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Le statut d’autonomie de la Polynésie française

Libre opinion d’André Oraison sur la Polynésie française - 1 -

mardi 1er mars 2005, par André Oraison


Nous commençons aujourd’hui une série d’articles d’André Oraison, professeur de Droit public à l’Université de La Réunion (Université française et européenne de l’océan Indien), une libre opinion intitulée “Les énigmatiques “arrangements administratifs” consacrés par la loi organique du 27 février 2004, relative à la Polynésie française” sous titrée “Réflexions sur certaines compétences internationales spécifiques reconnues à une collectivité d’Outre-mer du Pacifique”.


(Page 6)

Le "chantier juridique" que représente la "France du grand large" n’a pas fini de nous étonner, ainsi qu’en témoigne le statut d’autonomie de la Polynésie française, fixé par la loi organique du 27 février 2004 (J.O.R.F.,
2 mars 2004, pp. 4183-4213). Dans son article 1er, cette loi fait de la Polynésie française "une collectivité d’Outre-mer dont l’autonomie est régie par l’article 74 de la Constitution". Ses compétences sont notamment augmentées dans le domaine des relations internationales, dès lors que son nouveau statut lui permet de conclure des "arrangements administratifs" avec des États indépendants. Mais d’emblée, il ne faut pas confondre ces “arrangements administratifs” avec les “conventions de coopération décentralisée” qui peuvent être conclues par la Polynésie française avec d’autres collectivités territoriales françaises ou étrangères.
Pour réussir l’insertion de la Polynésie française dans son environnement régional - essentiellement composé d’États souverains - n’était-il pas souhaitable que le Pouvoir central fasse preuve d’audace en allant au-delà de la coopération décentralisée extérieure mise en œuvre par la loi du 6 février 1992, aujourd’hui banalisée et finalement peu adaptée aux collectivités territoriales de l’Outre-mer français ? Pour écrire une nouvelle page de l’Histoire de la Polynésie française, il était judicieux que le Gouvernement de Paris aille très loin dans la voie des réformes en reconnaissant un pouvoir d’intervention original à cette collectivité d’Outre-mer dans le domaine des relations internationales. Ne pouvait-il pas reconnaître - dans certaines conditions et dans certaines matières - la capacité de conclure des engagements intergouvernementaux - ou treaty making power - à l’exécutif de la Polynésie française dans ses rapports avec les États souverains du Pacifique ?
Certes, tout État indépendant dispose du treaty making power tandis que les collectivités territoriales qui coexistent en son sein - quelles que soient leurs appellations - ne l’ont pas. C’est dire que l’État souverain bénéficie du monopole de la personnalité juridique internationale. Cependant, il existe des exceptions. Au niveau des principes, rien ne s’oppose en droit international public à ce que des subdivisions politiques d’un État fédéral soient investies de certaines compétences d’ordre externe. De fait, certains États membres d’un État fédéral - les Länder allemands, les Cantons suisses, les Provinces canadiennes ou encore les Régions belges - se voient reconnaître, dans certaines conditions et dans le cadre de leurs compétences respectives, le pouvoir de négocier et de conclure des conventions internationales en vertu d’une clause de la constitution fédérale. Par analogie, il est aujourd’hui possible d’en dire autant au sujet des collectivités territoriales d’un État unitaire comme la France où les instances dirigeantes se montrent favorables, depuis la fin de la décennie "90", à une certaine décentralisation du treaty making power.
De fait, le récent statut polynésien du 27 février 2004 s’est inspiré du statut sui generis de la Nouvelle-Calédonie, établi en 1998, pour accorder à la collectivité d’Outre-mer du Pacifique et plus exactement à son président certaines responsabilités particulières dans le domaine des relations internationales. Mais il se singularise en consacrant l’insolite notion d’arrangements administratifs qui n’existait déjà - en France - que dans le précédent statut de la Polynésie française.

(à suivre)

André Oraison


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