Danielle Dijoux, référent de Léa pour Samy - La voix de l’enfant autiste

« Ne rejetez pas ce que vous ne comprenez pas »

22 novembre 2006

Le samedi 25 novembre se tiendra dans l’île le 1er Congrès national Léa pour Samy sur l’autisme au Conseil régional. Cet handicap est diagnostiqué dès le plus jeune âge comme pour Victor. Ses parents, Jean-Noël et Danielle Dijoux, désespérés à l’annonce de cette nouvelle, se sont épaulés pour donner à Victor tous les soins nécessaires et l’affection que peuvent donner des parents. Danielle Dijoux est depuis l’année dernière la référente dans l’île de l’association française Léa pour Samy - La voix de l’enfant autiste. Elle témoigne dans nos colonnes de son expérience comme elle le fera lors de ce congrès.

Victor est autiste. Cette nouvelle, vous l’avez apprise dans quelles circonstances ?

- Âgé de 2 ans, il a eu un arrêt de développement au niveau de la communication. Il disait des petits mots : papa, maman, escargot, vache. Pour un jour ne plus rien dire ! J’observais qu’il sautait sans arrêt sur place tout le long de la journée. Au moment des repas, il mangeait 2 cuillères, s’arrêtait et parcourait la maison et ainsi de suite. Âgé de 3 ans, je l’ai inscrit à l’école. Le premier jour, je l’ai déposé dans sa classe comme le faisaient les autres mamans avec leurs enfants. Il a tout “dévasté” dans la classe. L’institutrice, lorsque je suis venu prendre Victor, m’a dit que c’était une catastrophe et qu’il fallait prendre conseil auprès de l’hôpital de jour.

Pour nous, l’école c’était un espoir de socialisation pour Victor. Mais dès le premier jour, c’était déjà les complications. Nous avons rencontré le pédopsychiatre de l’hôpital de jour. Au sortir de cette consultation, il a été décidé que Victor allait être suivi une fois par semaine. Ses heures d’écoles diminuées. Depuis, nous nous rendons régulièrement auprès de l’équipe médicale pour effectuer un point sur notre vie quotidienne avec Victor.

Je me suis organisée entre mon travail dans le secteur social, le diabète de mon premier enfant, les gros troubles de comportement de Victor et la naissance de mon 3ème enfant. Du jour au lendemain, ma vie a été chamboulée. Nous l’avons vécu difficilement, car nous ne parvenions pas à comprendre le problème de Victor. Nous étions dans le désespoir.

Nous soupçonnions alors que Victor, âgé de 4 ans, était autiste. L’hôpital de jour a confirmé malheureusement notre analyse. Sur les conseils de parents, nous nous sommes rendus à Paris. Nous avons rencontré des spécialistes de l’autisme pour la mise en place un programme éducatif individualisé. Les médecins ont conçu un programme particulier pour Victor, fait de choses simples à réaliser mais essentielles... programme que j’ai appliqué jour après jour : des coloriages, comment boutonner une chemise, le tri d’objets, le tri des couleurs, conquérir l’autonomie pour se brosser les dents....

Qu’avez-vous ressenti en apprenant le handicap de Victor ?


- Quand j’ai su que Victor était autiste (à l’âge de 4 ans), j’étais désespérée de la situation. Mais j’avais envie de me battre pour mon fils. J’ai effectué des recherches, d’une part pour mieux appréhender l’autisme de mon fils et d’autre part, pour essayer de trouver des réponses aux difficultés rencontrées dans la vie quotidienne.

Qui vous a conseillé pour les soins de votre enfant ?


- J’ai trouvé des conseils auprès de 2 parents de l’île. Ils m’ont orientée vers les médecins parisiens. Ils ont partagé avec mon compagnon et moi l’expérience de leur fils qui, grâce au programme individualisé, avait fait des progrès considérables.

Avez-vous rencontré des difficultés particulières ?


- Le séjour à Paris était très perturbant, car Victor ne se retrouvait plus dans son environnement habituel. Il avait perdu tous ses repères.

Aujourd’hui Victor a 8 ans. Depuis 2005, il n’est plus scolarisé. Pouvez-vous nous dire les raisons ?


- Son inscription dans l’école s’est bien passée avec une promesse d’intégration. Il est alors rentré en grande section et dès le premier jour, il a été installé près de la porte d’entrée, le dos tourné à la classe. Les jours suivants, nous avons été en conflits avec l’AVS (Assistante de Vie Scolaire -NDLR) et l’institutrice, car ces personnes avaient interdit à Victor d’utiliser le matériel scolaire alors que nous leur avions bien expliqué qu’il les utilisait sans problèmes à la maison. Suite à cela, mon fils a été placé dans un container au fond de la cour d’école par 30 degré en été sans qu’on le sache, car l’AVS avait eu des consignes dans ce sens. On a explosé ! Il a continué sa scolarité tout en rencontrant des obstacles. Et j’ai du y mettre un terme après une énième péripétie. Le Directeur d’école, le maître de la CLIS et 4 autres instituteurs ne faisaient que regarder Victor pleurer et crier dans la cour...

Aujourd’hui, Victor, 8 ans, ne va plus à l’école
Il reste donc chez vous. Quelle l’éducation lui apportez-vous ?


- Depuis que Victor est âgé 4 ans, nous avons donc mis en application le programme individualisé. Par exemple, je lui ai appris à colorier. Je place un crayon de couleur entre les doigts, puis je déplace le papier pour qu’il comprenne que c’est à lui de déplacer le crayon pour colorier une surface. Nous avons continué son apprentissage avec les livres de la Maternelle. Suivre cette pédagogie est difficile pour lui. C’était un calvaire pour le faire travailler une demi-heure par jour.

Un ami de Paris nous a parlé de la méthode ABA. Nous nous sommes documenés. Dans le même temps, nous avons pris connaissance d’un article qui parle de l’association de Léa pour Sami et qui décrit la méthode appliquée dans cette institution, méthode appliquée dans quelques classes en France et au Maroc. D’après cet article, ses résultats paraissent concluants. Je prends donc contact avec le Président de cette structure, M’Hammed Sajidi. Il me propose de devenir la référente de Léa pour Sami à La Réunion.
Cette antenne existe depuis l’année dernière. Je peux aider et soutenir les familles d’enfants atteints d’autisme et de valoriser les actions de l’association.

Comment se passe la sensibilisation à cet handicap ?

- Le public nous renvoie à une image passéiste de l’autisme : accepter cet handicap sans aucune issue d’amélioration d’où une prise en charge inadaptée. Or, accepter l’autre, c’est accepter les différences qu’elles soient de couleur ou d’handicap...

Qu’attendez-vous du congrès ?
Une meilleure prise de conscience de tous les acteurs institutionnels et associatifs de la gravité de la situation de l’autisme à La Réunion, afin de mettre en place une prise en charges plus humaine et plus adaptée pour nos enfants. Les projets sont nombreux. Bâtir un centre de ressources qui soit un lieu d’accueil des familles, un centre de formation pour le personnel accompagnant (psychologues, psychiatres, animateurs, personnels soignants...) dont nous avons expressément besoin ici à La Réunion, aussi constituer une association avec toutes les personnes de bonne volonté que nous invitons au Congrès de samedi...

Quels sont vos souhaits ?

- Ils se résument en 3 points : un diagnostic précoce pour les enfants, des professionnels formés pour la prise en charges médicale et éducative, la création de structures éducatives en nombre suffisant dans l’île.

Vous avez un message à délivrer aux Réunionnais ?


- Tous les handicaps dont souffrent les gens doivent être sont perçus d’une manière positive. Ne rejetez pas ce que vous ne comprenez pas. Ce n’est pas de notre faute si nos parents, nos enfants, nos amis vivent un handicap. Ayez un regard plus tolérant et que l’Ile de La Réunion et sa population soit un exemple à suivre dans la France.

J.-F. N.


Qu’est-ce que l’autisme ?

C’est un trouble du développement. Il apparaît dès les premières années de la vie de l’enfant. Ses signes sont divers et d’intensités variables d’une personne à l’autre. Ils changent selon les âges. L’enfant peut réagir avec indifférence ou adopter un comportement inhabituel dans une situation banale. Il ne parle pas ou parle un langage pour le moins “bizarre”. On observe chez lui des actions répétitives avec son corps ou des objets : il agite les mains ou fait tourner des objets de manière répétitive. « Aucun de ces signes pris individuellement n’est suffisant pour le diagnostic de l’autisme. C’est leur groupement qui est significatif, après une observation ».


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