DOSSIER “PRÉCARITÉ”

La santé à l’épreuve des réalités sociales

6 septembre 2008

Plusieurs indicateurs s’efforcent de “mesurer” l’étendue de la précarité dans laquelle vit, à La Réunion, près de la moitié de la population, en particulier les indicateurs de santé. Retenons de la santé la définition qu’en donne le Tableau de bord de l’Observatoire régional de la Santé, dans les pas de l’OMS : « la santé ne se réduit pas à l’absence de maladie mais englobe un état complet de bien-être physique, mental et social ».

« La précarité est une source de fragilité pour la santé des individus » relève l’Observatoire régional de la Santé (ORS) dans le “Tableau de bord de la Précarité” paru au premier trimestre.
A La Réunion, la CMU de base et la CMU complémentaire donnent une première approche. Cette Couverture maladie universelle donne l’accès à l’assurance maladie à ceux et celles qui n’y accèdent pas au titre de leur activité professionnelle, notamment. La CMU est entrée en application au 1er janvier 2000 (loi du 27 juillet 1999) pour prévenir et lutter contre les exclusions. Elle est là pour « garantir sur l’ensemble du territoire l’accès effectif de tous aux droits fondamentaux dans les domaines de la protection de la santé » (article 1) et elle réaffirme que « l’accès à la prévention et aux soins des personnes les plus démunies constitue un objectif prioritaire de la politique de santé » (article 67). La loi instaurant la CMU garantit l’accès à un régime de base et à une couverture complémentaire.

En 2007, les bénéficiaires de la CMU de base étaient au nombre de 105.613, représentant 13,4% de la population - par rapport au dernier chiffre connu (et provisoire) de 784.000 habitants au 1er janvier 2006, selon l’INSEE. Parmi eux, la classe d’âge des 15-19 ans était la plus importante. Près d’un cinquième (19,6%) des jeunes de cet âge - 13.977 adolescents sur 71.209 ados - relevaient par leurs parents de la CMU de base.
Si l’on considère l’ensemble des moins de 20 ans - 264.602 en 2005, derniers chiffres connus -, ils étaient 45.324 (17,1%)à accéder aux soins par ce moyen, qui témoigne de conditions très modestes. A La Réunion, le plafond au-delà duquel les bénéficiaires de la CMU doivent acquitter une cotisation proportionnelle à leurs revenus, est de 606 euros (pour une personne, au 1er juillet 2007).
Après 65 ans, les bénéficiaires de la CMU de base passent sous la barre des 10% de chaque classe d’âge quinquennale, mais tout de même 4.161 personnes âgées de 65 à 95 ans et plus ont bénéficié de la CMU de base en 2007.

Les bénéficiaires de la CMU complémentaire étaient trois fois plus nombreux que les allocataires de la CMU de base : 351.357 selon la CGSS, en 2007 toujours, soit 44,8% de la population (de 2006). Ce nombre était en augmentation par rapport à 2006. La part des bénéficiaires de la CMU complémentaire était en 2006 de 40,8% dans l’île, où elle constituait déjà une proportion six fois plus importante qu’en France hexagonale (6,8% de bénéficiaires de la CMU complémentaire, au 1er janvier 2006). Et près des trois-quarts des enfants de moins de 5 ans (71,4% exactement) avait accès aux soins par ce moyen.
Dans les classes d’âge des moins de 20 ans, 155.277 enfants et adolescents, une proportion qui approche les deux tiers (58,6%) de cette population jeune, a bénéficié de la CMU complémentaire.

La précarité dans l’accès aux soins est inégalement répartie dans les territoires communaux. Le Tableau de bord de l’ORS distingue trois niveaux dans les disparités régionales : les communes dont la population compte moins de 40% de bénéficiaires de la CMU : c’est le cas de la Possession (33%), et aussi de Saint-Denis, les Avirons, Etang-Salé, entre-deux et Saint-Joseph. Celles où ils forment de 40% à 50% (Sainte-Marie, Sainte-Suzanne, Bras-Panon, Plaine des Palmistes, Sainte-Rose, Saint-Philippe, Petite-Ile, Tampon, Saint-Louis) et celles où ils constituent plus de la moitié de la population communale, comme à Salazie (64%).
Cette dernière catégorie est la plus importante, puisque neuf communes (le Port, Saint-Paul, Trois-Bassins, Saint-Leu, Cilaos, Saint-Pierre, Saint-Benoit, Saint-André, Salazie) - et parmi elles, trois des quatre villes de plus de 50.000 habitants - abritent une population qui, pour plus de la moitié, a des revenus qui leur ouvrent droit à la CMU de base et à la CMU complémentaire.

Cette fragilité sociale de près de la moitié de la population a nécessairement des incidences sur la santé des personnes, si comme le relève l’ORS « l’état de santé dépend de facteurs de risques - environnementaux, socio-économiques, psychologiques - liés à la famille, à l’entourage et à la profession, qui augmentent la probabilité d’avoir une maladie ». Cette probabilité se manifestera ou non, selon les « facteurs de protection, l’insertion sociale et familiale, l’accès aux soins, l’attitude de chacun face au système de soins, la protection sociale et les habitudes de vie ».

Mais globalement, même en tenant compte du fait que les chiffres ne donnent qu’une idée assez vague des réalités humaines, on peut dire qu’il reste encore beaucoup d’efforts à faire pour permettre à chacun de réaliser dans sa vie l’équilibre qui lui garantira les meilleures chances d’une santé à toute épreuve.

P. David


Un autre aspect de l’enquête de l’Observatoire régional de la Santé sur la précarité traite des personnes handicapées - enfants et adultes.
Du point de vue de la répartition de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH, ex-AES), La Réunion comptait en 2006, 2.546 familles ayant au moins un enfant handicapé de moins de 20 ans pour lequel elles percevaient l’AEEH.
2.661 enfants étaient concernés, représentant un taux proche de 10‰ (dix pour mille) enfants de moins de 20 ans.
Ce nombre des bénéficiaires de l’AEEH a augmenté de 12,5% entre 2002 et 2006, mais les données disponibles ne permettent pas de distinguer plus avant entre les différentes natures de handicaps, ni de comprendre de quel poids ils grèvent les ressources des familles, ou encore comment l’AEEH permet à celles-ci de faire face. On peut seulement comparer avec le niveau d’équipement en établissements pour enfants et jeunes handicapés, au nombre de 32 en 2006 pour 1.640 lits ou places, contre 30 en 2002 et 1419 lits ou places. En termes d’équipement médico-social, la Réunion compte 13 instituts médico-éducatifs (IME), 12 services à domicile pour handicapés (SESSAD), 3 établissements d’éducation spéciale pour polyhandicapés, 3 établissements pour handicapés moteurs et 1 pour les déficients sensoriels. L’ensemble un taux d’équipement global, pour mille jeunes, de 5,90‰ en éducation spécialisée (8,78‰ en France) et de 2,09‰ pour l’aide sociale à l’enfance (4,51‰ en France).
Pour ce qui concerne les adultes handicapés, ce qui ressort surtout est un taux d’équipement régional moins important, et près de « deux fois inférieur à la moyenne métropolitaine ». (Voir tableau 1)
Le handicap - sauf quand est limité et pour ainsi dire surmonté ou compensé - est presque toujours un facteur d’aggravation de la précarité. Il retard souvent la formation d’un enfant, lorsqu’il ne l’interdit pas complètement. Il peut empêcher un adulte d’accéder à un travail et donc, à son autonomie et il peut aussi, dans certains cas de handicap lourd, peser sur d’autres membres de la famille, dont le parcours professionnel peut être entravé ou stoppé net par les soins à porter à un proche handicapé. Et ces facteurs-là, peu d’enquêtes permettent de les mesurer.


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