Libre opinion d’André Oraison sur la Polynésie française - 4 -

Les importantes restrictions des arrangements administratifs

4 mars 2005, par André Oraison

Nous poursuivons la parution de la série d’articles d’André Oraison, une libre opinion intitulée “Les énigmatiques “arrangements administratifs” consacrés par la loi organique du 27 février 2004, relative à la Polynésie française”. Aujourd’hui, la troisième partie du premier chapitre de l’exposé du professeur de Droit public à l’Université de La Réunion.

(Page 6)

Dans le Dictionnaire de droit international public élaboré sous la responsabilité du professeur Jean Salmon, le terme “arrangement” est pareillement défini, dans un sens juridique, comme un "synonyme d’accord international". Ce précieux Dictionnaire souligne que ce mot désigne en fait un accord conclu entre des autorités administratives d’États distincts et, plus précisément, "un accord d’exécution d’un traité de base ou un accord, conclu ou non sous forme simplifiée, portant sur une matière administrative ou technique".
C’est en ce sens que se prononce également une circulaire du Premier ministre français en date du 30 mai 1997. Relative à l’élaboration et à la conclusion des accords internationaux, cette note interne à l’Administration est très instructive : "À côté des accords internationaux conclus au nom des chefs d’État ou de gouvernement, la pratique internationale admet la conclusion d’arrangements administratifs, conclus avec leurs homologues étrangers par des ministres". Après avoir souligné - au risque évident de se contredire - que les arrangements administratifs "constituent une catégorie inconnue du droit international", la circulaire du 30 mai 1997 contient une importante mise en garde à propos de leur utilisation : "En conséquence, tout en engageant l’État, ils présentent l’inconvénient de n’offrir aucune sécurité quant à leur exécution par l’autre partie. Il ne faut donc recourir à ces instruments que dans des circonstances particulières, pour compléter ou préciser un accord existant (c’est nous qui soulignons ce lambeau de phrase), ou, à la rigueur, pour organiser une coopération administrative de portée limitée".La circulaire du 30 mai 1997 se veut enfin très restrictive sur un dernier point : "Dans tous les cas, les ministres ne peuvent s’engager que dans la stricte limite de leurs attributions et la compétence de la partie étrangère doit être vérifiée autant que possible. Pour un texte qui relèverait soit en France, soit en ce qui concerne la partie étrangère, de plusieurs ministres, il ne peut être fait usage de la technique de l’arrangement administratif" (1) .
Mme Valérie Goesel-Le Bihan souligne, pour sa part, que les particularismes des arrangements administratifs - conclus le plus souvent par des autorités ministérielles - résident à la fois dans l’absence de pouvoirs nécessaires pour les conclure et dans leur champ d’application qui est particulièrement restreint (2) . Concrètement, il s’agit bien d’accords conclus par des ministres dépourvus de pouvoirs, visant à la simple exécution de traités diplomatiques - qui sont par la force des choses antérieurement conclus - et qui prennent donc, en principe, la forme d’accords en forme simplifiée, c’est-à-dire plus exactement d’accords entrant en vigueur dès la signature (3) .
En vérité, la pratique gouvernementale et l’analyse de la doctrine sont concordantes et, conformes à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Dans sa décision du 9 avril 1996, relative à la Loi organique portant statut d’autonomie de la Polynésie française, la Haute juridiction a en effet tenu à donner une interprétation précise et restrictive de l’article 41 du précédent statut polynésien. Les “arrangements administratifs” y sont définis comme des engagements internationaux portant sur des questions mineures et plus précisément "des accords de portée limitée ou de nature technique rendus nécessaires par la mise en œuvre d’autres accords internationaux" (4) . Cette solution jurisprudentielle est aujourd’hui consolidée puisque, dans sa décision du 12 février 2004, le Haut conseil a employé les mêmes expressions avant de déclarer le contenu de l’article 16 de la loi statutaire du 27 février 2004 "non contraire à la Constitution" (5)  !

(à suivre)

André Oraison

(1) Voir J.O.R.F., 31 mai 1997, p. 8416. Pour les commentaires de cette circulaire, voir Daillier (P.) et Pellet (A.), Droit international public, Éditions L.G.D.J., Paris, 2002, p. 128 : "On doit sans doute considérer qu’ils - c’est-à-dire les arrangements administratifs - constituent des engagements internationaux valides s’ils interviennent dans le domaine de compétence des ministres signataires ; dans le cas contraire, ceux-ci doivent produire des pleins pouvoirs". Voir également Goesel-Le Bihan (V.), article précité in A.F.D.I., 1997, p. 71. À la lumière de la circulaire du 30 mai 1997, jugée en définitive ambiguë, notre collègue en déduit - avec une pointe d’humour - que les insolites arrangements administratifs "croisent dans une zone grise, quelque part entre le droit international et le non-droit" !
(2) Voir Goesel-Le Bihan, précitée, A.F.D.I., 1997, p. 70.
(3) Sur le plan juridique, les “arrangements” sont généralement qualifiés d’“administratifs”. On peut toutefois se demander si l’expression “arrangements interadministratifs” ne serait pas, en l’espèce, plus appropriée ! À ce sujet, voir la proposition originale faite par M. Olivier Gohin in Institutions administratives, Éditions L.G.D.J., 1998, p. 475.
(4) Voir J.O.R.F., 13 avril 1996, p. 5725.
(5) Voir J.O.R.F., 2 mars 2004, p. 4222.


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus