Le groupe de dialogue interreligieux de La Réunion est représenté par Monseigneur Gilbert Aubry, M. Idriss Issop-Banian, le pasteur Walter Techerra, Swami Advayananda. M. Issop Banian a commencé cette réunion par une allocution dont la teneur devait en quelque sorte représenter la pensée de l’ensemble du groupe. « Le temps où le monde religieux diabolisait le SIDA doit être révolu, nous avons un devoir de solidarité envers tous les hommes. Il faut également prendre en considération la grande disparité entre pauvres et riches. Si nous, (le groupe de dialogue) nous sommes différents dans notre approche, il faut que chacun sache que nous sommes à vos côtés, car il est vrai que nous sommes d’accord sur l’essentiel. L’essentiel c’est la vie, personne ne doit transmettre la mort, c’est cela le message de la religion et de la spiritualité. Nous sommes à côté de ceux qui souffrent, avec notre croyance ».
Monseigneur Aubry est intervenu ensuite pour nous apporter le point de vue des catholiques. Il a tenu à réaffirmer que l’Eglise est mobilisée et que l’on ne doit pas jouer avec cette peste (le SIDA). Pour étayer l’approche chrétienne de la sexualité, l’Evêque de La Réunion a renvoyé la salle à la Genèse. Il est revenu sur la fable d’Adam et Eve, seul moment de flottement : lorsqu’il nous a dit qu’Eve était une côte d’Adam ! De nombreux participants ont du apprécier cette persévérance à la croyance dans une femme inférieure à l’homme ! Alors que nous sommes en droit d’attendre face à cette pandémie dramatique une réponse moderne de l’Eglise, nous avons eu droit à un cours de catéchisme suranné. Apparemment, la position de l’Eglise est toujours aussi tranchée. Même sous un discours qui pourrait sembler libéral transparaît la même doctrine. Mais comme le dit si bien Monseigneur Gilbert Aubry, chacun doit jouer le rôle qui lui est dévolu. Enfin, l’Evêque dira : « Oui le préservatif est préférable plutôt que donner la mort, mais ne comptez pas sur l’Eglise pour faire passer ce message ».
En quelque sorte cela signifie : Oui à la paix, mais je ne lancerai pas le message de déposer les armes ! Pour lui, il faut déplacer le problème vers l’homme et sa sexualité. La fidélité doit être le maître mot de tout message préventif, et il a conseillé aux associations de faire passer ce message en priorité. Il a rappelé que sans la fidélité, ni un comportement "normal", on ne parviendra à enrayer la maladie. La teneur de toutes les confessions représentées a bien entendu été dans le sens de la fidélité, mais on a pu entendre quelques notes discordantes notamment celle du représentant bouddhiste qui, lui, a vu dans l’emploi du préservatif comme une évidence puisque Bouddha lui-même envoie un message de vie. Bouddha dit : « L’autre souffre, je souffre, si une vie souffre, c’est l’humanité qui souffre ».
Une autre intervention doit être à noter pour sa pertinence, d’autant plus qu’elle a été tintée d’humour, c’est celle du pasteur protestant Walter Techerra qui n’a apparemment, lui, aucun problème pour parler de "protection". C’est avec un grand réalisme que le Pasteur nous a expliqué sa position personnelle et celle des protestants dans notre île. Il reconnaît qu’au travers de son Eglise, beaucoup d’idées et de courants sont transversaux et que certains pensent être dans la voie de son église et de ses principes en rejetant des pratiques sexuelles différentes. En aucun cas ce n’était la position des protestants à La Réunion. Une question d’une participante mauricienne a sonné comme un coup de fouet. Elle était adressée à Monseigneur Gilbert Aubry : « Dans les textes religieux, où est la compassion pour la passion, alors qu’en Israël aujourd’hui, toutes les religions se sont réunies pour fustiger l’Homosexualité ? ». (NDLR : Nous n’avons aucune information concernant ce fait). La réponse de Monseigneur Gilbert Aubry, après un blanc dans la salle : « Il faut séparer l’ordre de la vie de la sexualité » !!!

« Quel discours pour ceux qui ne croient pas ? »

La conclusion de cette réunion, on la doit au professeur Willy Rozenbaum. C’est sous la forme d’une question qui appelle bon nombres de réponses : « Je vous pose la question à tous : Vous avez un discours pour tous ceux qui sont dans vos églises, mais que faites-vous de ceux que vous n’avez pas su convaincre et ils sont nombreux. Quel discours pour ceux qui ne croient pas ? ». Si les représentants du groupe de dialogue interreligieux ont tenté de répondre, il est vrai que pour tous ces hommes et toutes ces femmes pour qui Dieu n’est qu’un mythe, le discours des religions ne peut satisfaire. Alors, doit-on imposer la croyance pour endiguer cette maladie ? Vaste programme, mais il est vrai que certains s’y emploient. La vie de millions de personnes et particulièrement d’un continent dépend de tous, et les religions dans leur ensemble sont-elles prêtes à s’adapter aux grandes catastrophes qui nous attendent, autrement que par la prière ? C’est cela la vrai question, et si cet échange a été de qualité et de très haute volée, la question reste toujours en suspend.

Philippe Tesseron