Sortir de la crise de l’eau à La Réunion par la solidarité entre Réunionnais
18 janvier, parL’eau n’est pas une ressource illimitée, elle doit être justement partagée
Par André Oraison, Professeur des Universités, Juriste et Politologue, Membre et conseiller juridique du Mouvement Réunionnais pour la Paix (MRPaix)
5 octobre 2022, par
Trois territoires ultramarins régis par l’article 73 de la Constitution de la Ve République sont désormais dotés d’une collectivité territoriale unique (CTU), au lieu et place d’une région monodépartementale : la Guyane, la Martinique et Mayotte. Deux autres territoires également soumis à l’article 73 – la Guadeloupe et La Réunion – auraient peut-être intérêt à s’engager dans cette voie en application de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 qui fixe le nouveau statut des départements et régions d’outre-mer (DROM) [1]. C’est le point de vue exprimé le 4 octobre 2012 par Paul Vergès à l’occasion des États généraux de la Démocratie territoriale, organisés au Sénat. Après avoir constaté que La Réunion est une région monodépartementale depuis l’entrée en vigueur de la loi de régionalisation du 31 décembre 1982 avec tous les effets négatifs que ce statut comporte, le sénateur communiste avait déclaré que, dans l’intérêt bien compris de La Réunion, « il nous faut donc faire comme en Martinique et en Guyane, qui ont opté pour une collectivité territoriale unique » [2]. Cependant, avant la concrétisation à La Réunion d’une réforme statutaire qui ne semble pas encore mûre dans l’opinion publique réunionnaise, une révision plus ciblée de la Constitution s’impose.
I. Pour que les responsables élus de La Réunion aient les mêmes compétences et responsabilités que leurs homologues antillais, guyanais et mahorais, il faut en effet que soit mis fin, au préalable, à l’incompréhensible amendement constitutionnel déposé par Jean-Paul Virapoullé, à l’époque sénateur-maire UMP de Saint-André, et qui, après avoir été adopté par le Parlement, vise en fait à limiter de manière exorbitante, dans un alinéa 5 de l’article 73, l’ampleur de la décentralisation à La Réunion, alors même que cette réorganisation administrative a été souhaitée et obtenue dans les autres DROM.
Après avoir posé le principe selon lequel « les lois et règlements sont applicables de plein droit » dans les DROM, l’alinéa 1er de l’article 73 de la Constitution précise que ces lois et règlements « peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités ». Cet alinéa n’est pas original car il était déjà, pour l’essentiel, contenu dans le texte initial de la norme suprême du 4 octobre 1958. D’emblée, il est apparu logique au Constituant que le droit commun métropolitain puisse faire l’objet de mesures d’adaptation outre-mer pour tenir compte des situations spécifiques locales. C’est dire que l’alinéa 1er a vocation à s’appliquer, à l’origine, dans tous les DROM, y compris celui de La Réunion. Il en est de même de l’alinéa 2 de l’article 73, bien que celui-ci soit plus novateur comme on peut le constater : « Ces adaptations peuvent être décidées par ces collectivités dans les matières où s’exercent leurs compétences et si elles y ont été habilitées, selon le cas, par la loi ou par le règlement ». Par contre, l’alinéa 3 de l’article 73 de la Constitution a, posé un très grave problème de conscience au sénateur Jean-Paul Virapoullé. En voici la teneur : « Par dérogation au premier alinéa et pour tenir compte de leurs spécificités, les collectivités régies par le présent article peuvent être habilitées, selon le cas, par la loi ou par le règlement, à fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire, dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi ou du règlement ».
Le Constituant reconnaît ainsi aux DROM la possibilité d’adopter des règles législatives et règlementaires à la suite d’une habilitation émanant, selon le cas, du Parlement ou du Gouvernement, mais uniquement « dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi ou du règlement ». Afin d’éviter tout risque de dérive institutionnelle, des « verrous constitutionnels » ont été prévus par l’article 73 de la Constitution, non seulement dans le troisième alinéa que nous venons de citer, mais plus encore dans le quatrième, ainsi rédigé : « Ces règles ne peuvent porter sur la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques, l’état et la capacité des personnes, l’organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l’ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes, ainsi que le droit électoral ».
II. Bien que nombreux et importants, ces « verrous constitutionnels » n’ont pas paru suffisants ou convaincants à Jean-Paul Virapoullé. Aussi, le sénateur saint-andréen a-t-il jugé bon de déposer un amendement constitutionnel que l’on peut qualifier d’amendement « intégriste », dès lors qu’il vise à compléter l’article 73 de la Constitution par l’adjonction d’un alinéa additionnel – l’affligeant alinéa 5 – avec pour objectif de refuser un pouvoir normatif local et donc la possibilité de voter des « lois pays » sur le territoire de La Réunion, car de telles lois risquent de comporter – selon Jean-Paul Virapoullé – une « menace d’autonomie législative », une menace elle-même assimilée par le sénateur « à l’antichambre de l’aventure et de l’indépendance » [3]. Adopté par le Parlement après de nombreuses péripéties et malgré la désapprobation de Brigitte Girardin, alors ministre des Outre-mer, l’irrationnel et saugrenu « amendement Virapoullé » a conduit au polémique cinquième alinéa de l’article 73 de la norme suprême, ainsi formulé en des termes autant lapidaires que péremptoires : « La disposition prévue aux deux précédents alinéas n’est pas applicable au département et à la région de La Réunion ».
III. En vérité, le cinquième alinéa de l’article 73 est considéré, à juste titre, comme une « hérésie constitutionnelle ». C’est notamment l’opinion d’Huguette Bello qui a été l’une des premières élues à dénoncer l’amendement Virapoullé à l’Assemblée nationale et ce, dès le 20 novembre 2002 : « À La Réunion, des représentants politiques se sont mis à jouer sur les peurs et les fantasmes et à faire revivre la crainte du largage. Ils rejettent toute idée d’évolution. Pire, ils ne veulent pas des possibilités d’adaptation ». Au nom du PCR, la formation au sein de laquelle elle milite encore en 2002, Huguette Bello devait préciser son exaspération en des termes particulièrement bien frappés. Les voici : « C’est la cohérence même de la réforme qui est mise à mal. C’est l’Histoire qu’on insulte. C’est l’avenir qu’on fige. Et lorsque les difficultés apparaîtront pour adapter des dispositions législatives aux réalités locales, il n’y aura pas d’autre alternative qu’une évolution statutaire. Est-ce le but recherché » [4] ?
Synonyme d’immobilisme par ses nombreux contempteurs, la prétendue garantie imposée dans la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 par le sénateur Jean-Paul Virapoullé et qui s’applique uniquement à La Réunion est, en réalité, préjudiciable aux intérêts bien compris de sa population. Il en est ainsi, dès lors qu’elle empêche ses représentants élus de disposer d’un pouvoir législatif et règlementaire par habilitation, selon le cas, du Parlement ou du Gouvernement dans une série de matières, certes, limitées en nombre et non régaliennes de l’État, mais néanmoins hautement stratégiques comme l’accès au foncier, la fiscalité locale, le développement des diverses sources d’énergie renouvelables, la préservation de l’environnement terrestre et marin, la sauvegarde du patrimoine culturel local, le transport public intérieur de passagers et de marchandises ou encore la formation professionnelle et l’emploi. Faut-il ici préciser, pour enfoncer le clou, que le pouvoir normatif local, ainsi consacré par l’alinéa 3 de l’article 73 de la Constitution, a déjà donné des résultats encourageants en Guadeloupe et à la Martinique et ce dans plusieurs des domaines ci-dessus énoncés ?
Autant dire que l’amendement Virapoullé n’aurait jamais dû être voté par le Parlement car il vise à pétrifier ad vitam æternam, contre la logique, la rationalité et le bon sens, le statut départemental dans la seule région monodépartementale française des Mascareignes. C’est dire également qu’une révision ciblée de la Constitution de la Ve République s’impose par un recours au Parlement convoqué en Congrès à Versailles – sur la base de son article 89, alinéa 3 – afin de le supprimer, dès lors qu’il traduit, selon la formule tout à fait appropriée de Brigitte Girardin, un « manque de confiance manifeste » à l’égard de la communauté réunionnaise dans son ensemble et de ses représentants élus [5].
IV. En vérité, le temps n’est-il pas aujourd’hui venu d’affranchir les initiatives des élus de La Réunion des contraintes engendrées par une politique centralisatrice, une politique jugée en tout cas outrancière dans l’ancienne île Bourbon par les forces politiques de la gauche locale ? Pourquoi en effet vouloir toujours agiter la peur viscérale de l’aventure, la hantise du largage ou, a fortiori, le « spectre de l’indépendance », s’interroge pour sa part le professeur réunionnais Ferdinand Mélin-Soucramanien, alors même que ses compatriotes, « dans leur très grande majorité, ne ressentent plus cette crainte irrationnelle et ont pleinement conscience de porter en eux la France et le Monde » [6] ?
L’amendement Virapoullé est fondamentalement humiliant dans la mesure où son initiateur réunionnais – en refusant de reconnaître un pouvoir normatif local à son propre pays – place en quelque sorte La Réunion sous le régime de la curatelle, un régime légal d’assistance qui vise à protéger dans les ordres juridiques internes ceux qu’on appelle les minus habens. Dès lors, l’abolition de l’amendement Virapoullé est bien la seule et urgente solution qui s’impose si l’on veut que les Réunionnais ne soient plus traités comme des Français de second rang ou des « majeurs incapables ».
La révision constitutionnelle que nous appelons ici de tous nos vœux apparaît même comme un préalable à la création d’une collectivité territoriale unique destinée à se substituer au département et à la région de La Réunion. Elle est en outre nécessaire si l’on veut que les représentants réunionnais disposent des mêmes compétences et responsabilités que leurs homologues guadeloupéens, guyanais, mahorais et martiniquais. Elle est enfin impérative si l’on veut que les élus de La Réunion soient dotés d’une capacité d’initiative effective sur leur île et puissent enfin exercer un pouvoir législatif et règlementaire par habilitation, selon le cas, du pouvoir parlementaire ou de l’autorité gouvernementale.
V. Une dernière question mérite d’être posée. L’amendement du sénateur Jean-Paul Virapoullé qui apparaît actuellement indéboulonnable pourra-t-il un jour être jeté dans la grande poubelle de l’histoire ? Ardemment souhaitée par la gauche réunionnaise progressiste et ce, dès le vote de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, une telle solution semble aujourd’hui réalisable à la suite du succès remporté le 19 juin 2022, lors du second tour des élections législatives, par les candidats qui s’étaient rangés sous la bannière de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (NUPES), créée à l’initiative de Jean-Luc Mélenchon (LFI) [7]. Nul doute que cette nouvelle génération de députés de gauche, au nombre de six sur les sept sièges qui étaient à pourvoir, parlerons d’une même voix pour défendre les intérêts fondamentaux de La Réunion et obtenir – entre autres – la suppression de cette « horreur constitutionnelle » que représente, selon notre collègue en colère, l’éminente professeure Anne-Marie Le Pourhiet, l’inconvenant cinquième alinéa de l’article 73 de la Constitution [8] ou, plus précisément encore, le déraisonnable et méphistophélique amendement Virapoullé.
L’eau n’est pas une ressource illimitée, elle doit être justement partagée
Zistwar Tikok, par Christian Fontaine… zistwar an kréol dann Témoignages -28-
In kozman pou la route
Pour un retour en classe dans les meilleures conditions
Pourquoi des Réunionnais ont-ils pu tenir de tels propos ?
L’Union des Comores refuse l’expulsion de ses citoyens de Mayotte
Messages
5 octobre 2022, 08:11, par Maillot joseph Luçay
Cet amendement Virapoulé à l’article 73 de notre constitution peut être considéré comme un viol constitutionnel des textes fondamentaux qui ont été annexés à notre constitution et de notre devise nationale qui est :"Liberté , égalité fraternité".
Notre constitution ne peut pas comporter des dispositions créant une rupture de l’égalité des droits entre des citoyens français se trouvant dans une situation identique lorsque cela n’est pas justifié par l’intérêt général du pays .
Il n’y a rien qui justifie une différence de traitement constitutionnel entre les réunionnais et les citoyens français des Antilles et de Guyane et notamment l’interdiction faite aux réunionnais d’adapter les lois françaises à leur situation spécifiques dans les cas ou cela est nécessaire pour rétablir l’égalité de droit qui doit exister sur la totalité du territoire national .
En adoptant l’amendement virapoulé nos parlementaires ont failli à leur devoir fondamental qui est de veiller au respect des droits fondamentaux sur l’ensemble du territoire national . Cela a été possible par ce que cet amendement a été adopté à 5 heures du matin par moins d’une dizaine de membres de la commission des lois et parce que la décision de la commission des lois prise par une minorité de ses membres a été approuvée sans débat lorsqu’elle a été soumise au vote des nos parlementaires .
Il y a beaucoup re textes législatifs qui sont adoptés ainsi sans que cela constitue un un viol constitutionnel . Mais dans ce cas précis c’est particulièrement grave parce qu’il y a eu une atteinte au principe de l’égalité des citoyens pour la population de toute une région comptant actuellement au moins 900000 habitants .
Nos élus ont attirés l’attentions des présidents qui se sont succédés dans notre pays depuis 2003 sur cette situation , mais en vain .Et lors des ses deux campagnes pour les élections présidentielles le candidat Macron a promis aux réunionnais de rétablir leur égalité de droit à l’occasion de la prochaine révision constitutionnelle . Mais une fois élu il n’a pas respecté sa promesse puisque la constitution a été déjà révisée pendant son premier mandat sans que la suppression de de ce fameux amendement y soit inclus . Et il est à craindre que la même chose se produise lors de la prochaine révision constitutionnelle prévue avant la fin de son deuxième mandat .
Peut être que cette magnifique intervention de monsieur Oraison qui est un grand spécialiste du droit constitutionnel pourra faire avancer les choses .Mais j’en doute. Seule la voix du peuple manifestant en grand nombre dans la rue pourrait être efficace .Vox populi vox dei . Mais encore faut il pourvoir le mobiliser sur une telle cause.
Mais peut être qu’il existe aussi une possibilité de saisir le conseil constitutionnel qui lui aussi doit s’assurer que nos lois respectent toujours les principes fondamentaux contenus dans les déclarations des droits de l’homme annexées à notre constitution et pourrait déclarer inconstitutionnelle des dispositions législatives révisant la constitution . Mais là aussi ce sera difficile car les conditions de saisine du conseil constitutionnel sont très restreintes et ne sont pas accessibles à tout le monde .
Nous vivons peut être dans le meilleur des monde , mais la perfection n’est pas de ce monde . Gardons quand même l’espoir que ce droit qui est donné aux autres régions d’outre mer d’adapter les lois de notre pays à leurs situations spécifiques nous soit également accordé un jour prochain .
6 octobre 2022, 12:15, par Maillot Joseph Luçay
Pour compléter mon intervention sur la nécessité d’enlever l’amendement de Virapoulé à l’article 73 de notre constitution pour accorder aux réunionnais le droit d’adapter les lois de la républiques à leur situation spécifique , j’ajouterai que cela est possible lors d’une prochaine révision constitutionnelle . Mais si le Président de la république persistait à nous refuser ce droit , même si le peuple réunionnais le lui demande à haute voix , il reste quand même la solution de faire saisir le conseil constitutionnel par les juges administratifs qui seraient obligés de le saisir s’ils étaient amenés à se prononcer sur la légalité d’une délibération de notre conseil régional décidant d’adapter une loi de la république pour tenir compte de notre situation spécifique.
Dans le cas où le Conseil Régional de la Réunion prendrait une telle décision celle ci pourrait être déférée devant le tribunal administratif par le préfet de la Réunion agissant dans le cadre de ses pouvoirs de contrôle de la légalité des actes des collectivités territoriales, et en principe le tribunal administratif devrait alors interroger le conseil constitutionnel avant de prendre sa décision .
Et bien entendu , si le préfet ne contestait pas la légalité de la délibération celle ci serait applicable , à moins qu’un contribuable de la Région Réunion décide de saisir lui même le tribunal administratif pour contester la délibération en question et obliger la saisine du conseil constitutionnel , qui serait alors lui aussi obligé de répondre à la question sur l’injustice créée par la rupture injustifiée de l’égalité des droits entre des citoyens français se trouvant dans le même situation .
Plutôt que de nous obliger à demander l’application de nos droits par voie judiciaire le président Macron devrait à mon avis respecter sa parole et inclure la suppression de l’amendement Virapoulé à l’article 73 de notre constitution dans le prochain projet de révision constitutionnelle prévu pendant son deuxième mandat , et il aura alors droit à une reconnaissance éternelle du peuple réunionnais qui aurait ainsi la capacité de maitriser son avenir et de consolider lui même son appartenance à la France et à l’Europe et d’éviter toute dérive indépendantiste qui pourrait être justifiée par un sentiment d’exclusion de la nation française créé par une trop grande inégalité de droit entre la Région Réunion et les autres régions françaises .
Peut être que monsieur Virapoulé pourrait aussi reconnaitre qu’il a commis une grosse erreur en faisant adopter diaboliquement à 5h du matin son amendement par une petite minorité de la commission des lois afin de pouvoir éviter un vrai débat sur son amendement lors du vote de la révision constitutionnelle par les parlementaires réunis en congrès . Il n’est jamais trop tard pour bien faire monsieur Virapoulé