Impact des pesticides sur La Réunion et les Réunionnais

Et notre santé alors !

4 janvier 2007

Dans notre édition d’hier, nous faisions écho des résultats de recherche du docteur Philippe Presles, médecin, tabacologue, quant à l’usage excessif des pesticides en France. Après la crise du chikungunya, une question reste à poser : quels impacts ont les pesticides sur l’environnement réunionnais, et sur les Réunionnais eux-mêmes ?

Les scientifiques l’assurent. L’usage intempestif de pesticides provoque des conséquences sur notre environnement. Notre atmosphère mais aussi nos nappes phréatiques sont menacées.
Il faut aussi enregistrer les répercussions néfastes sur l’Homme. Le Dr Philippe Presles relevait les conséquences sur le corps humain : risques de cancer de la prostate, de dérèglement du système hormonal, troubles de la thyroïde, baisse de la fertilité. Bien sûr, il implique que nous soyons fortement exposés aux pesticides incriminés. Pas d’affolement alors. Ne doit craindre que le milieu agricole, utilisateur de pesticides pour les cultures ! Pas si sûr. Après l’épandage conséquent qu’a connu notre île, les Réunionnais doivent-ils s’inquiéter de l’impact, à court, à moyen et à long terme, pour leur santé ?

Déjà notre environnement...

Pour ce qui est de notre environnement, nul ne peut douter de l’impact direct des insecticides sur les populations d’insectes non concernées dans la propagation du chikungunya.
Eric Métas, du syndicat apicole de La Réunion, notait dans un rapport d’expertise que « lors du premier protocole, de nombreux incidents ont été répertoriés avec des pertes directes à l’entrée des ruches et des dépopulations massives et rapides des colonies entraînant leur disparition. Lors du deuxième protocole, le nombre des incidents répertoriés a été divisé par 3. Un tiers des ruches déclarées à la DSV ont été géoréférencés. Les apiculteurs ont été sensibilisés aux risques. L’impact sur les colonies a semblé moins fort. Il y eu cependant quelques incidents directs dus surtout à une mauvaise coordination des services. Il semble juste de dire que l’impact des traitements est plus en rapport avec les protocoles de la LAV : de la communication des positions des ruchers d’une part et de la prise de conscience du risque par les apiculteurs d’autre part ». Des scientifiques réunionnais notaient également les conséquences désastreuses sur d’autres espèces de notre faune aussi diverse. Soyons-en convaincus, les premiers protocoles de lutte anti-vectorielle (LAV) ont eu certainement des conséquences “inavouables”.
A-t-on étudié l’évolution de ces espèces, certaines endémiques ? Peut-on dire si oui ou non notre faune a su survivre à l’épandage massif de pesticides dans le cadre de la LAV ? Les avis divergent. Si certains défendent un impact faible, plusieurs entomologistes soulignent des incidents sur des populations d’insectes. La DIREN notait par exemple la dangerosité certaine du Fénitrothion pour les insectes. Allez savoir...

Et si la maladie de Reye...?

Les Réunionnais doivent-ils craindre pour leur santé ? Dans son “Premier bilan sur les impacts des traitements anti-moustiques, dans le cadre de la lutte contre le chikungunya, sur les espèces et les milieux de l’île de La Réunion”, de juin 2006, le comité scientifique ad-hoc, sollicité par la Préfecture, notait que « dans un premier temps, les opérations de démoustication ont été réalisées avec le Fénitrothion en tant qu’adulticide et le Téméphos pour les traitements anti-larvaires. Ces insecticides organophosphorés sont régulièrement utilisés depuis une vingtaine d’années dans la lutte anti-vectorielle, y compris en métropole ».
Qui connaît au moins les conséquences sur la santé, sur notre santé, du Fénitrothion. Une étude canadienne relevait son implication dans la maladie de Reye, tout comme le DDT ou le phosphamidon. Cette maladie provoquerait, surtout chez les enfants, une grippe suivie d’un blocage des reins et du cerveau, et d’un coma mortel. Malheureusement, rien n’a été attesté, même si des scientifiques sont convaincus de l’implication de ces pesticides. L’heure ne devrait-elle pas être à la vigilance ?
Le Pôle santé réunionnais a-t-il constaté des complications de santé suite à l’épandage du Fénitrothion ? Selon des spécialistes, lors de l’application de ce produit, les populations peuvent être exposées par inhalation et contact cutané lors des pulvérisations, par contact de la peau avec un objet traité, par ingestion lors de la consommation de fruits et légumes produits dans la zone traitée, et pour les enfants, par ingestion de sol ou lors de mise en bouche d’objets ayant été traités. Attention donc !

Intox ou intoxiqués ?

Dans un communiqué, la WWF précisait que « le Fénitrothion et le Téméphos, deux insecticides hautement toxiques, ont été pulvérisés massivement, et le plus souvent par des personnes inexpérimentées, dans l’atmosphère des zones résidentielles, des écoles et un peu partout ailleurs sur l’île de La Réunion. Les services de la DRASS, les employés communaux, les militaires venus aider et des citoyens ont ainsi manipulé ces insecticides dans la précipitation et de manière très abusive, allant même jusqu’à les pulvériser dans les zones en altitude où pourtant aucun moustique et aucun cas de chikungunya ne sont répertoriés », mettant ainsi en cause la précipitation des autorités et l’inorganisation des services publics.
Convaincu que ces produits, utilisés dans de telles proportions et sans précaution, pourraient avoir des conséquences sur la santé publique, WWF déplore « le fait que la population n’ait pas été mise au courant des risques qu’elle encourt par surexposition à ces véritables nuages toxiques. De plus, les précautions élémentaires n’ont pas été respectées, comme l’évacuation des gens avant pulvérisation, la mise en sécurité des personnes fragiles, la diffusion des informations de sécurité », dénonçant que « les établissements scolaires ont ainsi fait l’objet de traitements intensifs sans information préalable des parents, des professeurs, ni même parfois des directeurs d’écoles ».
Plus grave, et toujours selon WWF, « certains enfants en contact avec ces substances toxiques ont même été conduits aux urgences pour des intoxications aux organophosphorés ». De l’intox, du manque de communication, peur d’inquiéter les Réunionnais “gazés”, nous n’en saurons pas plus malheureusement. Espérons cependant que les spécialistes en charge de la LAV, et de l’étude d’impact, se préoccupent des conséquences sur la santé des Réunionnais. Nous attendons avec impatience.

Bbj


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