Destination santé

Une femme sans peur…

3 janvier 2011

Où dans notre cerveau se situent donc les centres de la peur ? Pour le savoir, des médecins américains se sont penchés sur le cas rarissime d’une femme de 44 ans qui, justement, n’a jamais peur… Serpents, mygales, films d’horreur, maisons hantées… rien n’y fait. La peur lui est étrangère. Intrigant et inquiétant.

« Nous supposions que le siège de la peur se situait au niveau de l’amygdale — une glande en forme d’amande située au niveau temporal dans le cerveau, n.d.l.r. — mais cela n’a jamais vraiment été vérifié chez l’Homme », rapporte le Dr Justin Feinstein (Université d’Iowa City). Chez l’animal, en revanche, ce constat parait bien établi. En novembre dernier, une étude européenne publiée dans “Nature” avait confirmé l’implication de l’amygdale dans l’apprentissage de la peur… chez la souris.

Justin Feinstein s’est donc intéressé à S.M. Derrière ces initiales, une femme de 44 ans atteinte du syndrome d’Urbach-Wiethe. Une maladie génétique rare, caractérisée par une calcification de l’amygdale. Avec son équipe, il n’a pas lésiné sur les moyens pour provoquer un semblant de peur chez cette femme. Celle-ci a eu tout loisir de chatouiller une mygale et une tarentule, de caresser des serpents — tous vivants, il va de soi. Elle a également été conduite dans une… maison hantée, avant de visionner des films d’horreur. Sans plus de réussite. S.M. n’a ressenti aucune peur.

Au bout du chemin, la prise en charge du syndrome de stress post-traumatique ?

Pour mieux comprendre, Feinstein l’a soumise à de nombreuses questions concernant sa vie quotidienne. « Elle n’a jamais éprouvé la moindre peur », confirme-t-il. « En revanche, elle se montre tout à fait capable d’exprimer d’autres émotions. En conclusion, nous confirmons que l’amygdale joue bien un rôle pivot au niveau du ressenti de la peur ».

D’autres travaux devraient rapidement s’enchaîner, pour comprendre les circuits neuronaux spécifiques à la peur. Et pourquoi pas pour envisager à terme la mise au point de traitements contre le syndrome de stress post-traumatique. « Nous n’en sommes pas là, mais cette éventualité est envisageable », nous confirme Cyril Herry, chargé de recherches à l’Unité INSERM 862 de Bordeaux. Il a justement contribué au travail publié dans “Nature”.

Il tient à rappeler toutefois que la peur est « une adaptation comportementale à une situation donnée. Le fait d’ignorer les dangers qui nous entourent est évidemment… très dangereux ». Au point de s’étonner, comme Feinstein d’ailleurs, que cette patiente soit toujours en vie à 44 ans.


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