Libre opinion d’André Oraison sur la Polynésie française - 3 -

La consécration de l’institution des arrangements administratifs

3 mars 2005, par André Oraison

Nous publions aujourd’hui la deuxième partie du 1er chapitre de la série d’articles d’André Oraison, une libre opinion intitulée “Les énigmatiques “arrangements administratifs” consacrés par la loi organique du 27 février 2004, relative à la Polynésie française”.

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Mais une autre question importante doit être résolue : que penser de la nature juridique de ces arrangements administratifs qui semblent légitimés dans le cadre d’une politique de décentralisation des compétences extérieures de l’État ? Si on refuse avec la doctrine dominante de les classer dans une "catégorie juridique inconnue" ou dans une "catégorie sui generis", l’interrogation revêt la forme d’une alternative. Les arrangements administratifs - qui n’ont été consacrés, en France, que dans les statuts successifs de la Polynésie française, ceux de 1996 et de 2004 (1) - constituent-ils une composante privilégiée des conventions de coopération décentralisée ou entrent-ils dans la catégorie des conventions internationales (2)  ? En d’autres termes, sont-ils des contrats transfrontaliers soumis au droit interne ou au contraire des traités diplomatiques relevant du droit international public ?
Sur ce point précis, des éléments de réponse sont déjà donnés, de manière concordante, dans les dictionnaires juridiques qui font autorité. Deux d’entre eux retiendront ici notre attention. Certes, dans le Vocabulaire juridique du professeur Gérard Cornu, le substantif "arrangement" - au demeurant non complété par l’adjectif "administratif" - a plusieurs sens. Cependant, ce vocable y est défini sur un plan juridique comme "un accord international qui peut avoir été conclu selon des procédures plus souples que celles prévues pour un traité en forme solennelle ou un accord en forme simplifiée" (3) . Le Vocabulaire juridique apporte par ailleurs une utile précision lorsqu’il présente l’arrangement comme un "accord international venant à titre complémentaire d’un traité et en fixant les mesures d’application". Dans le Dictionnaire de Droit international public élaboré sous la responsabilité du professeur Jean Salmon, le terme “arrangement” est pareillement défini, dans un sens juridique, comme un "synonyme d’accord international" (4) . Ce précieux Dictionnaire souligne que ce mot désigne en fait un accord conclu entre des autorités administratives d’États distincts et, plus précisément, "un accord d’exécution d’un traité de base ou un accord, conclu ou non sous forme simplifiée, portant sur une matière administrative ou technique".

(à suivre...)

André Oraison

(1) Ni la loi organique du 19 mars 1999 qui fixe le présent statut sui generis de la Nouvelle-Calédonie, ni la loi d’orientation pour l’Outre-mer (L.O.O.M.) du 13 décembre 2000 qui concerne essentiellement les D.O.M. de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de La Réunion et accessoirement la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, ni a fortiori la loi ordinaire du 11 juillet 2001, relative au nouveau statut interne de Mayotte, n’ont consacré cette notion ambiguë d’arrangements administratifs ! À ce sujet, voir Oraison (A.), "L’émergence de Mayotte sur la scène internationale (Les mesures prises par la loi du 11 juillet 2001 pour assurer l’intégration de la “collectivité départementale de Mayotte” dans son environnement régional immédiat)", R.J.P.I.C., 2002/2, pp. 196-212.

(2) Il faut ici mettre en exergue le point de vue personnel de M. Olivier Gohin qui aurait une propension - au moins de prime abord - à faire entrer les conventions de coopération transfrontalière et les arrangements administratifs dans une même catégorie juridique. Il en est ainsi lorsqu’il déclare : "Les conventions de coopération décentralisée ne sont, elles-mêmes, qu’une catégorie privilégiée de tels arrangements" ! Voir Institutions Administratives, Éditions L.G.D.J., Paris, 1998, pp. 475-476. À la décharge de notre collègue, il faut reconnaître que la loi organique du 12 avril 1996 est mal présentée. Elle a en effet le tort de placer dans un même article 41 les arrangements administratifs (alinéa 1er) et les conventions de coopération décentralisée (alinéa 2) tandis qu’elle place dans un même article 40 les accords internationaux conclus par le président du gouvernement polynésien dans le domaine de compétence de l’État et dans le ressort du territoire d’Outre-mer (alinéa 1er). La rédaction de la loi organique du 27 février 2004 est plus rationnelle puisqu’elle consacre un article distinct à ces différents cas de figure. L’article 16 concerne les “arrangements administratifs” et l’article 17 les “conventions de coopération décentralisée”. Par ailleurs, l’article 38 concerne les accords internationaux conclus par le président de la Polynésie française dans le domaine de compétence de l’État, tandis que l’article 39 vise les accords conclus par le président polynésien dans le ressort de la collectivité d’Outre-mer.

(3) Voir Cornu (G.), Vocabulaire juridique, Éditions Presses Universitaires de France (P.U.F.), Paris, 2000, p. 70.

(4) Voir Salmon (J.), Dictionnaire de Droit international public, Éditions Bruylant, Bruxelles, 2001, p. 91.


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