Partisan du tout chimique, le Dr André Yébakima, tente de discréditer la lutte biologique par tous les moyens

Vous nous devez la vérité

20 février 2006

Samedi, nous avons démonté l’une des affirmations extravagantes de M. André Yébakima. S’agissant du Fénitrothion, nous rappelions que ce pesticide n’était pas agréé par le Ministère de l’agriculture français et qu’au Canada son usage en zone résidentielle était absolument interdit. Partisan du Fénitrothion, M. Yébakima affirme sans rire : "J’ai traité au Fénitrothion à l’intérieur de maisons et je n’ai jamais entendu parler de papillon mort après mon passage" (1). Affirmation aussi dangereuse que ridicule. Car si le Fénitrothion - produit interdit dans les maisons car hautement toxique - ne tue pas les papillons, on se demande bien comment il pourrait tuer les moustiques et surtout pourquoi, ne tuant pas les papillons, il décimerait lézards, caméléons, oiseaux, abeilles, etc. On le voit, M. Yébakima ne recule pas devant des assertions de Café du Commerce.

Imposture

Ce n’est malheureusement pas la seule fois. Mercredi 8 février, M. Yébakima déclarait à propos du Bti : "En outre, le moustique a plus de chance de devenir résistant au Bti qu’au Téméphos" (2). Ce n’est plus de la malhonnêteté intellectuelle, c’est carrément de l’imposture. M. Yébakima, lorsqu’il profère de telles contrevérités, emprunte ses arguments aux représentants de commerce de l’industrie des pesticides. Car les scientifiques, les vrais, c’est à dire ceux qui doutent et qui se préoccupent de l’avenir, ont tous établi scientifiquement que les moustiques ne devenaient pas résistants au Bti. Et ils l’ont maintes fois vérifié et re-vérifié.
Pour vous donner une idée de la mauvaise foi d’André Yébakima, voici dans quelles conditions on peut parvenir à une très faible accoutumance du moustique au Bti. Dans des cages spéciales, on met le moustique en contact avec des doses dite de type "Défi maximal" ne représentant aucunement les conditions observables sur le terrain et approchant un million de fois la dose utilisée dans la lutte anti-larvaire. Ce n’est qu’à la 27ème génération de ces moustiques-là qu’il sera possible de noter une très légère accoutumance du moustique au Bti. Dès qu’on retourne à une dose normale, il suffit de 5 générations pour que le moustique retrouve sa pleine vulnérabilité au Bti.
Enfin, des dizaines d’expériences ont établi que le Bti détruisait essentiellement les larves de moustique et ne causait aucun dommage à la nature.

Un spécialiste ...

Le Dr Yébakima, spécialiste du moustique, ne peut ignorer ces expériences dont le recensement occupe une bibliographie tenant sur plusieurs pages. On aurait pu lui accorder d’avoir dit pareille ineptie dans une conversation à bâton rompu après un bon dîner par exemple. Mais, vendredi dernier, c’est en présence d’élus, de responsables représentant l’État, du monde associatif et de milliers de téléspectateurs qu’il a récidivé.
Le Dr Fouassin est intervenu pour dire que le Bti n’était pas sans danger. Que le Dr Fouassin ne soit pas au courant des publications scientifiques concernant les moustiques et le contrôle de leur nombre au moyen du Bti, cela est parfaitement compréhensible. Mais, sitôt le micro du Dr Fouassin éteint, M. Yébakima a jugé bon de renchérir sur les dangers liés à l’utilisation du Bti. Cette attitude venant d’un scientifique dépêché à La Réunion pour nous conseiller n’est pas admissible. À plusieurs reprises au cours des derniers jours, M. Yébakima a usé d’un ton catégorique affirmant que le spécialiste c’est lui.
Il est certainement un spécialiste... comme le médecin général de la DRASS qui, le 10 mai 2005 écrivait se mobiliser contre la dengue qui le préoccupait plus que le chikungunya lequel ne lui faisait pas peur. Comme l’Institut de Veille sanitaire, département international et tropical qui, le 29 avril 2005, concluait ainsi : "L’importation de cas de Chikungunya dans les territoires de l’océan Indien et en métropole ne constitue pas un phénomène inquiétant en termes de santé publique". Avec de tels veilleurs, une armée a la certitude de se faire massacrer !
Depuis le mois de septembre, contre les avis autorisés d’amontrèr et lavizèr tous plus spécialistes les uns que les autres, nous n’avons cessé de réclamer le passage à la lutte biologique en recourant au Bti. La différence avec les spécialistes c’est que nous n’en sommes pas. Alors nous nous sommes plongés dans des milliers de pages écrites par des dizaines et des dizaines de scientifiques qui - contrairement à nos lavizèr - remettent régulièrement leur connaissance en doute pour les réévaluer (3). Grâce aux travaux de ces personnes consciencieuses et modestes, grâce aux échanges téléphoniques qu’elles nous ont accordés sans compter leur temps, sans nous jeter au visage qu’elles étaient, elles, des spécialistes omniscients, nous avons pu engager la crédibilité de notre parti dans la revendication raisonnée et seule raisonnable de la lutte biologique à l’aide du Bti.
Si nous avions alors eu l’oreille de la DRASS et d’autres responsables, jamais l’épidémie n’aurait pris une telle ampleur.

Ceux qui paient les pots cassés

Dans une démocratie, on ne peut accepter qu’un scientifique missionné pour aider à faire les bons choix joue avec la vérité.
Ceux qui paient les pots cassés sont les malades, les nouveau-nés qui, dès leur première minute de vie, reçoivent le cadeau empoisonné du chikungunya, les vieillards qui meurent tandis qu’on nie l’évidence du caractère mortel de cette maladie, les personnes aux faibles ressources qui se trouvent confrontées au “choix” de manger ou se protéger : l’apartheid sanitaire !, les médecins qui n’en peuvent plus d’avoir fait face toute une année à une maladie dont les pontes de la DRASS répétaient qu’elle était bénigne et guérissait sans séquelle, les hôteliers, les commerçants, etc., plongés dans un marasme sans nom. Tout ça simplement parce que des scientifiques, pourtant rémunérés pour éclairer les autorités sur les risques encourus, ont préféré la quiétude des certitudes au doute du véritable scientifique. Et, une fois l’incendie devenu évident, à la catastrophe sanitaire, à la catastrophe économique, ils ont ajouté les ingrédients d’une catastrophe écologique. Six mois après que nous ayons demandé de travailler sur une lutte biologique à l’aide du Bti, enfin on se rend -contraint et forcé- à ce que commandait le simple bon sens.
Alors, M. Yébakima, nous avons bien trop supporté de mensonges, de fausses manœuvres, de décisions absurdes pour accepter que, vous réclamant de votre mission, vous puissiez vous permettre des déclarations qui, déconcertant un peu plus encore les Réunionnais, risquent de faire perdre aux autorité leurs derniers lambeaux de crédibilité.
Tous, nous avons soif de vérité. Il serait enfin temps de le comprendre.

Jean Saint-Marc

1 - “Jir” - 9 février 2006, p. 18.
2 - “Quotidien” - 8 février 2006, p. 10.
3 - “le bacillus thuringiensis israelensis et le contrôle des insectes piqueurs au Québec”
Document préparé pour le ministère de l’Environnement du Québec par
Dr. Jean O. Lacoursière, Ph. D. Entomologiste Professeur associé et Dr. Jacques Boisvert, Ph. D. Microbiologiste Professeur titulaire Département de chimie-biologie Université du Québec à Trois-Rivières - Mars 2004

Chikungunya

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