Destination Santé

Cancer colorectal : le coup de pied occulte d’un grand patron

4 janvier 2007

Quinze millions de Français devraient bénéficier d’un dépistage du cancer colorectal. Pourtant, 1,2 million seulement ont été testés accuse le Pr Jean-Pierre Bader. Chirac, Kouchner, Douste-Blazy, les députés, les institutions, le système de santé, tous interpellés...

Et pour qu’il n’y ait pas de jaloux, les médias aussi reçoivent leur lot. « Pourquoi le cancer qui tue le plus de Français après le cancer du poumon est-il l’objet de si peu d’information du grand public ? », s’interroge-t-il dans la dernière livraison de la revue “Oncologie”.

Avec 16.438 décès par an (ce sont les chiffres 2003, les plus récents disponibles), avec une croissance régulière - pratiquement 2.000 morts par an de plus aujourd’hui qu’en 1980 - « le cancer colorectal nous nargue », déplore ce grand patron, membre par ailleurs du Conseil scientifique de Destination Santé... Or il s’agit d’un véritable drame de santé publique. Parce que « cinq ans après diagnostic et traitement de (ce) cancer, à peine plus d’un malade sur deux survit. Parce qu’intervenir seulement après l’apparition des symptômes, c’est s’exposer à agir trop tard dans un grand nombre de cas. » Or à l’inverse, « l’intervention sur un cancer localisé (...) ou un polype adénomateux jugé précancéreux (...) garantit la guérison à quasi 100% ».

Le test Hémoccult, qui détecte dans les selles la présence de sang invisible, répond à ce besoin de diagnostic précoce. Il est tout simple, totalement indolore, peu coûteux (quelques euros) et internationalement reconnu. Pourtant la France est à la traîne. La généralisation du test a bel et bien été décidée. « En 1998 par la conférence de consensus de l’ANAES », explique-t-il. « En 2000 par la loi de financement de la Sécurité sociale ; en 2001 par le Plan Kouchner ; en 2002 par le grand plan Cancer du Président de la République ; en 2005 par le plan Douste-Blazy. Mieux encore, (cette) généralisation a été successivement promise pour 2003 (Kouchner), pour 2005 puis pour 2006 (Douste-Blazy)... »

Ces retards inexplicables, le Pr Bader les explique. Par une forme d’obscurantisme. « En contestant contre toute rigueur scientifique les résultats positifs des tests », en exploitant ses insuffisances et en prônant d’autres méthodes... dont beaucoup ne sont encore qu’expérimentales. Or le test disponible - et d’ailleurs pris en charge depuis 2002 par une compagnie d’assurances - est le seul conforme aux impératifs d’un dépistage de masse. Car il est « simple, acceptable, sans danger et de faible coût ».

Ne nous y trompons pas. S’il clame depuis 1986 l’urgence de ce dépistage, le Pr Bader n’est pas un monomaniaque... Il est l’un des pionniers qui ont fait naître en France l’Institut national de la Santé et de la Recherche médicale (INSERM). Il a été le conseiller de 2 ministres de la Santé, a présidé plusieurs commissions sur le médicament et, ce qui lui donne ici une particulière légitimité, la Société française de gastro-entérologie. Il n’a pas davantage la plume dans sa poche. Dans le Livre blanc de la gastro-entérologie déjà, il sonnait l’alarme. Et il n’a pas craint de dénoncer certains retards du Plan Cancer. Enfin et ce n’est pas la moindre de ses caractéristiques, il ne se décourage pas facilement...


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