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par le Dr Raymond Vergès

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Genèse et évolution d’une similitude de régime

La Corse, les Outremers et la Métropole - 2 -

samedi 4 décembre 2004


Aujourd’hui, dans la série d’articles qu’Altide Canton-Fourrat a fait parvenir à “Témoignages” sur la Corse, la juriste met l’accent sur la similitude du statut juridique existant entre l’île de Beauté et un territoire ultramarin, par exemple avec la reconnaissance, par le Conseil constitutionnel, de la légitimité d’une organisation spécifique pour la Corse.


(Page 7)

1 - La genèse d’une similitude de régime

Par les lois des 2 mars 1982 et 30 juillet 1982 (1), la région de Corse a été dotée d’un statut particulier. Ces lois établissaient une organisation administrative spéciale et des compétences particulières qui distinguaient la région de Corse des régions métropolitaines.

Cependant, le statut de la Corse n’a fait qu’anticiper sur le régime des régions de l’Hexagone. Le Conseil régional recevait l’appellation d’“Assemblée de Corse”. Il bénéficiait d’une légitimité particulière de par son élection au suffrage universel direct, à la présentation proportionnelle, dans le cadre d’une circonscription unique. La loi du 30 juillet 1982 lui attribuait une longue liste de compétences qualifiées alors de particulières.

Certaines dispositions conféraient à l’Assemblée de Corse une nature politique. Cette dernière, contrairement aux assemblées délibérantes locales d’un État unitaire, recevait la compétence de proposer au Premier ministre toute modification des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur ou en cours d’élaboration concernant les compétences, l’organisation et le fonctionnement de l’ensemble des collectivités territoriales de Corse.

Cette participation consultative demeurant, jusqu’alors, étrangère à la politique de décentralisation française qui stipule que l’élaboration du régime des collectivités territoriales est le monopole du législateur.

La collectivité de Corse (2) bénéficiait, par conséquent, d’un régime d’autonomie qui présentait des similitudes avec les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution. L’article 73 pose le principe d’identité législative. Le décret du 26 avril 1960 impose une consultation des Conseils généraux des départements ultramarins sur tous les projets de lois et décrets tendant à adapter la législation ou leur organisation
administrative à leur situation particulière.
Le droit des territoires d’outre-mer fondé sur l’article 74 de la Constitution admet que l’organisation particulière de ces territoires doit être « définie et modifiée par la loi après consultation de l’assemblée territoriale intéressée ».

2 - L’évolution d’une similitude de régime

L’évolution institutionnelle de la Corse ne l’affranchit pas de ses relations avec les départements et territoires d’outre-mer. L’idée d’instituer en Corse un exécutif collégial, le Conseil exécutif, qui dirige l’action de la Collectivité territoriale de Corse ressemble fort à certains des statuts qui ont été adoptés dans les territoires d’outre-mer.

Le Conseil exécutif est responsable devant l’Assemblée. Cette dernière peut le contraindre à démissionner par le vote d’une “motion de défiance”, selon une procédure imitée de l’article 49-3 de la Constitution de 1958. Au pouvoir de proposition de l’Assemblée prévu en 1982, le statut Joxe ajoutait une obligation faite au Premier ministre de consulter l’Assemblée de Corse sur les projets de loi ou de décret comportant des dispositions spécifiques à la Corse (3).

La reconnaissance, par le Conseil constitutionnel (4), de la légitimité d’une organisation spécifique pour la Corse, confirme la similitude existant entre la Corse et un territoire ultramarin. La proposition a été faite par le gouvernement au Parlement de donner à la collectivité territoriale de Corse la possibilité de déroger, par ses délibérations, à certaines dispositions législatives, dans des conditions que le parlement définirait.

Les adaptations ainsi intervenues à l’initiative de l’Assemblée, comme le prévoit la décision N°93-322 du Conseil constitutionnel du 28 Juillet 1993 (5) qui affirme la conformité à la Constitution de telles expérimentations, devait avoir une vertu expérimentale. L’expérimentation en Corse s’apparente à l’application de techniques d’expérimentations législatives mises en place dans les territoires ultramarins. Elles n’opèrent pas transfert du pouvoir législatif au profit de la Collectivité territoriale de Corse.

Le Conseil constitutionnel admet la création (6) (décision du 9 mai 1991) par le législateur d’un statut spécifique se rapprochant de celui des territoires d’outre-mer, dès lors, toutefois, qu’il n’est pas dérogé aux règles de répartition des compétence entre la loi et le règlement, que les organes de la nouvelle collectivité territoriale ne se voient pas attribuer de compétences ressortissant au domaine de la loi et que l’organisation
nouvelle conserve un caractère “administratif”.

Altide Canton-Fourrat

(à suivre)

(1) Lois 82-214 du 2 mars 1982 et 82-659 du 30 juillet 1982 op. cit.
(2) Dans sa décision n°82-138 DC du 25 février 1982 relative à la loi portant statut particulier de la région de Corse, le Conseil constitutionnel a considéré que le premier alinéa de l’article 72 « n’exclu[ai]t nullement la création de catégories de collectivités territoriales qui ne comprendraient qu’une unité. »
(3) Thierry Michalon - “Vers l’indispensable autonomie” - in Pouvoirs locaux N° 40 IV/2000 (décembre) - Dossier Corse : une région autonome dans la République.
(4) Conseil constitutionnel - Décision du 9 mai 1991
(5) Décision N° 93-322 du Conseil constitutionnel du 28 Juillet 1993
(6) Décision du 9 mai 1991 op. cit.


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