Drogue

Cannabis Sativa, ange ou démon ?

10 mai 2007

Selon 3 hypothèses de calcul, le chiffre d’affaires annuel du cannabis en France s’évaluait entre 0,6 et 2,1 milliards d’euros. L’hypothèse moyenne veut qu’il soit d’environ 1,4 milliard d’euros, pour 1,2 millions de consommateurs réguliers. Les jeunes constituent le public de plus en plus ciblé. En France, l’usage du cannabis est interdit.

Autrefois cultivé pour ses fibres, destinées à la confection de cordages, de papiers et de tissus, le cannabis ou chanvre indien, était aussi utilisé pour ses vertus médicinales, pour soulager les spasmes, les troubles du sommeil et la douleur. L’Extrême-Orient et le Moyen-Orient l’utilisaient depuis des millénaires. Originaire de l’Himalaya, il sera introduit en Europe, au 19ème siècle, par des soldats de Bonaparte mais aussi des médecins anglais, de retour des Indes, et utilisé en médecine pour traiter les migraines, l’asthme et l’épilepsie. Aujourd’hui encore, ses propriétés sont exploitées par des scientifiques. Les vertus thérapeutiques du D 9-THC (Tétrahydrocannabinol) s’avèrent reconnues contre la douleur et les vomissements. L’usage médical du cannabis est autorisé dans quelques États américains et en Grande-Bretagne. Sa prescription va pour les traitements chimiothérapiques anticancéreux et pour certaines affections du SIDA. En France, le cannabis, ou zamal à La Réunion, est un stupéfiant, et donc interdit. La loi du 31 décembre 1970 criminalise l’usage simple de drogues, cannabis compris. La production, la détention, la vente et l’usage de stupéfiant exposent à des sanctions prévues par la loi. « Les condamnations sont exclues des lois d’amnistie et sont inscrites au moins 40 ans sur le casier judiciaire », informe un internaute. Produire, détenir, vendre, utiliser du cannabis constitue une infraction passible de 1 an d’emprisonnement et d’une amende de 3.750 euros. Depuis 1999, la loi prévoit que les forces de l’ordre recherchent si un conducteur impliqué dans un accident mortel a fait l’usage de stupéfiant.

Des dangers réels

Si ses vertus médicinales ne sont plus un secret, il ne fait pas de doute que le cannabis a aussi ses méfaits, même si les scientifiques sont assez partagés sur son réel niveau de risque par rapport à d’autres substances. Mais le corps médical s’entend sur les principaux effets physiques et psychiques. Le cannabis peut ainsi provoquer, selon la personne, la quantité consommée et la composition du produit : une augmentation du rythme du pouls (palpitations), une diminution de la salivation (bouche sèche), un gonflement des vaisseaux sanguins (yeux rouges) et parfois une sensation de nausée. Sur le comportement, la consommation de cannabis entraîne, suivant aussi la dose consommée et la constitution de l’individu : une légère euphorie, accompagnée d’un sentiment d’apaisement, d’une envie spontanée de rire, ou une légère somnolence. Le cannabis est une drogue du plaisir, de la détente. A dose élevée, certains consommateurs voient apparaître des troubles du langage et de la coordination motrice, tandis que le temps de réaction est augmenté. Important, nous précisent des spécialistes, ces effets peuvent être dangereux si l’on conduit une voiture ou si l’on utilise certaines machines par exemple. Pris avec du tabac, la consommation du “joint” peut induire l’apparition de cancer précoce du poumon, risque amplifié par certaines techniques d’inhalation (pipes à eau, ou douilles). Certains troubles mentaux, souvent difficilement perçus par la population et les consommateurs, peuvent être révélés ou aggravés par la consommation de cannabis, à savoir les troubles de l’humeur, l’anxiété et la schizophrénie.

Le débat de la dépénalisation

Psychologues, sociologues, psychiatres et psychanalystes appellent à une dépénalisation partielle de l’usage des drogues. François-Xavier Colle, psychologue, Anne Coppel, sociologue, et Serge Hefez, psychiatre et psychanalyste, adressaient, en même temps que leur vœu pour le troisième millénaire, un message bien troublant dans le magazine “Libération”. Citant en exemple la Belgique qui venait de dépénaliser l’usage du cannabis, ces spécialistes proposaient de distinguer les divers stupéfiants selon leur réelle nuisance. Et ces derniers de fustiger la loi du 31 décembre 1970, notant que la criminalisation de l’usage de drogues, et notamment du cannabis, « est contre productive dans le domaine de l’éducation, du soin et de l’apprentissage de la citoyenneté ». Et de poser la question : « Comment gagner la confiance des usagers et transmettre un interdit fondé sur une loi d’exception ? ». Le cannabis est interdit parce qu’il est néfaste. « Le tabac l’est tout aussi », lancent les consommateurs, « pourtant, on ne l’interdit pas ». 27 mars 2003, lors d’un discours intitulé “Le droit, la force et la justice”, Dominique de Villepin, alors Ministre des Affaires étrangères, déclare : « Le monde contemporain est complexe. Il ne se laisse plus réduire à un jeu d’alliances, comme cela pouvait être le cas au 19ème siècle ou durant la Guerre froide. La réalité du monde, c’est la conjonction de menaces nouvelles : terrorisme, prolifération des armes de destruction massive. C’est le caractère éminemment volatil des crises régionales. C’est l’importance des idéologies extrémistes et du fondamentalisme, qui relaient leur message d’un bout à l’autre de la planète. C’est enfin le risque que la criminalité organisée ne devienne un instrument supplémentaire du financement et de la réalisation de ces menaces », et d’ajouter : « Dépénaliser le cannabis en France reviendrait à supprimer une partie des revenus de la criminalité organisée et donc à affaiblir le financement et la réalisation des "menaces nouvelles" ». Eloquent ! Parce que cela prouve que l’Etat français s’est longtemps concentré sur les usagers, au détriment d’une lutte exemplaire contre les trafiquants eux-mêmes. Si, comme le prétendent les spécialistes, le chiffre d’affaires annuel du cannabis en France s’évalue entre 0,6 et 2,1 milliards d’euros, il faut en effet s’en inquiéter, mais afin de savoir à qui profite le trafic ? L’hypothèse moyenne veut qu’il soit d’environ 1,04 milliard d’euros pour 1,2 millions de consommateurs réguliers. Alors que des scientifiques recherchent la meilleure voie pour mener la lutte contre l’accoutumance au cannabis, celui qui allait devenir Premier ministre en mai 2005 mettait à sa façon un peu de sel au débat. Depuis, silence radio. On cible pourtant la jeunesse, mise en danger par la consommation du cannabis. On communique par campagne médiatique sur les dangers des stupéfiants. Problème : ça continue de tourner, dans des villas grand standing ou l’escalier des cités.

Willy Técher


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