Colloque VIH Océan Indien - VIH et globalisation économique

Colloque VIH Océan Indien - VIH et globalisation économique

8 novembre 2006

Comment faire reculer la maladie ? Cette question est malheureusement récurrente. Elle revient sans cesse à l’esprit. Les campagnes de prévention pullulent, mais comment doit-on penser la prise en charges des malades. De pays en pays, le traitement des victimes du SIDA n’est pas le même. D’un côté l’Occident, de l’autre les pays en devenir.

Le traitement médical est pourtant le même. C’est l’accès aux soins qui diffère. Certes, les systèmes d’aide commencent à évoluer en faveur des pays pauvres. Pour autant, selon l’économiste spécialisé dans le domaine de la santé Claude Le Pen, l’aide publique est répartie de manière inégalitaire. L’Amérique latine et l’Asie profiteraient plus facilement de l’aide financière de la communauté internationale et notamment des pays du G8, cela au détriment des pays africains. Heureusement que l’aide privée pèse dans la balance. Elle est plus importante que l’aide publique. Qu’entend le spécialiste quand il parle de transformation des systèmes d’aide engagés dans la lutte contre le SIDA ? Il observe une augmentation de l’aide, surtout par une large contribution du privé, qui s’engage. Heineken, Coca Cola, les compagnies minières d’Afrique du Sud entreprennent d’ailleurs des campagnes de prévention auprès de leurs salariés, mais aussi de leurs acheteurs, de la population en général. « Cela n’existait pas il y a 4 ou 5 ans », précise Claude Le Pen. Les entreprises pharmaceutiques, après le procès de Pretoria, se sont également dévouées à la cause, se livrant enfin à des dons notables en médicaments. Encore faut-il compter UNITAID, initiative de Jacques Chirac. La taxe d’entraide prélevée sur le prix du billet d’avion aura-t-elle l’impact escompté ? Et n’oublions pas les fondations Mélinda et Bill Gates, des Clinton, de Monaco et tant d’autres, qui œuvrent dans la lutte contre le SIDA. Bref ! on ressent une ferme volonté de s’engager. Mais cela aide-t-il à la base ? Les malades du SIDA sont-ils égaux devant l’accès aux soins ?

Donner des médicaments n’est pas suffisant

L’économiste de la Santé Claude Le Pen, qui ouvrait hier le colloque “VIH Océan Indien” par sa communication intitulée “VIH et globalisation économique”, reconnaît que la santé est souvent sous-financée. Certes, les programmes d’appui sont importants, mais force est de constater que la prise en charges des malades du SIDA est loin d’être démocratisée. Débourser 4.000 euros l’année pour les traitements trithérapiques en Europe, 400 euros seulement pour Madagascar. Quand on sait que le salaire moyen est fixé à 25 euros par mois, on voit tout le fossé entre pays riches et pays pauvres. Ne peut-on pas envisager la gratuité des soins pour les patients des pays pauvres ? La question était posée lors de la déclaration de Bamako (Mali), en 1997. Les protagonistes de cette déclaration spécifiaient que le patient devait participer au financement de leur thérapie, par souci de responsabilisation des patients. Pourtant, c’est absolument impossible. « C’est plutôt un facteur d’interruption de traitement », note Claude Le Pen, qui ose préciser que les patients occidentaux ne paient rien. La prise en charges est totale en Occident. Certains lanceront que les compagnies pharmaceutiques offrent des médicaments ; « Donner les médicaments, c’est bien, mais pas suffisant. C’est le traitement qui doit être gratuit », poursuit l’économiste. Il propose que l’on développe les mutuelles villageoises, pour permettre une meilleure organisation des soins. Le micro-crédit et la micro-assurance, pourquoi pas ? Dans nos actes de coopération régionale, comment initier, voire booster, la mutualisation de la santé ?

Développer les pays pauvres

Claude Le Pen revenait sur le manque de cohérence entre les politiques sanitaires des pays africains et les programmes d’aide engagés par la communauté internationale. Pour ne plus initier des programmes concurrents, n’existe-t-il pas un moyen de coordonner les actions entre donneurs, mais surtout entre donneurs et les États. On ressent pour autant l’implication internationale, et notamment au sein du G8, pour créer une synergie dans les programmes d’aide. Reste l’espoir. L’Afrique subsaharienne enregistre une croissance économique de 5 à 6%. Cela signifie qu’elle pourra générer elle-même ses propres programmes de prise en charges, avec de solides politiques de santé. « Quand un pays est riche, il consacre de l’argent à la santé », déclare Claude Le Pen. Mais cela ne doit pas ralentir l’aide actuelle, publique et privée. Lorsqu’un pays enregistre un taux important d’infectés, il faut répondre à l’urgence et ne pas attendre que le développement arrive. D’abord, répondre à l’urgence. Mais surtout, il importe d’engager des programmes d’appui aux pays pauvres pour qu’ils se développent. Cela passe forcément par l’annulation de leurs dettes “coloniales”. La réponse dans lutte contre le SIDA est-elle seulement tributaire de la recherche scientifique ? Le rôle des pays donneurs est-il uniquement cantonné à l’assistance financière ? Comment imaginer le développement des pays pauvres ?


À propos du procès de Pretoria

L’Afrique du Sud a remporté une victoire morale. C’est le premier pays du continent africain à avoir arraché l’accès à des médicaments abordables pour ses 4,7 millions de séropositifs.
Les 39 groupes pharmaceutiques qui avaient intenté un procès au gouvernement sud-africain pour une loi contestée sur les médicaments ont créé la surprise en retirant leur plainte. Dans la querelle sur les brevets pour l’accès à des médicaments anti-SIDA bon marché, ils ont cédé à une pression internationale grandissante qui, moralement, les a fait passer du banc des plaignants à celui des accusés. Auparavant déjà, ils avaient sensiblement réduit les prix de leurs médicaments.
Le procès de Pretoria a été suivi dans le monde entier ; son issue ne représente pas seulement un espoir pour les millions de malades du SIDA en Afrique du Sud, il a aussi valeur de signal. Justin Forsyth, de l’organisation humanitaire britannique Oxfam, tempère pourtant l’euphorie ambiante. S’il parle d’une victoire de l’Afrique du Sud et de sa population pauvre, il met aussi en garde à propos de l’OMC, l’Organisation Mondiale du Commerce : « le combat pour faire changer les règles de l’OMC est loin d’être terminé. Le Brésil pourrait être le prochain pays à devoir défendre son droit d’assistance à sa population pauvre et mourante contre une industrie pharmaceutique internationale soutenue par le gouvernement américain ». Au Brésil comme en Afrique du Sud, la question est fondamentalement la même : un pays est-il autorisé, face à une épidémie de dimension pandémique, à violer le droit des brevets pour approvisionner ses malades du SIDA en médicaments bon marché ? Non, répondent les laboratoires pharmaceutiques qui, par leur plainte, ont bloqué en Afrique du Sud une loi de 1997 permettant la production et l’importation de médicaments génériques contre le SIDA. Dans le compromis trouvé hors de l’enceinte judiciaire, ils n’ont renoncé à leur plainte qu’en échange de l’engagement du gouvernement sud-africain à respecter des accords internationaux comme celui sur la propriété intellectuelle.

Compagnies pharmaceutiques : partenaire contre le SIDA

De fait, pour l’industrie pharmaceutique, l’enjeu tenait plus au principe qu’aux profits, marginaux en Afrique. Ce sont moins les coûts de fabrication que les coûts de la recherche et du développement qui sont onéreux. Un assouplissement des règles sur les brevets a fait craindre aux firmes un effet domino. Elles ont donc tenté une sorte de grand écart entre l’éthique et l’économie. Au désastre que leur a valu le procès en termes de relations publiques, elles ont réagi en proposant de se serrer les coudes. L’industrie veut à présent se repositionner comme partenaire des pays touchés par l’épidémie du SIDA. Ainsi a-t-elle appelé les pays industriels et les pays concernés à unir leurs forces avec une énergie sans précédent. L’Afrique du Sud a toutes les raisons d’accepter cette offre. Le jeune État post-apartheid ne brille pas particulièrement face au plus grand défi social de son histoire. Il a longtemps fait piètre figure par le flou et la médiocrité de sa politique de santé dans la lutte contre la propagation de la maladie. Sans doute note-t-on aujourd’hui quelques amorces de changement, mais elles sont largement insuffisantes face à l’ampleur du SIDA. L’issue du procès de Pretoria est donc synonyme d’espoir pour des millions de Sud-africains malades du SIDA, mais pas de guérison. Car si les médicaments peuvent maintenir en vie, ils ne peuvent pas redonner la santé aux malades. Un vaste programme de prévention et d’information, inexistant jusqu’à ce jour, serait nécessaire pour affronter efficacement l’épidémie. Un immense retard reste également à rattraper chez nombre de responsables politiques qui, aujourd’hui encore, hésitent à parler ouvertement de sexualité.

Extrait de www.inwent.org


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