
Hommage à la femme de Bruny PAYET
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Tribune libre d’André Oraison Professeur des Universités, Juriste et Politologue
4 septembre 2017, par
Dans cette libre opinion, le Professeur Oraison indique que la préférence régionale à l’embauche existe en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie, et s’applique en fonction de la durée de résidence et des difficultés de recrutement. Dans les collectivités relevant de l’article 73, comme La Réunion, et qui ne sont donc pas « dotées de l’autonomie », cette préférence régionale ne peut s’appliquer. Pour lutter contre le chômage, le Professeur Oraison fait allusion aux propositions du rapport Lebreton. Il souligne également la possibilité d’une réforme institutionnelle qui « permettrait enfin à La Réunion d’agir avec plus de célérité et de visibilité à l’égard de la population locale en matière économique, sociale et culturelle ». La suppression de l’alinéa 5 de l’article 73 de la Constitution donnerait des moyens nouveaux pour notamment « l’emploi des jeunes Réunionnais actifs de moins de 25 ans ».
À La Réunion, plus de 181 000 personnes sont inscrites à Pôle emploi au 31 juillet 2017, soit 30 % de la population en âge de travailler et près de 60 % des jeunes de moins de 25 ans. Dans un tel contexte, des Réunionnais se déclarent favorables à l’« embauche locale » ou à la « priorité des insulaires » pour lutter contre le chômage de masse. C’est ce que révèle une interview de personnalités publiée le 14 mars 2012 dans un quotidien local, sous le titre : « Préférence régionale : et si on finissait par trancher ? » [1]. De fait, le recours à la préférence régionale pour résoudre le problème crucial de l’emploi est envisagé dans les collectivités territoriales régies par l’article 73 de la Constitution – la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte et La Réunion – depuis que cette pratique discriminatoire a été admise en Nouvelle-Calédonie, puis dans les collectivités d’outre-mer « dotées de l’autonomie » (COM-DA) [2].
La pratique discriminatoire de la préférence régionale pour résoudre le problème crucial de l’emploi été introduite en Nouvelle-Calédonie par la loi constitutionnelle du 20 juillet 1998. Relative à cette collectivité territoriale sui generis du Pacifique, la loi organique du 19 mars 1999 précise dans son article 24 : « La Nouvelle-Calédonie prend au bénéfice des citoyens de la Nouvelle-Calédonie et des personnes qui justifient d’une durée suffisante de résidence des mesures visant à favoriser l’exercice d’un emploi salarié. De telles mesures sont appliquées dans les mêmes conditions à la fonction publique de la Nouvelle-Calédonie ». Dans sa décision du 15 mars 1999, le Conseil constitutionnel déclare que le principe de ces mesures, prises pour tenir compte de l’étroitesse du marché du travail en Nouvelle-Calédonie, « trouve son fondement constitutionnel dans l’accord de Nouméa » et que, par suite, « l’article 24 n’est pas contraire à la Constitution ».
Par la suite, la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, relative à l’organisation décentralisée de la République, a étendu – à notre avis, sans justifications véritables – la pratique de la préférence régionale à l’embauche dans les COM-DA. En vertu de l’alinéa 10 de l’article 74 de la Constitution, une loi organique peut déterminer pour les COM-DA les conditions dans lesquelles « des mesures justifiées par les nécessités locales peuvent être prises par la collectivité en faveur de sa population en matière d’accès à l’emploi ».
Portant statut d’autonomie de la Polynésie française, la loi organique du 27 février 2004 a fait ainsi une première application dans une COM-DA de cette pratique discriminatoire. Son article 18 permet à la Polynésie française de prendre des « mesures favorisant l’accès aux emplois salariés du secteur privé au bénéfice des personnes justifiant d’une durée suffisante de résidence sur son territoire ou des personnes justifiant d’une durée suffisante de mariage, de concubinage ou de pacte civil de solidarité avec ces dernières ». L’article 18 précise que « de telles mesures sont appliquées dans les mêmes conditions pour l’accès aux emplois de la fonction publique de la Polynésie française ».
Ainsi, des mesures préférentielles pour favoriser l’accès au travail sont désormais autorisées par la Constitution. Il faut toutefois éviter des désillusions à ceux qui les présentent comme des mesures de salut public et souhaitent les voir appliquées dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution car ces mesures comportent d’importantes restrictions.
D’abord, ces mesures préférentielles ne peuvent être prises que sur la base d’une « durée suffisante de résidence » des personnes en Nouvelle-Calédonie et dans les COM-DA : dès lors, elles ne sauraient ignorer les discriminations qui sont interdites par la Constitution. Ainsi, la préférence régionale à l’embauche ne saurait être fondée sur l’âge de la personne, son sexe, son identité ou orientation sexuelle, son apparence physique, son nom patronymique, son lieu de naissance, son lieu de résidence, ses origines ethniques, la couleur de sa peau, ses opinions politiques, ses activités syndicales ou mutualistes, ses croyances religieuses, ses convictions philosophiques, sa situation de famille, son état de santé ou de grossesse ou encore son handicap physique. Le critère unique de la « durée suffisante de résidence » devrait déjà inciter à la réflexion tous ceux qui proposent d’introduire dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution un « avantage différentiel » dans l’accès à l’emploi au profit des populations locales.
De surcroît, les mesures préférentielles retenues pour l’accès au travail des populations de la Nouvelle-Calédonie et des COM-DA ne peuvent pas être générales. Elles sont toujours catégorielles. Dans sa décision du 15 mars 1999 relative au statut de la Nouvelle-Calédonie, le Conseil constitutionnel indique qu’il incombe aux lois du pays de fixer, « pour chaque type d’activité professionnelle et chaque secteur d’activité, la « durée suffisante de résidence »… en se fondant sur des critères objectifs et rationnels en relation directe avec la promotion de l’emploi local, sans imposer de restrictions autres que celles… nécessaires à la mise en œuvre de l’accord de Nouméa ». L’idée qui prévaut est simple : moins les activités professionnelles se caractérisent par des difficultés au niveau du recrutement en main d’œuvre locale dans tel ou tel secteur, plus la durée de résidence requise sur le territoire néo-calédonien peut être longue. Le Conseil constitutionnel précise toutefois que « cette durée ne saurait excéder celle fixée… pour acquérir la citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie », soit dix ans de résidence en Nouvelle-Calédonie pour les emplois peu qualifiés ou non qualifiés. Cette durée « à géométrie variable » est en fait comprise entre trois et dix ans. Certes, le mécanisme institué vise essentiellement à restreindre la concurrence des métropolitains sur les emplois peu qualifiés ou non qualifiés offerts dans les deux principales collectivités territoriales françaises du Pacifique. Mais il ne l’exclut pas ad vitam æternam.
Il est trop tôt pour apprécier l’efficacité d’un tel système de protection de l’emploi local, au demeurant très encadré par les jurisprudences du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État. Il en est ainsi dans la mesure où celui qui a été mis en place en Nouvelle-Calédonie par la « loi du pays » du 27 juillet 2010 n’est opérationnel dans le secteur privé que depuis le 1er juin 2012 et ne donne pas entière satisfaction à certains employeurs qui le trouvent déjà trop rigide tandis que ce système n’est toujours pas institué en Polynésie en 2017, soit treize ans après l’entrée en vigueur de son statut de COM-DA.
Les juristes sont d’emblée réservés ou critiques à l’égard de cette pratique discriminatoire. On peut les comprendre dans la mesure où la mise en œuvre de la préférence régionale à l’embauche a des effets négatifs au plan juridique : elle porte atteinte au principe constitutionnel et républicain d’égalité entre les citoyens qui est un principe général de droit profondément enraciné dans la conscience des Français depuis la Révolution de 1789. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle cette pratique discriminatoire n’est pas reconnue par la Constitution dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution.
En vérité, cette pratique discriminatoire dans le domaine de l’emploi est incompatible, en droit, avec le logiciel fondamentalement égalitariste de la départementalisation conçu au lendemain de la Libération dans les vieilles colonies de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de La Réunion. Ce logiciel a été revendiqué par les populations locales quasi-unamines sous l’impulsion clairvoyante de cinq députés ultramarins progressistes – Gaston Monnerville en Guyane, Léopold Bissol et Aimé Césaire en Martinique, Léon de Lépervanche et Raymond Vergès à La Réunion – avant d’être adopté, à l’unanimité, par l’Assemblée nationale constituante dans la loi de décolonisation du 19 mars 1946 ou, « mieux » loi « d’égalisation », pour reprendre la formule beaucoup plus juste du député-maire de Fort-de-France Aimé Césaire, alors rapporteur des trois propositions de loi « tendant au classement comme départements français » des « quatre vieilles » à la Commission des territoires d’outre-mer.
Dès lors qu’elle jette l’opprobre sur les étrangers et les immigrés – accusés d’être responsables de tous les maux de la société – et qu’elle consiste, par suite, à introduire des différences de droits politiques et sociaux entre les individus selon leurs origines ethniques ou leurs lieux de naissance, cette pratique a également des effets pervers au plan sociétal : elle peut conduire au communautarisme étriqué et au sectarisme, quand ce n’est pas à la xénophobie chronique et violente.
Pour ces raisons d’ordre juridique et sociétal, la préférence régionale à l’embauche n’a pas vocation à être introduite dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution. Les responsables des partis politiques et des organisations syndicales de La Réunion devront faire preuve d’imagination et recourir à des moyens moins contestables et moins démagogiques pour réduire l’ampleur du chômage dans le département français des Mascareignes. Mais lesquels ? À l’évidence, il y en a plusieurs.
On doit notamment faire allusion au rapport sur « La régionalisation de l’emploi en Outre-mer ». Établi en 2013 par Patrick Lebreton, alors député socialiste de La Réunion, ce rapport contient 25 propositions pour régionaliser l’emploi des Ultramarins dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution. Parmi elles, il faut noter l’incitation du secteur privé à embaucher en priorité localement et la suppression de certains avantages financiers qui encouragent les fonctionnaires métropolitains à venir faire carrière dans les Outre-mer, comme « les primes de mobilité » et les « congés bonifiés ». Le rapport Lebreton propose également la régionalisation des formations professionnelles en fonction des besoins spécifiques de chacune de ces collectivités [3], la prise en considération de la notion de « centre d’intérêts matériels et moraux » (CIMM) afin de faciliter le retour dans chacune des collectivités périphériques des fonctionnaires ultramarins en poste en Métropole ainsi que « la prise en compte de la connaissance de l’environnement local dont la maîtrise de la langue pour les mutations ». Mais certaines propositions du rapport Lebreton seront vraisemblablement repoussées sine die pour des raisons budgétaires tandis que d’autres sont déjà très contestables au plan juridique.
On doit également envisager une réforme institutionnelle visant à remplacer le département et la région de La Réunion par une collectivité territoriale unique. Cette réforme aurait d’abord pour effet de réduire les coûts de fonctionnement des services publics réunionnais. Elle permettrait également à la nouvelle entité administrative de renforcer l’influence politique de La Réunion auprès du Gouvernement de Paris ainsi que son poids économique auprès des États du bassin sud-ouest de l’océan Indien. La réforme suggérée permettrait enfin à La Réunion d’agir avec plus de célérité et de visibilité à l’égard de la population locale en matière économique, sociale et culturelle. Mais pour être pleinement efficiente, cette réforme implique aussi la suppression de l’alinéa 5 de l’article 73 de la Constitution qui empêche La Réunion de disposer d’un pouvoir législatif et règlementaire par habilitation, selon le cas, du Parlement ou du Gouvernement dans une série de matières non régaliennes mais hautement stratégiques comme l’éducation et la culture, les énergies renouvelables, la fiscalité locale, les transports publics et d’abord – aujourd’hui, la priorité des priorités – l’emploi des jeunes Réunionnais actifs de moins de 25 ans.
André Oraison
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