L’État voudrait favoriser l’automédication
28 décembre 2006
Le journal “Le Figaro” annonçait hier qu’un rapport, proposant des mesures pour « doper les ventes de produits d’automédication », serait remis au ministre de la Santé en début d’année.
Ce rapport « propose de favoriser l’automédication, une pratique peu développée en France, mais banale à l’étranger », annonçait “Le Figaro” dans son édition de mercredi 27 décembre. Selon le quotidien, les 2 rapporteurs qui « se sont penchés sur la question à la demande du gouvernement, préconisent un certain nombre de mesures qui devraient doper les ventes de produits d’automédication ».
Le journal rapporte dans son cahier économique que « selon l’Association française de l’industrie pharmaceutique pour une automédication responsable, il suffirait que 5% des médicaments prescrits passent à l’automédication pour réaliser 2,5 milliards d’économies ». Les 2 rapporteurs, Alain Coulomb, ancien Directeur de la Haute autorité de santé, et le Pr Alain Baumelou proposent d’encourager l’achat de médicaments non remboursables pour les petits bobos afin d’éviter de consulter un médecin... et de réaliser des économies conséquentes.
Il est quand même inquiétant de voir des professionnels de la santé considérer les soins que sous l’aspect économique. Entraînant là aussi une démission de l’Etat en ce qui concerne la santé publique. Et avaliser une politique qui installerait encore plus une Santé à deux vitesses. Ce danger de voir ceux qui peuvent payer pour se soigner, et ceux qui ne peuvent pas payer, est le renoncement à des institutions issues de la Libération et créées - faut-il le rappeler - par le Général de Gaulle.
Toujours selon “Le Figaro”, le rapport recommande de « responsabiliser les patients ». Ceux-ci devront « savoir parfois ne pas faire appel au médecin ».
Le journal souligne que l’automédication est « deux fois plus répandue en Allemagne qu’en France ». Les exemples étrangers cités dans ce rapport taisent la particularité qu’ils ne bénéficient pas de notre système de Sécurité Sociale, que leurs citoyens nous envient d’ailleurs.
L’inspiration d’une telle mesure semble venir de l’industrie pharmaceutique qui voit bien évidemment un intérêt financier au développement de l’automédication. Car les laboratoires ont bien compris que l’accès direct aux médicaments est une source de profit. Un pharmacien observe que : « le désir d’économie ne justifie pas tout. Or, je vois dans ce rapport un premier pas vers la vente en grande surface. Les médicaments en vente libre ont des prix de folie, sans aucun contrôle, ni aucune limite » et il ajoute que « le lobby des fabricants est très puissant auprès des élus de droite, ce n’est pas un mystère ». Ce rapport n’a qu’un objectif : « doper les ventes de produits d’automédication ». Et profiter aux industries pharmaceutiques au mépris des malades. Il faut bien chercher dans ce rapport ce qui se rapporte à eux.
« Il n’est pas question de vendre des médicaments en grande surface ». C’est ce qu’a déclaré le Ministre de la Santé, Xavier Bertrand. Soit, mais sa défense de l’automédication rend perplexe quand il dit : « Aujourd’hui, l’automédication est une réalité : à peu près 10% des médicaments sont vendus sans ordonnance, et 6% de ces médicaments en valeur ». Alors, au lieu de maîtriser cette automédication qui, dans certains cas, conduit à de graves conséquences, on continue de penser non pas santé publique mais finance.
Dans leurs préconisations, les rapporteurs estiment qu’« il faudrait éviter la coexistence de médicaments remboursables et non-remboursables pour une même indication (...), encourager les molécules innovantes dans l’automédication » et « éduquer les consommateurs en encourageant les publicités dans ce domaine et les responsabiliser ». Traduction : ne pas mélanger les torchons et les serviettes, “créer” des maladies pour pouvoir fabriquer de nouveaux médicaments, et prendre les malades pour de vulgaires consommateurs qui iront, pour ceux qui peuvent payer, au libre-service s’approvisionner. Voilà ce que nous prépare le gouvernement. La santé du patient passe depuis longtemps au second plan.
A.I.C.