5 mai 1944 - 5 mai 2014
70 ans pour Témoignages
5 mai 2014
C’est aujourd’hui le 70e anniversaire de la fondation de notre journal par le Dr Raymond Vergès.
Le 5 mai 1944, la totalité de la France est occupée. La Réunion s’est libérée en novembre 1942 lors de l’arrivée du contre-torpilleur Léopard. 18 mois plus tard, la situation reste extrêmement difficile. C’est le rationnement, et pour la plupart de la population la grande misère et la malnutrition. Depuis le début des années 30, un courant progressiste porte une revendication pour changer la société, c’est le mot d’ordre de Réunion département français.
Syndicalistes, travailleurs, planteurs, fonctionnaires de toutes catégories arrivent à s’unir autour de ce mot d’ordre. La transformation de La Réunion en département doit permettre l’application immédiate de toutes les lois sociales votées en France, ce qui mettra la misère hors la loi.
En 1944, La Réunion est à reconstruire. Mais les tenants du statu quo sont très puissants. Ils contrôlent toute l’économie, c’est la classe dominante des usiniers et gros planteurs qui détient alors le pouvoir politique.
En 1944, le Docteur Raymond Vergès a investi dans une presse. Il la ramène à La Réunion et il va la mettre au service de la structuration du mouvement. C’est la création de Témoignages. Le journal va alors rassembler ceux qui soutiennent le changement. C’est dans ses colonnes que s’exprime la CGT, les organisations progressistes et leur mouvement politique : le CRADS, Comité républicain d’action démocratique et sociale.
Droit au respect de la liberté d’opinion
Aux élections municipales de 1945, le CRADS l’emporte dans la majorité des communes. Aux Cantonales, il obtient la présidence du Conseil Général. Mais, c’est l’élection de deux députés du CRADS qui fera date : Raymond Vergès, fondateur de Témoignages, et Léon de Lépervanche.
Sitôt élus, ils unissent la revendication réunionnaise avec celles des Antilles et de Guyane. La proposition de loi présentée par le rapporteur Aimé Césaire est adoptée puis promulguée le 19 mars 1946 : La Réunion n’est plus une colonie, c’est un Département. Toutes les lois en vigueur en France, à ce moment-là, dont les lois sociales, doivent être étendues dans ces nouveaux Département, le 1er janvier 1947, au plus tard. Le pouvoir change de majorité et refuse.
Témoignages va donc devenir le journal qui lutte pour le respect des Réunionnais, en particulier pour la reconnaissance de leurs Droits fondamentaux. L’Egalité entre Réunionnais et métropolitains est le fil rouge de la revendication. Par exemple, l’alignement des lois sociales a été arrachée au bout de 50 ans de luttes dans lesquelles Témoignages a apporté sa pleine contribution.
Le pouvoir tente alors de bâillonner toute contestation pour empêcher l’application de l’égalité sociale. C’est le début d’une fraude électorale massive pilotée depuis Paris et ayant pour tête de pont, la préfecture. Témoignages refuse de se taire. Cela lui vaudra 43 saisies et la condamnation de son directeur à la prison ferme. Notons que jamais un journal en France n’a été condamné à ce point pour délit de presse, même pendant les heures les plus dures de la guerre d’Algérie.
A cette époque, Michel Debré, Premier ministre, promulgue une Ordonnance répressive dans le contexte de l’affrontement avec les Algériens. Celle-ci sera étendue à La Réunion. Elle permet d’exiler un fonctionnaire pour des motifs politiques. L’Ordonnance vise en particulier les communistes.
Les hommages rendus à Roland Robert, victime de ce texte scélérat, sont une condamnation de ces pratiques. 50 ans après les faits, l’histoire juge. C’est la cause défendue par les démocrates et Témoignages qui l’a emportée. Le droit au respect de la liberté d’opinion, et la reconnaissance de l’identité réunionnaise étaient combattus. Aujourd’hui, ces droits sont acquis. C’est aussi une victoire à laquelle Témoignages a contribué. Aucun journal n’a joué un rôle aussi essentiel dans l’éveil et la construction de la conscience réunionnaise.
Enjeux du 21e siècle
Au moment de la fondation de Témoignages, La Réunion avait 250 000 habitants. Elle en a aujourd’hui près de 3 fois plus. En 1944, La Réunion était sous statut de colonie. Aujourd’hui, elle est une région spécifique de l’Union européenne. En 1944, le chômage n’existait pas, il est aujourd’hui le problème numéro un. En 1944, un seul lycée à La Réunion, 45 maintenant.
Une des rares choses qui n’a pas changé depuis 1944, c’est que le sucre est toujours la principale marchandises exportée, mais aujourd’hui, il n’y a plus d’usiniers réunionnais et ce sera la fin du quota dans 3 ans.
Tout est bouleversé, de nouveaux défis arrivent
Le contexte est bien différent qu’en 1944. La Réunion doit en effet se préparer à faire face aux effets du changement climatique, elle est en même temps confrontée à la mondialisation des échanges tout en continuant sa progression démographique qui la mènera au million d’habitants, avant 2030.
Tout comme le statut de colonie en 1944, le statut actuel est à bout de souffle. Il ne peut pas régler des problèmes aussi importants et basiques tels que le droit à un travail et à un logement pour tous. Le désordre idéologique est total. La crise est générale, elle n’épargne personne. Témoignages est toujours là mais il connaît de sérieuses difficultés qui mettent déjà en péril sa mission d’éclairer l’opinion et favoriser le rassemblement autour de cet essentiel : la développement de La Réunion. Comme à la veille de 1945, Témoignages doit être à l’heure de la transition politique.
1942 : l’engagement de jeunes Réunionnais
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Messages
6 mai 2014, 01:12, par Huguette
Merci avant tout, pour toute l’énergie et la sagesse de vos écrits !!! mon père âgé de 99 ans bientôt dans un mois né en 1915, et moi même 55 ans, il a toujours acheté et lu la presse de votre journal ; c’était la belle époque qu’il me dit encore à ce jour, et il me demande à présent chaque jour de lire votre journal car il veut des nouvelles ! et il me dit souvent qu’à présent les jeunes ne connaissent pas ce que c’est la vraie valeur de la vie politique ... bonne continuation à bientôt de vous lire ....