Déremboursement de 221 médicaments - 2 -

Le saviez-vous ?

26 juillet 2006

La santé est un produit marchand. Le déremboursement massif des médicaments en est une des illustrations. Déniant une quelconque incidence sur la qualité des soins, réfutant la mise en place d’un système de santé à deux vitesses, l’objectif central de l’État est de faire des économies, en laissant pour cela les malades assumer le coût de leurs soins. Laboratoire, pharmacien, médecin, assurance complémentaire : chaque acteur de la chaîne a quelque chose à y gagner ou à y perdre... Mais le patient dans tout cela ?

Avant le 1er mars 2006 et le déremboursement de 221 médicaments dont le Service Médical Rendu a été jugé insuffisant par la Haute Autorité de Santé (HAS), l’Assurance maladie ne prenait plus en charge que 35% de leur coût, l’autre part étant assumée par les assurances complémentaires. Ainsi, certains veinotoniques seront encore remboursés à hauteur de 15% jusqu’en 2008, afin de permettre "de faire converger les efforts".

Je suis désolé de cette situation

Efforts pour que chacun des acteurs concernés s’adaptent à cette mesure qui représente selon l’HAS "non pas un désaveu des pratiques" des laboratoires, des médecins ou des patients, "mais bien une évolution qui s’impose afin d’adapter, sur la base de critère de qualité, la prise en charge collective des soins." En réalité, un nouveau médicament est mis sur le marché tous les deux jours et c’est à l’HAS de déterminer s’il doit ou non être remboursé. Pour son président, Gilles Bouvenot, "en même temps que ce flux qui arrive il doit y avoir, pour que la solidarité nationale persiste, un flux de sortie des médicaments les moins importants", donc un déremboursement justifié par un engagement en faveur du progrès. Mais où sont ces thérapeutiques de progrès lorsqu’il s’agit des fluidifiants bronchiques et expectorants déremboursés, très utilisés à La Réunion, et toujours en vente sur le marché ? Que l’appréciation de leur efficacité soit en fonction des pratiques médicales n’enlève rien au fait qu’ils sont prescrits à de nombreuses familles, depuis plusieurs années et qu’il n’existe aujourd’hui aucun équivalent. Si le docteur Combes, chef du service pédiatrie du CHD de Bellepierre "ne pense pas que ces produits aient une utilité absolue", en revanche pour le docteur Khaa, pédiatre dans le secteur privé, "dans l’intérêt de l’enfant, je suis obligé de prescrire ces médicaments et je continuerai car ils soulagent. Je suis désolé de cette situation et je ne peux rien faire de plus que de prévenir les parents qu’ils sont déremboursés, car beaucoup ne sont pas au courant." Concrètement, la population n’a pas été informée mais mise devant le fait. Une méthode bien particulière pour instaurer la "politique d’éducation et de responsabilisation des assurés sociaux" dont parle l’HAS.

Devoir d’information

Qu’est-ce dès lors un assuré responsable ? Celui qui remet en cause la prescription de son médecin ? Celui qui accepte de payer plus cher des médicaments soumis à l’augmentation de la TVA sans rien dire ? Celui qui évite de soigner ses enfants aux bronches encombrées ? Celui qui sera en mesure de financer l’augmentation des primes d’assurance complémentaire pour supporter le désengagement de l’État ? Le contribuable est en droit de bénéficier d’une information claire et transparente sur le sujet, ce qui n’est pas le cas actuellement. "C’est au médecin de signaler si le médicament qu’il prescrit est ou non remboursé ainsi qu’au pharmacien", explique Pierre Jean Dalleau, Directeur Santé à la Caisse Générale de Sécurité Sociale de Saint-Denis. Pour sa part, la CGSS "est en bout de chaîne, nous appliquons ce qui est décidé." Bien que remettant en cause l’intérêt de susciter un débat public à chaque médicament déremboursé, doutant de la réceptivité des citoyens, Pierre Jean Dalleau accorde que l’État devrait plus communiquer sur le sujet, élaborer une information qui ne se cantonne pas à l’aspect scientifique si l’on veut pouvoir apprécier le fondement de la démarche. "Il faudrait communiquer sur le fait que telle molécule ou tel médicament est plus efficace ou pas assez et pourquoi, ainsi que sur les possibilités de substitution." En l’occurrence elles sont inexistantes dans le cas des fluidifiants bronchiques.

Peut-on encore parler de santé publique

Si la prescription de ces médicaments n’a visé qu’à servir les intérêts financiers des laboratoires pharmaceutiques ou autres acteurs, les malades, enfants, parents, ont été abusés depuis des années. Un scandale qui mérite d’être dénoncé. Si par contre, leur usage, que l’on connaît important localement, s’avère nécessaire pour remplir la mission première d’un médicament, à savoir soulager les malades, peut-être faut-il, comme pour le sérum physiologique en dosette, impulser un débat local sur le sujet. Rhinopharyngites, bronchites, crises d’asthme à répétition... La recherche relative aux allergies, à la pollinisation, mériterait d’être développée, comme le soutient depuis des années l’association d’allergologues, l’Areforcal. Mais peut-on encore parler de santé publique dans un système ou la solidarité nationale fonctionne par priorités sans mesurer totalement les conséquences de ces choix. A moins qu’il ne faille accepter que des pathologies sont plus importantes que d’autres aux yeux de l’État ou encore que le progrès soit plébiscité là ou la rentabilité est possible.

Stéphanie Longeras


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