Premier service d’obésologie infantile à l’Hôpital d’Enfants de Saint-Denis

Obésité : un nouveau fléau de société

10 juillet 2004

À La Réunion, comme en France, les cas d’obésité se multiplient dangereusement. L’augmentation de la surcharge pondérale infantile nécessite une prise en charge précoce des troubles de la nutrition, pour réduire les risques de pathologies associées et adapter les soins à ce réel problème de santé publique. L’Hôpital d’Enfants de Saint-Denis annonçait hier l’ouverture du premier service d’obésologie infantile de La Réunion.

Diabète, maladies cardio-vasculaires, déficiences articulaires et visuelles, dépressions : plus qu’une surcharge pondérale, l’obésité est source de nombreux handicaps à venir, "un danger qui nécessite d’agir avant qu’il ne soit trop tard", soutient Henri Vergoz, président de l’Hôpital d’Enfants de Saint-Denis. Les troubles de la nutrition apparaissent très souvent durant l’enfance et s’ancrent tout au long de la vie si rien n’est mis en œuvre pour y remédier.
Partant de ce constat inquiétant, l’Hôpital d’Enfant, dans le respect des orientations préconisées par le SROS (Schéma régional d’organisation sanitaire), a opté pour un projet médical tourné vers la prise en charge de l’obésité infantile. Il inaugurait hier son nouveau service muni pour l’instant de cinq lits, dans l’attente, d’ici 2006-2007, de pouvoir tripler sa capacité d’accueil grâce au soutien de l’ARH (Agence régionale de l’hospitalisation) pour le financement de travaux d’agrandissement qui vont "totalement métamorphoser l’hôpital", assure déjà Bernard Vaysses, directeur de l’ASFA (Association Saint-François d’Assises).
Antoine Perrin, en tant que directeur de l’ARH, a tenu à souligner "le caractère exceptionnel du projet", novateur à La Réunion. Dans le cadre de la constitution d’une communauté d’établissements avec le CHD Félix Guyon, afin de proposer un réseau de soins cohérent et homogène, l’Hôpital d’Enfants y a transféré ses compétences très techniques, maintenant néanmoins son "excellence pédiatrique", son offre de soins de suite de qualité.

Associer prévention et prise en charge individuelle

Le docteur Hélène Youla, responsable du service d’obésologie infantile, précise qu’au-delà d’une prise en charge globale de l’enfant, au-delà de l’outil préventif indispensable, des problèmes pluri-factoriels liés à l’obésité incitent une plus large réflexion. "L’éducation à elle seule ne suffit pas, mais la dimension individuelle doit être traitée". Cette unité va ainsi permettre de réaliser, dans un premier temps, un bilan complet des pathologies morbides liées à l’obésité, de cerner les difficultés psychologies éventuelles de l’enfant et de lui apprendre à mieux manger.
"Les enfants sont souvent conscients qu’ils ne se nourrissent pas bien mais ils ne parviennent plus à changer leurs habitudes alimentaires. Ils se retrouvent ainsi en échec scolaire, manquent de confiance et sont déjà exclus. Il nous faut intégrer toutes ces dimensions dans notre évaluation", explique le docteur Youla. "Des services similaires existent déjà en Métropole et le résultat de leur travail pourra également nous servir de bases de données". Dans un second temps, au vu du bilan individuel, certains enfants pourront être suivis à distance, en partenariat avec leurs médecins référents, quant aux cas qui nécessitent une prise en charge médicalisée plus importante, ceux-ci seront admis pour un séjour moyen, d’au maximum 8 semaines, et feront par la suite des visites ponctuelles afin de garantir un suivi efficace.
Une diététicienne, un éducateur de jeunes enfants, une infirmière ou une puéricultrice, ainsi que tout le plateau technique adapté aux soins (psychologue, kinésithérapeute...) prendront en charge ces enfants, de 8 à 15 ans, durant leur séjour à l’hôpital. La matinée sera consacrée à l’étude et l’après-midi aux activités ludiques et diverses, au sport, ou encore à la rééducation psychomotrice. "J’y crois comme nous tous", soutient le docteur Youla qui suit déjà certains enfants en souffrance qui selon elle, "adhérent totalement au projet".

Estéfany


Mon marmay lé bèl ?

Selon les études des services sociaux, 28% des jeunes entre 12 et 18 ans souffraient de problèmes d’obésité en 2002 à La Réunion. Depuis, aucune étude épidémiologique n’a permis d’évaluer les cas de surcharges pondérales infantiles. Pour les parents qui s’interrogent sur le poids de leur enfant, notons que l’indice de masse corporelle utilisé pour les adultes ne peut correspondre pour l’enfant, dont le poids varie selon l’âge. Cependant, le docteur Youla préconise de maintenir un suivi des courbes de poids et de taille sur le carnet de santé. Ainsi lorsque la courbe de poids est supérieure de plus de 20% à celle de la taille, il y a des raisons de s’inquiéter.


Les “maladies de l’adolescent”

Quoi de plus appétissant que les joues rebondies d’un nourrisson ? L’on pense couramment qu’un enfant potelé offre le signe rassurant d’une bonne santé, mais se dessine parfois derrière ce premier abord inoffensif, les prémices de troubles nutritionnels qui le feront passer du statut de potelé à celui d’obèse. Les problèmes de nutrition sont ainsi souvent banalisés voir occultés.
Malgré la mutation des besoins de santé, la société n’a pas encore pris conscience qu’il n’y a pas que les maladies lourdes et avérées qui nécessitent prise en charge et hospitalisation.
Antoine Perrin garde néanmoins bon espoir car l’intérêt croissant des professionnels de santé pour les “maladies de l’adolescent” fait de la jeunesse un sujet sociétal de questionnements, qui dessinera le système de santé de demain.
Pour Hélène Youla, l’oisiveté et l’inactivité sont les principaux pièges qui conduisent à la surcharge pondérale. Elle a pu constater que le week-end, certains enfants restent entre 10 et 12 heures devant la télévision ou la console de jeu, à amasser les calories.
Après un temps relatif d’isolement et de rupture familiale, lorsque l’hôpital est assuré que la famille peut se présenter comme un soutien dans la prise en charge médicalisée de l’enfant, les parents sont alors invités à venir participer à des ateliers. Informations, conseils personnalisés et incitation aux activités familiales durant le week-end pourront être suggérées, afin que l’enfant optimise sa période de croissance pour se constituer les bases d’un corps sain, son allié pour la vie.


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