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Libre opinion d’André Oraison, Professeur des Universités, juriste et politologue
23 février 2019, par
La prorogation du bail sur Diego Garcia va à l’encontre des espoirs des États riverains qui sont favorables à la création d’une « zone de paix » dans l’océan Indien. Elle contrarie également les Mauriciens qui souhaitaient récupérer les Chagos à la fin du bail initial, fixée au 30 décembre 2016, ainsi que les Chagossiens qui militent depuis des décennies pour leur retour dans leurs îles natales.
A) Les effets négatifs sur la création d’une « zone de paix » dans l’océan Indien.
Au sujet de la création de « zones de paix », des progrès réels ont été constatés dans plusieurs régions du monde et tout particulièrement dans l’Hémisphère Sud dont relève l’océan Indien. Ainsi, le continent Antarctique est entièrement démilitarisé par le traité de Washington du 1er décembre 1959. L’Amérique latine est dénucléarisée par le traité de Tlatelolco (un quartier de Mexico) du 14 février 1967 ainsi que le Pacifique Sud par le traité de Rarotonga du 6 août 1985 et l’Afrique par le traité de Pelindaba, un traité signé au Caire le 11 avril 1996. Qu’en est-il alors de la région de l’océan Indien ?
En réplique à la militarisation de Diego Garcia par les anglo-américains et à l’initiative du Sri Lanka, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté dès le 16 décembre 1971 par 61 voix et 55 abstentions, la Résolution 2832 qui contient la « Déclaration faisant de l’océan Indien une zone de paix ». Parmi les abstentions, il faut noter celles des États-Unis, de la France, de la Grande-Bretagne et de l’Union soviétique qui entretiennent, à l’époque, des flottes de guerre dans cet espace maritime. On peut comprendre les réticences de ces États : en se déclarant favorable à une démilitarisation ciblée de l’océan Indien, la Résolution 2832 vise directement les grandes puissances puisqu’elle leur demande « d’éliminer de l’océan Indien toutes les bases » et « installations militaires » ainsi que « la mise en place d’armes nucléaires » et « toute manifestation de la présence militaire des grandes puissances dans l’océan Indien ». La Résolution 2832 implique donc, en priorité, le démantèlement intégral et immédiat des bases militaires étrangères installées dans l’océan Indien comme la base anglo-américaine de Diego Garcia dans l’archipel des Chagos et la base française de Djibouti à la corne de l’Afrique.
Depuis le vote de la Résolution 2832, la question relative à la création d’une « zone de paix » dans l’océan Indien est inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée générale de l’ONU. Le 15 décembre 1972, celle-ci vote une résolution qui crée le Comité spécial de l’océan Indien afin d’envisager des mesures utiles pour « promouvoir les objectifs de la Résolution 2832 ». Par la suite, l’organe plénier de l’ONU adopte le 15 décembre 1989, par 137 voix contre 4 – dont les voix des Américains, des Britanniques et des Français – et 14 abstentions, une résolution qui demande aux États de l’océan Indien de convoquer « à Colombo en 1991 » une conférence afin d’aboutir à la conclusion d’un traité visant à ériger l’océan Indien en « zone de paix ». Mais dans des « notes verbales » adressées au Secrétaire général de l’ONU les 17 et 18 avril 1990, Américains, Britanniques et Français ont annoncé leur décision de ne plus participer aux travaux du Comité préparatoire à la Conférence sur l’océan Indien en raison de graves divergences avec les autres participants sur les questions qui devaient y être débattues.
Dans sa dernière résolution adoptée, le 4 décembre 2017, au sujet de l’« Application de la Déclaration faisant de l’océan Indien une zone de paix », l’Assemblée générale « se déclare de nouveau convaincue que la participation de tous les membres permanents du Conseil de sécurité… faciliterait… l’instauration d’un dialogue bénéfique à tous pour faire progresser la paix… dans l’océan Indien ». Si cette résolution a été votée par 132 voix et 46 abstentions, elle l’a été, derechef, avec l’opposition des États-Unis, de la France et de la Grande-Bretagne. En raison de l’inflexibilité des Occidentaux, la Résolution 72/21 ne peut donc apporter rien de nouveau par rapport à la Résolution 2832. Ainsi, ce sont bien les puissances occidentales – des États extérieures à l’océan Indien – qui opposent un véritable « droit de veto » à la concrétisation du concept de « zone de paix » dans cet espace maritime. Jusqu’à la prochaine date butoir du 30 décembre 2036, l’atoll de Diego Garcia a donc vocation à rester un « super porte-avions britannique » ancré au cœur de l’océan Indien et puissamment armé par les Américains.
De fait, la situation reste incertaine au Cachemire, la province indienne revendiquée depuis 1947 par le Pakistan, et en Afghanistan où le Gouvernement de Kaboul – toujours aidé au plan militaire par les États-Unis – est menacé par des groupes djihadistes. La situation est préoccupante au Proche-Orient où perdure le conflit israélo-palestinien, à la Corne de l’Afrique déstabilisée par la guerre au Yémen et les actes de piraterie qui compromettent la liberté de navigation dans l’océan Indien occidental. Faut-il enfin rappeler que l’Iran est toujours perçu comme une menace pour les États de la péninsule Arabique bien qu’il ait renoncé à l’arme nucléaire sous la pression des États-Unis ? Conclu par l’Iran, l’Allemagne et les 5 membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies, l’accord de Vienne du 14 juillet 2015 se présente comme un compromis qui « vise à garantir que le programme nucléaire de l’Iran sera mené exclusivement à des fins pacifiques ». En contrepartie, l’accord décide la levée progressive des sanctions imposées à l’Iran par des résolutions votées par le Conseil de sécurité.
Cet accord est toutefois remis en cause par la décision américaine du 8 mai 2018 visant à le dénoncer : le président Donald Trump est en effet convaincu que ce traité n’empêchera pas l’Iran de se doter, à moyen terme, de l’arme nucléaire. Pour cette raison, le nouveau locataire de la Maison Blanche entend maintenir le cap tracé par ses prédécesseurs dans l’océan Indien, devenu un centre de rivalité entre les deux géants d’Asie : le Dragon chinois et l’Éléphant indien. Faut-il ici préciser que la Chine a déjà fixé en 2016 « à Djibouti » – un pays qui occupe une position clef sur le détroit de Bab el-Mandeb – « sa première présence militaire lointaine », à proximité des bases militaires françaises et américaines ? Autant dire qu’un retrait stratégique des Américains de Diego Garcia serait de nature à faciliter l’hégémonie de la Chine et de l’Inde et un probable retour de la Russie dans l’océan Indien.
B) Les effets négatifs pour l’État mauricien.
La zone économique exclusive des îles Chagos est riche en ressources halieutiques. Aussi est-elle revendiquée par l’État mauricien. Les Mauriciens soutiennent que le décret-loi britannique du 8 novembre 1965 qui ampute la colonie de Maurice des Chagos avant son accession à la souveraineté – proclamée le 12 mars 1968 – transgresse le droit international de la décolonisation. L’excision des Chagos de la colonie de Maurice est d’abord une violation de la règle de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation qui interdit le démembrement d’un territoire colonial avant son accession à l’indépendance. Dès lors que l’excision des îles Chagos a été réalisée contre la volonté de leurs habitants, la Grande-Bretagne a aussi méconnu le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Dans une lettre du 14 juillet 2016, le représentant de Maurice aux Nations Unies a demandé à l’Assemblée générale de saisir la Cour internationale de Justice afin qu’elle puisse se prononcer « sur les effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965 ». Lors de son allocution à l’Assemblée générale le 23 septembre 2016, le Premier ministre mauricien avait toutefois suspendu la procédure en cours, au motif que des négociations bilatérales étaient engagées. Pour Sir Anerood Jugnauth, ces pourparlers devaient conduire les Parties à régler, au plus tard en juin 2017, la question du retour des Chagos dans le giron mauricien.
Mais ce scénario a été compromis par la prorogation du bail sur Diego Garcia, le 30 décembre 2016. Aucun progrès n’ayant été réalisé au premier semestre 2017, Maurice a donc mis sa menace à exécution. Suite à sa décision du 16 septembre 2016 d’inscrire à l’ordre du jour de sa 71e session la question d’une demande d’avis à la Cour de La Haye sur les Chagos, l’Assemblée générale s’est prononcée en ce sens. Adoptée le 22 juin 2017 par 94 voix contre 15 (dont celles des États-Unis et de la Grande-Bretagne) et 65 abstentions, la Résolution 71/292 demande à la Cour de donner un avis consultatif pour savoir si « le processus de décolonisation » a été « mené à bien lorsque Maurice a obtenu son indépendance en 1968, à la suite de la séparation de l’archipel des Chagos de son territoire et au regard du droit international ». Nul doute que l’Organe judiciaire principal des Nations Unies se prononcera très prochainement en faveur de la thèse mauricienne.
C) Les effets négatifs pour les Chagossiens.
La prorogation du bail sur Diego Garcia jusqu’au 30 décembre 2036 brise enfin les rêves des Chagossiens en exil. Dans un premier temps, la Grande-Bretagne n’avait pas exclu la possibilité de leur retour aux Chagos, dans l’hypothèse même d’une prorogation du bail. Dans une déclaration du 8 juillet 2013 à la Chambre des Communes, Mark Simmonds, sous-secrétaire d’État aux Affaires étrangères, indiquait que la Grande-Bretagne allait demander à un cabinet d’experts une étude de faisabilité portant sur la réinstallation des Chagossiens au pays natal. Le 19 novembre 2013, Mark Simmonds précisait que son Gouvernement se prononcerait avant le 31 décembre 2014 sur l’étude de faisabilité concernant la question du retour des Chagossiens sur toutes les îles, y compris sur la partie orientale de Diego Garcia qui échappe au processus de militarisation. Mais dans un rapport sur le repeuplement des Chagos mis en ligne sur le site web du Foreign and Commonwealth Office, le 28 novembre 2014, les Britanniques ont déclaré qu’ils ne souhaitaient plus accueillir qu’un nombre restreint de Chagossiens dans le seul secteur oriental de Diego Garcia. Dans un autre rapport, mis en ligne le 4 août 2015, ils ont aussi prétendu interdire aux bénéficiaires du droit au retour l’accession à la propriété privée. Autant dire avec Olivier Bancoult, le leader du Groupe Réfugiés Chagos, que les conditions britanniques sont « inacceptables ».
Finalement, après le changement de Gouvernement intervenu au lendemain du référendum du 23 juin 2016 sur la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne, le projet de réinstallation des Chagossiens a été purement et simplement abandonné. À la Chambre des Communes, Joyce Anelay, ministre d’État britannique au Développement international, a fait savoir le 16 novembre 2016 que son Gouvernement avait pris cette décision pour des raisons « de défense et de sécurité ». En compensation, la ministre s’engage à verser 40 millions de livres sterling aux Chagossiens pour favoriser leur insertion à Maurice et aux Seychelles. Cette décision peut surprendre quand on se reporte à la décision prise par la Cour européenne des droits de l’Homme. Saisie par les Chagossiens, la Cour a débouté les requérants : dans son arrêt rendu le 11 décembre 2012, elle a refusé d’examiner l’affaire au fond en déclarant irrecevable leur plainte déposée contre les Britanniques pour violation des droits humains lors de leur déportation au motif qu’une indemnité forfaitaire de 4 millions de livres leur avait été versée en 1982 « pour solde de tout compte ».
La décision britannique qui refuse aux Chagossiens le droit de revenir au pays natal viole, par ailleurs, l’article 9 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, ainsi rédigé : « Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ni exilé ». Certes, le droit de revenir vivre dans leur pays d’origine avait été reconnu aux Chagossiens par la Haute Cour de Justice de Londres le 3 novembre 2000 puis confirmé par cette juridiction dans un jugement du 11 mai 2006 et par la Cour d’Appel de Londres dans un arrêt du 23 mai 2007. Mais, par la suite, ce droit de retour a été rejeté dans une décision rendue le 22 octobre 2008 par les « Law Lords » et confirmée par la Cour suprême du Royaume-Uni dans un arrêt rendu le 29 juin 2016. La Cour laisse toutefois entendre que l’étude de faisabilité sur les implications du retour des Chagossiens au pays natal peut justifier une nouvelle action devant le juge britannique. Mais les Chagossiens placent plutôt leurs espoirs dans l’avis consultatif qui sera bientôt rendu par la Cour de La Haye.
Pendant la nouvelle période de 20 ans qui a commencé le 30 décembre 2016 avec la prorogation du bail sur Diego Garcia et qui prendra fin, en principe, le 30 décembre 2036, nous devons rester à l’écoute des Chagossiens qui ont été et restent les premières victimes collatérales de l’affrontement américano-soviétique. Nous devons continuer à aider cette petite communauté pacifique qui a été sacrifiée, dans le secret, au nom de la raison d’État, sur l’autel des intérêts stratégiques des États-Unis et de la Grande-Bretagne afin de concrétiser leurs desseins méphistophéliques au cœur de l’océan Indien.
André Oraison
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