pas à imaginer une distraction persistante de laborantin(e)... Depuis si longtemps ? Mais c’est encore de la confiance. Celle-ci aussi peut être trompée.
L’important, devant un tel fléau, est de ne pas se bercer de certitudes, bien ou mal acquises. C’est l’écho laissé en moi par les propos de Catherine Gaud et de ses camarades. En sortant du local de RIVE, direction Bellepierre. Pas au CTS cette fois, au service d’immunologie clinique. Entre midi et deux, pas un chat, ça a duré cinq minutes. Plutôt frustrant comme reportage...
Je ne me sens pas différente, je n’ai même pas le stress de quelqu’un qui attend un résultat d’analyse.
C’est juste pour dire qu’on peut être comme tout le monde, et à la fois très différent(e) et vivre le dépistage d’une maladie terrible - mais contenue - comme un acte d’hygiène ordinaire.

P. D.


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus