Amiante à l’école Les Bancouliers du Moufia

Pas de panique mais pas de laxisme

30 mai 2007

À la demande des parents d’élèves, la Mairie de Saint-Denis a entamé il y a 6 mois un diagnostic amiante dans les 87 écoles de la commune. Sa présence a été détectée dans les faux plafonds de quatre salles des écoles maternelle et élémentaire Les Bancouliers au Moufia. Sans attendre les résultats de l’analyse de l’air, la Mairie a déplacé le matériel de la moyenne section, potentiellement contaminé, dans une autre salle pour permettre l’accueil des élèves. En période d’élections législatives, mieux vaut ne pas faire de vague !

(Photo SL)

Le 28 novembre 2006, l’APE (Association des Parents d’Élèves) de l’école élémentaire Les Bancouliers, présidée par Catherine Tournand, signifiait par courrier à la Mairie de Saint-Denis son inquiétude quant à la présence potentielle d’amiante au sein de l’école et son souhait de voir les contrôles obligatoires réalisés. Coïncidence ? La Mairie venait d’avoir la même idée.

«  On ne veut pas de panique  »

Les résultats reçus vendredi par la Mairie ont apporté la confirmation qu’il y a bien de l’amiante dans les faux plafonds de la bibliothèque et de la salle informatique de l’école élémentaire et dans l’autre bibliothèque et une classe de moyenne section de l’école maternelle qui accueille 27 enfants. Durant le week-end, la Mairie a mandaté l’entreprise Socotec pour réaliser des mesures d’empoussièrement, et ainsi contrôler la présence potentielle de fibres d’amiante dans l’air. L’amiante s’avère dangereuse pour la santé à partir de 5 fibres par litre d’air.
Les échantillons ont été envoyés en métropole pour analyse. À juste titre, la Mairie a condamné la classe et les autres salles en attendant une partie des résultats prévus ce vendredi. Néanmoins, elle a jugé opportun de transférer la classe de moyenne section dans la salle voisine du Rased en déplaçant son matériel (tables, chaises), potentiellement contaminé, sachant en outre qu’elle l’a fait après que les mesures d’empoussièrement aient été effectués à grands renforts de ventilateurs, actionnés en continu pendant 24 heures. « C’est pour cela que je suis là ce matin, car l’urgence est chez vous », signifiait Catherine Tournand aux parents concernés rassemblés devant la classe. « On pense, en tant qu’’association de parents d’élèves, que pour la sécurité maximale de vos enfants, il vaut mieux attendre les résultats définitifs avant de les placer dans la classe ou le matériel a été transféré. On ne veut pas de panique, probablement qu’il n’y aura pas de résultats affolants, mais nous tenons à vous faire connaître notre position. » Une précaution parfaitement recevable pour les parents mais qui n’est pas apparue, de prime abord, aussi évidente pour la Mairie. Si la contamination de l’air est avérée, la municipalité aura elle même transféré le problème dans une autre salle, voire d’autres salles, en supposant que l’opération de déménagement ait pu favoriser le transport des fibres.

«  On ne peut pas parler de contamination, s’il n’y en a pas  »

Son directeur général adjoint, Patrice Bertil, en charge notamment de la vie scolaire, insistant à plusieurs reprises face aux parents sur la nécessité de « relativiser », a notifié que « ce n’est pas le fait que l’on ait diagnostiqué la présence d’amiante qui fait que c’est dangereux. L’amiante est présent dans beaucoup de matériaux, dans le sol, etc...Maintenant, il faut voir qu’elle est le niveau d’amiante dans l’air (...) Il ne faut pas interpréter les choses. Y’a de l’amiante mais pas à un niveau dangereux pour la santé. »
Une interprétation qui n’est pas, elle, confirmée encore par les résultats d’analyse. Il a justifié que la première précaution était de fermer la classe, ce qui a été rapidement fait (et les parents l’en ont remercié) et qu’il était « moins pire de déplacer du matériel que de laisser les enfants avec le danger au-dessus de leur tête. »
Une opération selon lui conseillée par le cabinet spécialisé, donc sans risque, d’autant que le matériel aurait été dépoussiéré. Comme si le désamiantage se résumait à un simple coup de plumeau ! Une analyse qui n’a pas fait l’unanimité et qui a semé le doute chez les parents quant aux compétences des spécialistes mandatés. « Le principe de précaution aurait voulu que le matériel soit nettoyé avant d’être déplacé selon un protocole précis », intervient la maman d’Etienne. « S’il y a contamination, vous avez déplacé la poussière d’amiante dans la salle du Rased. » « Optimiste de nature », Patrice Bertil soutient alors que l’« on ne peut pas parler de contamination, s’il n’y en a pas. » Un « si » qui appelle néanmoins à la plus grande vigilance. Les parents ont finalement obtenu que les enfants soient transférés dans le module récemment construit et destiné au centre aéré de Saint-Denis Jeunesse. Local qui n’offre certes pas tout le matériel pédagogique nécessaire, mais constitue une alternative plus acceptable pour la sécurité des enfants et du personnel.

Pas de «  nettoyage à la va-vite  »

Si les résultats d’analyse sont négatifs, les parents s’accordent à laisser leurs enfants terminer l’année scolaire, qui touche à sa fin, dans les locaux. Néanmoins, comme l’a encore souligné la maman d’Etienne, « pendant les vacances, le désamiantage doit être fait dans les règles, par des spécialistes équipés, avec une bulle stérile autour des bâtiments... Nous pensons aux élèves et maîtresses futurs. » « Détecter la présence d’amiante, c’est une chose », renchérit la présidente de l’APE, « mais mon souci est que le chantier soit effectivement mené soigneusement. Des ordinateurs, énormément d’ouvrages ont été exposés, il est hors de question d’un nettoyage à la va-vite. Nous serons présents pour demander un chantier de désamiantage correct et s’il s’avère que le taux (de fibres dans l’air - NDLR) est vraiment important, il faut penser aux personnels. L’APE demande à ce qu’ils bénéficient d’un suivi sanitaire. » Toujours en décalage, Patrice Bertil estime quant à lui qu’« on n’en est pas là. » Et pourtant ! Elle lui rappelle alors qu’à la demande de l’école, les toitures poreuses des classes élémentaires ont été changées entre 2005 et 2006. « Qu’est ce qui se passe pour les ouvriers qui ont travaillé sur ce chantier et du reste de l’école, sachant que ces travaux ont généré un brassage important de poussières et de fibres ? La classe de moyenne section en question a également des morceaux de dalles cassés et l’on sait qu’en cas de trou, la ventilation favorise l’échange de particules. » Pour Patrice Bertil, « on ne va pas faire l’histoire. On verra après les autres aspects. » Attendu que les matériaux de construction varient d’une classe à l’autre, quatre salles s’avèrent potentiellement dangereuses, mais pour les parents, des erreurs de manipulations pourraient engendrer la contamination d’autres locaux, d’autant que hier après-midi, du personnel circulait encore dans les salles censées être scrupuleusement tenues fermées ! De plus, ils s’interrogent sur la fiabilité de ces mesures d’empoussièrement réalisées à un instant T et qui ne sont peut être pas révélatrices de la qualité de l’air le reste du temps.

«  99,99% des écoles sont saines...  »

Jocelyne, assistante maternelle depuis près de 13 ans dans la classe de moyenne section concernée par la présence d’amiante, a du mal pourtant à cacher son inquiétude, d’autant qu’à chaque nettoyage de la classe, elle se retrouve prise de crises de toux importantes qui, pour elle, trouvent aujourd’hui leur origine probable. Les parents pensent également aux anciens élèves et à l’ancienne maîtresse aujourd’hui à la retraite. Ils tentent de la rassurer. Reprenant les résultats d’une étude de l’INSERM concernant les incidences sanitaires de l’amiante chez les enfants scolarisés de 5 à 20 ans et exposés à 25 fibres par litre, Catherine Tournand souligne que « globalement, par rapport à la mortalité normale, on enregistre 13 décès supplémentaires pour 10 000 personnes exposées. C’est peu, mais si l’on rapporte ça aux générations d’enfants passés...! »
Certes, l’amiante est aussi présent en milieu urbain, mais une classe est un lieu confiné. Conscients que l’heure n’est ni à la panique, ni à la polémique, que rien ne sert d’anticiper les résultats, les parents interpellent néanmoins la Mairie sur l’éventualité d’un plan B visant à assurer au delà des travaux d’importance sur les classes incriminées, un contrôle de l’air plus régulier sur l’ensemble des deux écoles.
Ils refusent également qu’il incombe à l’équipe pédagogique de pallier seule l’urgence, insistant sur la présence et le soutien total de la Mairie. Patrice Bertil les en a assuré, comme de l’implication des parents dans les démarches à venir, de la totale transparence sur ce dossier et du fait que l’ensemble des écoles de la commune seraient très prochainement informées des tests réalisés. « 99,99% des écoles sont saines et peut être qu’après les résultats, on pourra dire que 100% sont saines. »

Des contrôles sur toute l’île

Patrice Bertil les a invités à une nouvelle rencontre vendredi à 15 heures 30 pour l’annonce d’une partie seulement des résultats, sachant que la salle informatique devait encore subir les mesures d’empoussièrement. L’APE souhaite que le cas des écoles Les Bancouliers permettent d’interpeller l’ensemble des acteurs en charge des diagnostics amiante, sur l’ensemble de l’île, pour que la réglementation de contrôle soit pleinement appliquée. En 2005-2006, la Région Réunion s’est pour sa part acquittée de cette obligation dans les bâtiments relevant de sa compétence (lycées, internats, centres de formation...), mais quand est-il des collèges et des autres écoles de l’île ? Interpellé sur l’existence éventuelle d’un protocole ou d’un échéancier fixé avec les communes avant la loi décentralisation, le Rectorat n’a pas donné suite à notre sollicitation.

Stéphanie Longeras


Pourquoi avoir attendu ?

Pourquoi avoir attendu 10 ans, depuis la loi de 1997 qui interdit l’utilisation de l’amiante dans les matériaux de construction et oblige à des contrôles dans les établissements publics construits avant cette date ? C’est la grande question et la grande colère des parents.

- L’interdiction date de 97 mais les contraintes sont plus récentes, explique Patrice Bertil. Comme toutes les villes de plus de 100 000 habitants, la Mairie devait faire un diagnostic amiante de toutes les écoles. Aujourd’hui, on a 87 écoles sur la ville, soit des surfaces de locaux très importantes. Il y a aussi des contraintes de marchés et de commandes publiques. Pour faire intervenir une entreprise, il faut établir un cahier des charges, mettre en place des consultations, choisir l’entreprise qui doit faire le tour de toutes les écoles. Résultat de toute cette procédure, le diagnostic a été lancé il y a seulement 6 mois, ce qui correspond parfaitement au moment où l’APE a interpellé la Mairie sur la question.
La Mairie connaît pourtant bien le problème car elle a eu à gérer le désamiantage de toute l’aile Ouest du 3ème étage de l’Hôtel de Ville dont les cloisons étaient contaminées avec un niveau bien au dessus du seuil acceptable. Entre les différentes opérations de confinement, le transport et le stockage du matériel contaminé, elle sait que la procédure est complexe et n’accepte justement aucune erreur de manipulation.

SL


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