Antoine Perrin, Directeur de l’ARH, passe le relais

Des retards et des avancées

9 septembre 2006

En janvier 2004, Antoine Perrin, chirurgien de profession, prenait ses fonctions à la Direction de l’Agence Régionale pour l’Hospitalisation (ARH), dossiers “Réforme Hôpital 2007” et SROS en main. Après 2 ans et demi de mandat, le haut fonctionnaire poursuit sa route en Lorraine, loin de l’aedès et du chikungunya.

Antoine Perrin s’était fixé 2 missions en arrivant à La Réunion : aplanir les tensions entre les professionnels du Nord et du Sud de l’île au prise avec l’éternel conflit de l’équilibrage structurel entre les 2 régions et mener à terme le projet d’implantation d’un Centre hospitalier régional.

"Le CHRU viendra"

Sur le premier point, "la rivalité Nord/Sud m’a explosée à la figure dès mon arrivée", confie le Directeur de l’ARH à qui l’on a demandé de rapidement trancher sur la zone d’implantation de la Banque des tissus et cellules. Deux mois après, son choix s’est porté sur Saint-Pierre. "C’était ma première décision et ça n’a pas été facile". Quant au second objectif, il reconnaît que "le chikungunya a eu un effet très positif dans la mise en place du CHR". L’épidémie a permis d’unir les forces et de dépasser les divergences. "Face à une crise sanitaire comme celle que nous avons vécue, les faux problèmes disparaissent. Une cohésion absolument remarquable s’est mise en place, insiste Antoine Perrin. Tout le monde s’est mobilisé et rapproché. On s’est tous attaqué à défendre ce projet en même temps, et l’estocade a été portée lorsque le directeur du GHSR est parti à la retraite en mars". Après quelques discussions de principe (disons le comme ça), c’est finalement Antoine Bouvier Muller, Directeur du CHD de Bellepierre, qui pilotera le CHR dont le projet a été finalisé jeudi et que le Ministère étudiera en novembre. Légitimement, l’on peut se demander s’il faudra une autre crise sanitaire pour voir l’émergence d’un Centre Hospitalier Régional Universitaire (CHRU). "Comme le Premier ministre l’a lui-même annoncé, le CHRU viendra, atteste pour sa part Antoine Perrin. Il faut déjà une montée en charge du CHR de 2 à 3 ans et le U pourra intervenir". C’est un but commun défendu avec la Vice-présidente du Conseil régional, Catherine Gaud, "une femme "punchy" qui sait ce qu’elle veut", retient Antoine Perrin qui a beaucoup apprécié de travailler à ses côtés.

"Quelques bagarres à Paris"

Pour être de qualité, ce volet universitaire devra être articulé avec la métropole, l’Europe et la zone. À Mayotte, la demande de santé est énorme. Une des problématiques auxquelles s’est confronté Antoine Perrin a été de mettre en phase les schémas sanitaires des 2 départements, jusque-là constitués isolément. Les deux ont leurs spécificités avec désormais un tronc commun basé sur la coopération sanitaire. "30 à 40% des demandes de soins sont issues de personnes en situation irrégulière à Mayotte. On ne peut pas répondre à cette demande uniquement en luttant contre l’immigration clandestine, il faut développer une coopération avec les Comores", soutient le Directeur de l’ARH. Il se dit "assez content" du développement de l’offre de soins à Mayotte avec un budget multiplié par 4. "Cela ne se voit pas ailleurs", se satisfait le haut fonctionnaire... mais de tels retards et besoins non plus ! Antoine Perrin l’accorde, même si pour répondre à cette évidence, il lui en a coûté "quelques bagarres à Paris". Comme on le comprend ! La défense des besoins locaux passe toujours par de grandes batailles qu’une épidémie, ironie du sort, peut parfois mener à terme plus rapidement. Mais tout reste encore à poursuivre.

"On a raison de demander de l’argent"

À commencer par concilier rationalisation des soins comme le défend la “Réforme Hôpital 2007”, sa nouvelle gouvernance, sa tarification des soins, ses pôles de santé, et rattrapage des retards structurels et en effectifs. Pour Antoine Perrin, les deux sont liés. "À partir d’une demande de rattrapage, il faut déjà justifier ce que l’on a dépensé, défend l’homme qui a participé à l’élaboration de la rédaction du projet Hôpital 2007. Et l’on a raison de demander de l’argent à La Réunion et à Mayotte". Les retards ont appris aux personnels hospitaliers à de toute façon rationaliser, et c’est sans conteste, au vu du schéma sanitaire et de la qualité des soins, que le gouvernement a accordé une rallonge budgétaire de 60 millions d’euros réclamée par les établissements. Cela s’imposait. Le secteur de la psychiatrie, comme en métropole et plus encore, mérite encore toutes les attentions. La Réunion a émargé au PRISME (Programme de Rattrapage d’Investissement en Santé Mentale), mis en place au niveau national. Sur ce volet, tout est à construire. "Notre système de santé a eu le tort de soigner d’abord et surtout la plaie, puis la douleur, il faut maintenant s’intéresser aux aspects psychiatriques et traumatologiques de la santé". Et s’agissant des manquements, la prévention reste encore l’oublié de la santé. En août 2004, c’était la première fois depuis 100 ans que la loi de santé publique était revue. On a bon espoir.

Stéphanie Longeras


Sak mi di

La valse des fonctionnaires

Les hauts fonctionnaires d’État ne restent en général pas plus de 2 ans à La Réunion. À peine le temps de prendre en main quelques dossiers, puis il faut repartir avant même de les avoir mené à leur terme. C’est un passage de relais incessant qui prive les Réunionnais de lisibilité dans la continuité des politiques publiques... on sait ce que l’on perd, mais pas ce que l’on gagne.
Après Laurent Cayrel, c’est au tour d’Antoine Perrin de quitter le navire avant le retour de l’été austral. Cette image le fait sourire. Il ne fuit pas, il va là où le vent de ses supérieurs l’entraîne... "grandeur et servitude du haut fonctionnaire". Cellules de crise, communications de crise, plans de crise... par la force des choses, l’alerte sanitaire a rapproché la fréquence des contacts entre les autorités concernées et la presse. Antoine Perrin a toujours été un interlocuteur disponible, prêt à répondre aux sollicitations à n’importe quel moment de la journée. C’est déjà chose rare. Seul à la barre de l’ARH, il n’a jamais cherché (comme certains) à se cacher derrière son petit doigt, renvoyant telle ou telle responsabilité à l’un ou l’autre. Ce fut même le premier que j’ai entendu dire : "On ne sait pas, la médecine a ses limites avec le chikungunya". Il a du faire ses armes dans la communication et compris qu’avec une certaine presse, il faut bien peser tous ses mots au risque d’être mal interprété. Il a eu à essuyer des attaques personnelles qui l’ont particulièrement touché et qui, je pense, le marqueront encore longtemps. Il a eu aussi à subir comme tout le monde (mais il n’en dit mot, ce n’est pas une balance !) la communication catastrophique de la Préfecture qui, même lorsqu’elle prônait la transparence, cloisonnait ses informations. Bien que nous soyons opposés sur les objectifs de rationalisation des soins et les restrictions budgétaires attenantes, je m’y étais bien faite à ce directeur de l’ARH. Le 21 septembre, nous accueillerons son successeur. Une femme, c’est déjà ça !

S. L.


Parole de lecteurs

Le journal “Libération” donne la parole sur son site Internet aux internautes et lecteurs. Leurs réactions sont révélatrices d’une exaspération et d’un raz-le-bol que partagerait nombre de Réunionnais.

Extraits

o Nilaia

Sous-Français

Pourquoi ne parle-t-on pas de l’inertie des autorités, de l’incurie et de l’incompétence des services sanitaires qui incroyablement sous-estimé le problème et laissé la situation se pourrir, jusqu’au moment où il y a eu trop de cas pour que ça continue à passer inaperçu, des services départementaux qui avaient laissé tomber la prophylaxie, etc... Pourquoi on ne parle pas des généralistes désemparés qui se faisaient rembarrer par la DRASS dès qu’ils déclaraient des cas ou posaient trop de questions embarrassantes au printemps et à l’été 2005, avant que l’épidémie ne prenne de l’ampleur... Quant aux "autochtones", le coût des produits anti-moustiques est prohibitif pour une famille avec de faibles revenus ! L’État et les collectivités n’ont-ils plus un rôle à jouer en matière de santé publique cher François ? Mais c’est vrai, la Réunion n’est peut-être plus un département français, et les Réunionnais sont sans doute des sous-français... Imaginez proportionnellement le nombre de cas et de morts en métropole pour une épidémie : 20 millions de métropolitains malades et 19.000 morts, ça aurait fait des vagues... En ce qui concerne la recherche et l’argent, un prototype de vaccin existait aux USA, mais n’a pas été développé car commercialement inintéressant, il en va de même pour le palu, les pays riches s’en fichent royalement puisque ça ne les concerne pas.

o Gégé
Chik

De tout façon le gouvernement se fout de ce qui se passe à La Réunion, la preuve n’est plus à faire. En ce qui me concerne, je ne viendrai plus tant que ce ne sera pas définitivement réglé.


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