Mario, abstinent

Boire, déboire et nouvelle vie

27 juillet 2006

Mario s’abstient de toutes boissons alcoolisées depuis peu. Il sort d’une période difficile tout affaibli. Le peu de force qui lui reste, il la réserve pour sa nouvelle vie.

Depuis 3 mois, Mario a mis fin à une fâcheuse habitude. Il s’est rendu quotidiennement pendant 30 ans à la buvette de son quartier : le matin avant de se rendre au travail, le midi lors de la pause et le soir avant de retrouver sa compagne. Il lui est arrivé même de réveiller le tenancier bien avant l’heure "de pointer". De ce temps passé à s’enivrer au rhum à n’en plus finir, il garde des traces indélébiles : des cicatrices, surtout au visage. Elles sont la marque aussi de chutes sur le bitume, le trottoir ou les sentiers par temps de pluie ou par temps ensoleillé. "Peu d’amis sont venus à mon secours", se souvient-il. Mais, il ne leur en tient pas rancune.

Le grand plongeon

De cette période où son chez-soi était devenu une buvette, Mario se rappelle des instants où les pompiers l’évacuaient vers les urgences. "Je me débattais, j’hurlai et une fois, je les ai même menacés", marmonne-t-il tout en esquissant un sourire qui en dit long. Il revient de loin car "plus d’une fois", il était plongé dans un profond coma. Il s’est retrouvé à 2 doigts de la mort. Cette phrase, il l’a entendue à maintes reprises de la bouche du personnel hospitalier. Certains d’entre eux, il les revoit poser sur lui "des regards accusateurs" ou lui lancer "des remarques insignifiantes". Mais d’autres le réconfortaient et l’encourageaient - mais ne lui donnaient pas de leçons - à sortir de cercles où tout tourne autour du verre de rhum.

Il a tout perdu

Les doses de rhum blanc, agricole, arrangé avec du sel ou du citron, impossible pour Mario de les mesurer, comme le montant des dépenses en franc ou en euro. Une personne très certainement peut le faire : le tenancier. Mais on ne s’attardera pas à le lui demander. Lui - le tenancier - tient toujours sa buvette. Il l’a même agrandi et aménagé de tables et de chaises. Mais Mario, lui, a tout perdu dans cette galère : son métier, sa femme, ses amis. À la longue, il était même devenu agressif. Et ce qui devait arriver arriva. Il s’est mis à battre sa femme pour un rien et en présence ou non de proches. Aujourd’hui, il regrette tous ces gestes. Un jour où il rentrait de buvette, il l’a rouée de coups de poings et de pieds. Après ce passage à tabac, il s’est assoupi. Sa femme a profité de ce moment pour s’enfuir. Il sait aujourd’hui qu’il l’a perdue pour toujours.

Mario aussi allait se retrouver à la rue. Il s’est retourné vers son père et sa mère. L’ont-ils accueilli ? Oui. En effet, son père a connu la même tragédie. Aujourd’hui, Mario participe à des groupes de parole. Et devinez aux côtés de qui il s’assied ? Son père. Mario a tiré une croix sur ces anciennes habitudes. Dans le même temps, ces compagnons de beuverie lui ont tourné le dos. Lui aussi, mais sans rancune. Maintenant, il peut écrire les lignes d’une nouvelle vie.

J.-F. N.


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