Le Comité anti-torture déplore la surpopulation et la violence dans les prisons en Guadeloupe et en Guyane

13 mars, par Rédaction Témoignages

Dans un rapport publié aujourd’hui, le Comité pour la prévention de la torture (CPT) du Conseil de l’Europe se dit préoccupé par la surpopulation et la violence en prison, ainsi que les conditions matérielles de détention dans les établissements des forces de l’ordre en Guadeloupe et en Guyane (France). Il regrette également l’insuffisance de structures de soins psychiatriques adaptées aux besoins des patients hospitalisés sans consentement dans ces deux collectivités territoriales d’outre-mer.

Au cours de cette quatrième visite en France d’outre-mer, le CPT s’est rendu dans 19 établissements de police et de gendarmerie, trois établissements pénitentiaires et trois établissements hospitaliers, en novembre et décembre 2023.

La grande majorité des personnes rencontrées n’ont fait aucune allégation de mauvais traitements infligés par les forces de l’ordre. Le CPT rappelle toutefois l’importance de ne pas employer plus de force que strictement nécessaire au moment des interpellations et de former les agents aux techniques de désescalade de la violence. Il appelle aussi à éradiquer la pratique consistant à attacher des personnes détenues à des objets fixes tels que des anneaux ou des chaînes. L’exercice de certaines garanties fondamentales était particulièrement mis à l’épreuve en Guyane, notamment du fait des difficultés d’accès aux zones reculées.

Les conditions matérielles de détention dans les locaux des forces de l’ordre restent sources de préoccupations. Les cellules étaient dans un état d’hygiène déplorable et souvent sur-occupées. De plus, la gendarmerie persiste à détenir la nuit des personnes en garde à vue dans des locaux sans surveillance ni système d’appel.

S’agissant du traitement des personnes qui transportent des substances in corpore (« mules »), le CPT constate que les dispositifs pour procéder à la récupération des capsules de drogues étaient souvent inadéquats, voire assimilables à un traitement inhumain et dégradant.

La surpopulation carcérale était généralisée dans les trois établissements pénitentiaires visités, avec des taux d’occupation dépassant 225 % dans certains quartiers. Un nombre important de personnes était contraintes de dormir sur des matelas posés au sol, dans des cellules qui offraient seulement 2 à 3 m2 d’espace vital par personne. Les conditions matérielles étaient globalement déplorables et vétustes. La gestion des bâtiments, particulièrement difficile, était exacerbée par la chaleur et l’humidité.

Des mesures concrètes étaient nécessaires afin que les personnes mineures soient détenues dans des conditions respectant leurs besoins et notamment, qu’elles ne soient pas en contact avec des personnes détenues adultes. En outre, le régime d’activités proposé aux personnes détenues, et en particulier aux personnes mineures, étaient largement insuffisant.

Les personnes détenues n’ont, dans l’ensemble, pas fait état de mauvais traitements infligés par le personnel pénitentiaire. Des allégations de violences verbales y compris des cris, des propos dénigrants ou à caractère raciste, ont été recueillies dans les trois établissements visités. La violence entre personnes détenues, y compris des attaques avec des armes artisanales causant des blessures graves, était un problème prégnant avec des actes de violence et d’intimidations liées à des trafics et des extorsions.

Le CPT s’alarme également du trop grand nombre de personnes détenues souffrant de troubles sévères liés à la santé mentale et qui n’ont pas leur place dans les établissements pénitentiaires visités. Le Comité déplore l’insuffisance des moyens, en particulier l’absence de structure adaptée et d’équipes de surveillance et de soins dédiées.

Le CPT prend note des efforts déployés par les autorités françaises pour remédier à cette situation mais les personnes détenues, continuent de vivre dans des conditions inacceptables, compromettant leur santé et leur sécurité, et pouvant s’apparenter à un traitement inhumain et dégradant.

Dans les unités fermées pour adultes et les unités de pédopsychiatrie des établissements de santé mentale de Guadeloupe et de Guyane, aucune allégation de mauvais traitements infligés aux patients par le personnel n’a été reçue. En revanche, les violences entre patients n’étaient pas rares mais le personnel intervenait rapidement et de manière efficace.

Les conditions de vie des patients étaient globalement bonnes. Le CPT regrette toutefois la pratique de placer, tant en Guadeloupe qu’en Guyane, des patients souffrant de pathologies psychiatriques en phase aiguë nécessitant des soins immédiats dans des services d’urgences générales. De tels placements pouvaient durer jusqu’à quatre jours, avant que les patients soient transférés vers une unité psychiatrique adaptée à leurs besoins et proposant un traitement adéquat.

Dans ces services d’urgences, les patients étaient fréquemment attachés à leur lit ou à leur brancard, avec des sangles ou, parfois, avec des attaches de fortune (bandes de Jersey), souvent à la vue d’autres patients. Le CPT considère que de telles pratiques sont susceptibles de constituer une violation au titre de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Le Comité note également que les établissements visités fonctionnaient en sous-effectif à tous les niveaux empêchant le personnel présent de proposer un programme thérapeutique adapté à l’état de santé des personnes hospitalisées. Le CPT note avec préoccupation les conditions d’hospitalisation des patients « difficiles » qui pouvaient être placés à l’isolement pendant de longues périodes.

De surcroît, le contrôle judiciaire des mesures de contention et d’isolement n’était pas en place dans les établissements visités. De manière inquiétante, de telles mesures ont été renouvelées sans décision judiciaire et une réticence de la part du personnel médical à exécuter les décisions judiciaires ordonnant la levée de celles-ci a été constatée.

Dans les centres de rétention administratives (CRA), aucune allégation de mauvais traitements infligés par des membres du personnel à des personnes étrangères retenues n’a été reçue. Le CPT considère cependant que les conditions de vie dans les deux CRA visités sont inadaptées pour des séjours de plus de 48 heures.


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