Principaux résultats du baromètre toxicomanie 2003

La peur de la maladie fait diminuer le tabagisme

19 mai 2004

À la demande de la Direction régionale des affaires sanitaires et sociales, du Département et de la Caisse générale de sécurité sociale, l’institut de sondage Louis Harris a interrogé, par téléphone, 1.000 Réunionnais sur leurs comportements à l’égard du tabac, de l’alcool et de la drogue. Quatre ans après la première enquête du même type, on observe que la consommation tabagique a diminué, que celle de l’alcool se stabilise, alors que la prise de zamal augmente.

Présentation des principaux résultats du baromètre toxicomanie 2003 à La Réunion, lundi dernier à la DRASS. La prévention des différentes formes de souffrance liées aux toxicomanies implique une démarche collective et globale pour soulager notre jeunesse de ce mal de société qui l’accable. (photo Imaz Press Réunion)

L’augmentation du prix du tabac associée à de nombreuses campagnes de prévention et une prise en charge en partie des patchs par le Département ont eu, en quatre ans, un effet positif sur la consommation de “l’herbe à Nicot” à La Réunion. En effet, le fumeur réunionnais a diminué sa consommation de cigarettes par jour et, par rapport à 1999, davantage de fumeurs ont tenté d’arrêter ou envisagent de leur faire.
Pour 28% des personnes interrogées, "la peur de tomber malade" reste le premier élément de motivation pour s’arrêter de fumer, suivi du prix. Ainsi, les personnes déclarant fumer du tabac sont passées de 25% en 1999 à 20% en 2003. Cette baisse s’explique en grande partie par la diminution de fumeurs occasionnels.
"Reste donc à agir sur les fumeurs réguliers, les dépendants"
, souligne Christine Catteau, statisticienne de la DRASS. Même si les hommes sont deux fois plus nombreux à fumer du tabac que les femmes, avec une dépendance particulière des chômeurs, chez la jeunesse, la consommation est identique pour les deux sexes. Ce phénomène s’observe aussi en France, amoindrissant l’écart de l’espérance de vie entre hommes et femmes.

L’alcool comme "échappatoire"

S’agissant de l’alcool, "globalement, il n’y a pas d’événement significatif, mais de petites tendances", précise Christine Catteau. La consommation des hommes et des femmes n’a que très faiblement diminué en quatre ans, avec néanmoins une population féminine quinquagénaire qui semble boire davantage d’alcool. Bière et vin voient leur consommation augmenter, avec une percée du whisky et du rhum arrangé, dont la valorisation de l’aspect festif incite de plus en plus les jeunes à la consommation.
Le docteur Claude Alcaraz, responsable de la prévention et de l’éducation à la santé au Département, a tenu à souligner que les femmes favorisaient le vin, avec la fausse idée reçue que c’est un alcool moins toxique que les autres. Trois fois plus de décès infantiles sont pourtant recensés à La Réunion par rapport à la France, à cause d’une consommation d’alcool de la mère durant sa grossesse. Le cas échéant, l’enfant peut souffrir d’importants retards neurologiques.
Si 17% des Réunionnais déclarent s’abstenir de boire de l’alcool contre 3% en France, il ne s’agit en fait que d’une concentration de la consommation. "La consommation globale, par rapport à la population totale, donne l’impression que la consommation locale est inférieure à la Métropole, mais il s’agit en fait d’une surconsommation d’une population restreinte", justifie encore Christine Catteau.
Pour le docteur Alcaraz, "on ne naît pas alcoolique, on le devient et toutes les couches de la population sont concernées, sans privilégier un profil". Il reconnaît néanmoins que les personnes les plus fragiles, qui vivent dans "le mal-être, avec l’impression d’être exclues de la société", considèrent plus facilement l’alcool comme un "échappatoire", une réponse à leur souffrance. Il estime ainsi que les aspects sociaux et mentaux liés à la consommation ne sont pas suffisamment pris en compte alors que l’objectif de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) reste "un complet bien-être physique, social et mental".

Estéfany


"Libéralisation du zamal"

Christine Catteau parle d’une "libéralisation du zamal". On assiste de fait à sa banalisation : "les gens parlent plus facilement et 20 à 28% avouent qu’on leur en a déjà proposé, contre 11 à 17% qui disent en avoir déjà consommé". Les hommes entre 20 et 34 ans sont essentiellement concernés par le zamal. Et contrairement à l’alcool, plus on est diplômé, plus on consomme du zamal.
Les raisons avancées sont la curiosité, l’envie de faire comme les autres, puis la détente et le plaisir. À ceux qui se tourneraient vers le zamal en raison de l’augmentation du prix du tabac, le docteur Alcaraz répond que celui-ci est plus toxique encore que la cigarette. La combustion des plantes est fortement dangereuse, et les nombreux problèmes bronchiques relevés à La Réunion le confirment. Cari fe d’bwa boucané lé bon pou la boush mé pa pou l’poumon.
Le gros danger pour les plus jeunes reste le risque de dépendance psychologique, associé à un retrait social marqué. Le mélange explosif zamal, alcool, médicaments (de type neuroleptique) concerne là encore la population la plus fragilisée, et c’est pourquoi la CGSS apporte "une grande vigilance et un contrôle accru des prescripteurs".
Le docteur Alcaraz parle quant à lui de "repères à reconstruire". Même si l’adolescence est l’âge de l’expérimentation, la surconsommation conduit à l’exclusion, avec un retentissement social fort et destructeur.
D’un programme régional centré sur l’alcool et le tabac, au vu des changements de comportements, l’on est passé à un élargissement vers les addictions. La prévention reste un outil majeur, mais il implique pour Marie-Claude Cadet-Huet de la CGSS "un travail de fourmi, de longue haleine, pour que la population intègre les intérêts à changer de comportements (...). Il faut parler en termes positifs, en termes de projets, et non plus en termes d’interdits qui rebutent les gens. Il s’agit là de notions subtiles qui s’inscrivent dans des actions de fond, pas toujours perceptibles".
Depuis quatre ans, le Département a mis en place le "Programme Prisme", dans 16 collèges à La Réunion. Un programme de prévention éducatif porté sur les addictions. Une démarche nécessaire et certainement utile. Mais cette prévention là suffira-t-elle à soulager notre jeunesse de ce mal de société qui l’accable ?

S. L.


Kisa lotèr ?

L’acteur de la santé publique en France, c’est l’État et donc le gouvernement. Mais qu’en est-il réellement ? Qu’il s’agisse de la réforme de l’assurance maladie et du budget qu’il accorde à la prévention, l’État se désengage et laisse les associations de quartiers faire son travail de proximité, d’écoute. Plus économique de laisser des bénévoles, des bonnes volontés, prendre en main l’avenir de nos enfants et tenter de les guider dans une société criante d’injustices. Ces injustices dont leurs parents eux-mêmes sont souvent les victimes, elles-mêmes dépassées par les problèmes.
La classe dominante et dirigeante laisse une partie du peuple se noyer dans l’alcool de sa misère, se consumer dans les effluves de son zamal et du tabagisme. Elle crée le mal-être, l’exclusion, génère l’angoisse du lendemain, mais loin de protéger les plus démunis, de les écouter, elle les laisse dans leur perdition, se tuer à petit feu, avec ses drogues, ses armes du désespoir. Le feu, c’est elle qui l’a allumé et l’attise un peu plus de son indifférence.

S. L.


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