Alzheimer et troubles apparentés

Les familles se mobilisent

26 septembre 2008

Selon l’Observatoire régional de la Santé (ORS) - qui a rendu public ce mois-ci un “Tableau de Bord” sur la maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées - plus de 3.600 personnes de 75 ans et plus - des femmes à 70% - seraient atteintes de la maladie d’Alzheimer à La Réunion.
L’association Réunion Alzheimer, constituée depuis 1991 par et pour les familles de malades, pour pousser à une meilleure prise en charge des personnes atteintes, a été à l’origine du comité de pilotage qui travaille à positionner La Réunion parmi les quinze sites d’expérimentation pour une Coordination des acteurs de la prise en charge, selon le plan Alzheimer 2008-2012. Avec une forte mobilisation des partenaires réunionnais, l’expérience pourrait démarrer dès février 2009.

L’association Réunion Alzheimer est installée dans le bas de la Rivière Saint-Denis, rue de la République, où elle reçoit les malades, leurs “aidants”, tous ceux qui veulent s’informer sur la maladie, et tente de répondre aux questions et aux besoins des familles.
Un de ces besoins passe par la formation des “aidants naturels” - ou aidants-aimants naturels, comme aiment à le dire des membres de Réunion-Alzheimer -, qui va redémarrer cette année avec le soutien de l’Ecole des Métiers d’Accompagnement de la Personne (EMAP). « Le premier dispositif de formation initié en 2004 a été une vraie révolution pour les familles » se souvient Suzelle Lebihan, la présidente de Réunion-Alzheimer, en évoquant la “libération” qu’avait représenté, pour les quelques parents de malades, le fait de pouvoir parler entre eux de la maladie, de ses symptômes et du désarroi qu’elle met dans les familles. Cette première formation a été suivie de la création d’un premier groupe de parole, dans le Nord-est, puis de deux autres groupes constitués dans le Sud.
Aujourd’hui, l’association fait de l’écoute téléphonique, au siège et dans les autres micro-régions grâce à trois bénévoles - dont ceux qui, à Saint-André, s’activent à mettre en place d’ici la fin octobre le “guichet unique du grand âge” dans un village du 3e âge complètement rénové et dynamisé. Elle anime les groupes de paroles pour les familles des malades, organise sur rendez-vous des consultations d’ergothérapie, du soutien psychologique et des ateliers d’art thérapie à Saint-André, Saint-Denis et Saint-Paul. Tous les renseignements peuvent être pris au siège (1).

Un problème de diagnostic

La maladie d’Alzheimer est devenue plus “visible”, plus émergente, avec l’allongement de la durée de vie. Maladie neurodégénérative du tissu cérébral, elle est l’étiologie la plus fréquente des démences chez les personnes à partir de 65 ans. Et quelquefois avant, 10% des cas diagnostiqués touchant des personnes entre 40 et 60 ans. Mais la prévalence augmente avec l’âge et toucherait plus fréquemment les femmes que les hommes.
Pour les bénévoles de l’association, le premier problème à prendre en compte est celui du diagnostic, autour duquel ils aimeraient susciter une prise de conscience plus aiguë chez les médecins généralistes. « Partout, il y a une banalisation des troubles et un non-acheminement des personnes vers le diagnostic. Comme ils sont beaucoup liés à l’âge, l’absence de diagnostic fait qu’on ne s’aperçoit de la présence de la maladie que lorsque les troubles du comportement deviennent évidents » souligne Suzelle Lebihan, pour qui le travail avec des neurologues ou des neuropsychiatres est essentiel à une sensibilisation plus large des médecins généralistes, premiers maillons dans l’orientation des patients vers les services qui pourront porter le diagnostic.

Insuffisance des prises en charges

Depuis 2004, les affections de longue durée (ALD) ont été reclassées et l’ALD 15 est devenue spécifique de la maladie d’Alzheimer, médicalement prise en charge à 100%. En 2005-2006, l’ORS a observé en moyenne 130 nouvelles admissions en ALD 15, dont plus de la moitié sont des patients de 80 ans et plus.
« Mais tout ce qui est médico-social est à la charge des familles, à 60% » signale la présidente de Réunion-Alzheimer. La charge financière laissée aux familles expliquerait aussi la faible fréquentation des deux structures d’accueil de jour (24 places au total), occupées à moins de 50%. S’y ajoutent deux établissements d’hébergement temporaire (6 places). Avant la fin 2008, deux établissements doivent ouvrir dans l’Est (Saint-André) et le Nord (Sainte-Clotilde) et deux autres projets, sur la zone Port/Possession, devraient être fonctionnels à moyen terme, soit pas avant 2010.
L’ORS note que « La Réunion a un taux d’équipement en structures d’hébergement pour personnes âgées près de trois fois inférieur à celui de la métropole et un taux près de deux fois inférieur pour les structures médicalisées » - une situation qui correspond aussi à des spécificités sociales (solidarités familiales, maintien à domicile favorisé par le Conseil général). Il existe également un hébergement des personnes âgées en familles d’accueil et, selon une enquête de santé réalisée en 2006 auprès de 332 personnes âgées dans ce cas, plus de 15% avait une démence diagnostiquée.
Les membres de l’association Réunion-Alzheimer comptent surtout sur le développement des soins à domicile, avec l’engagement des proches des personnes malades, pour lesquels ils œuvrent à renforcer la formation.
Mais, au-delà de la formation, la situation sociale des familles entre pour beaucoup dans la prise en charge des malades. « L’aide sociale peut soutenir les familles, mais il lui est liée une obligation alimentaire, qui est une incroyable source de conflits. Et y compris dans la population qui a des revenus corrects, et beaucoup de charges, les familles ne comprennent pas pourquoi cette maladie n’est pas mieux prise en compte » explique Suzelle Lebihan.

Les projets de MAIA

Actuellement, son association s’est positionnée dans l’appel à projet du Ministère de la Santé, de la Jeunesse, des Sports, pour la création des Maisons pour l’Autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer (MAIA) sur quinze sites expérimentaux dans un premier temps (2009-2011). Cette innovation fait partie du plan Alzheimer 2008-2012 en trois axes et onze objectifs.
« Nous voudrions mieux exploiter tout ce qui existe déjà et faire que cela fonctionne mieux dans l’intérêt des familles et des malades » plaide pour sa part la présidente de Réunion-Alzheimer, en constatant que « tout le monde est dans la difficulté face à cette pathologie ».
Après la modélisation des MAIA viendra une installation généralisée des “portes d’entrée uniques” pour un parcours de prise en charge personnalisé.
Dans le cas où le projet expérimental - à l’évaluation duquel travaille un Comité de pilotage - ne serait pas retenu, de toutes façons le rendez-vous de 2011 s’imposera à tous et le temps est compté.

« Ce qui me fait peur est que nous avons aussi une partie de la population jeune très atteinte dans sa santé : nous avons ici quatre fois plus de diabétiques, une mortalité par AVC supérieure de 117% à la moyenne nationale et d’autres facteurs de risques qui vont précipiter les personnes âgées vers une grande dépendance » s’inquiète la présidente de l’association. L’urgence, telle qu’elle la voit, est de « beaucoup travailler en amont, sur les facteurs de risque » (voir ci-après, l’étude de l’ORS).
« Il faut arriver à penser la santé dans sa globalité, ce qui est l’esprit des projets MAIA, et travailler la globalité du soin. Notre rôle, en tant qu’association des familles, est d’apprendre aux gens à travailler ensemble, dans l’intérêt des patients, en sortant des cloisonnements du monde médical. Les familles des malades ont un grand rôle à jouer, en ce sens » ajoute la présidente de Réunion-Alzheimer.

P. David

Réunion-Alzheimer, affiliée à “France Alzheimer et troubles apparentés” : 11 rue de la République, bât. SHLMR “La Rivière” - Saint-Denis. 0262.94.30.20
e-mail : [email protected] - site Internet : www.reunion-alzheimer.org.


Prévalence des facteurs de risque

« Un risque plus important à La Réunion »

Le Tableau de bord sur la maladie d’Alzheimer et les troubles apparentés à La Réunion a été établi par l’Observatoire régional de la Santé à la demande de la DRASS, pour donner « un état des lieux de la maladie d’Alzheimer en 2008 ».
Il donne une estimation de la prévalence dans l’île, la prévalence des facteurs de risque, un état du diagnostic et dépistage, de la prise en charge et de la formation.
L’étude PAQUID - programme de recherche sur l’épidémiologie de la démence - faite en 2006 en France n’ayant pas inclus les populations d’outre-mer, l’ORS a appliqué à la population réunionnaise les taux de prévalence dégagés par cette étude (15% des personnes de 75 ans et plus en France). Cette méthodologie d’approche « n’apporte qu’une tendance de la prévalence », estimant à 3.632 le nombre des personnes de plus de 75 ans atteintes de la maladie et des syndromes apparentés (au 1er janvier 2006).
En 2007, les deux centres de Consultations mémoire agréés pour le dépistage des maladies neurologiques ont effectué 1.178 consultations et suivi 603 patients, pour un taux de maladie diagnostiquée (rapporté au nombre des consultations) de 16,6.

Parmi les facteurs de risque de la maladie d’Alzheimer, certains ne sont pas accessibles à la prévention (âge, sexe...), mais les risques vasculaires, l’activité cognitive ou l’environnement social ont un rôle dans l’émergence de la maladie. « L’étude comparative de la fréquence des facteurs de risques potentiels entre La Réunion et la métropole permet de savoir si la prévalence a été surestimée ou sous-estimée à La Réunion à partir des données de l’étude PAQUID » précise l’ORS.
Les facteurs de risques les plus souvent évoqués sont : l’hypertension artérielle (pour lequel existe un traitement médicamenteux), le diabète (facteur de risque cérébrovasculaire), les accidents vasculaires cérébraux (la Réunion a l’indice de mortalité par AVC le plus élevé de toutes les régions), le surpoids et l’obésité (près d’une personne sur 2 est en surpoids ou obèse à La Réunion), le tabagisme (plus faible ici qu’en France, il provoquerait ici une mortalité 1,7 fois supérieure), l’alcool.
L’activité cognitive ou/et la pratique d’activités de loisirs retarderaient l’apparition de la maladie et l’environnement social des personnes âgées serait important puisque les personnes isolées, célibataires ou à faible entourage social auraient plus de risque de développer une démence.
On pourrait penser qu’à La Réunion où la population des personnes âgées - même s’il est prévu qu’elle augmente dans les années prochaines - n’est pas aussi importante qu’en Europe, la maladie d’Alzheimer toucherait moins de gens chez nous. Ce n’est pas la conclusion à laquelle aboutit l’ORS : « Au regard des différences, entre La Réunion et la métropole, des facteurs de risque de la maladie d’Alzheimer, on observe un risque plus important à La Réunion pour l’ensemble des facteurs de risque étudiés (...) Il est donc probable que les estimations de prévalence de la maladie sur l’île soient inférieures à la réalité. Cependant il ne nous est pas possible de réévaluer précisément le taux de prévalence en fonction des facteurs de risque ».


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