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par le Dr Raymond Vergès

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VIH-SIDA : Maintenir l’effort

Destination santé

vendredi 2 octobre 2009


Rendu public cette semaine par l’OMS, l’UNICEF et l’ONUSIDA, le dernier “rapport de situation” sur le VIH-SIDA est en demi-teinte. Il existe certes des progrès notables dans l’accès aux soins. En Afrique subsaharienne, 2,9 millions de patients séropositifs ont suivi un traitement anti-rétroviral en 2008, au lieu de seulement 2,1 millions en 2007. C’est une hausse de 39% ! Malgré cela, au niveau mondial, seuls 42% des malades ont effectivement accès aux traitements…


« Le SIDA n’est pas en récession (comme l’économie mondiale, n.d.l.r.), et nos efforts de prévention et de dépistage doivent absolument être maintenus ». Le rapport des agences onusiennes confirme donc le cri d’alarme lancé d’une voix commune par les 5.000 participants à la 5ème Conférence de l’International AIDS Society (IAS), fin juillet au Cap, en Afrique du Sud. Chercheurs, médecins et autres responsables d’organisations non-gouvernementales ou d’associations, ils s’inquiètent de l’impact de la crise économique mondiale sur la lutte contre le SIDA. Sans oublier que la pandémie à virus A (H1N1) est un concurrent redoutable dans la course aux financements. Pourtant, les progrès scientifiques et de santé publique n’ont jamais été aussi importants. Etat des lieux.

Directeur exécutif du Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la Tuberculose et le Paludisme, le Pr Michel Kazatchkine ne cache pas son inquiétude devant les difficultés qui attendent le Fonds mondial à partir de 2011. « Il nous faut trouver des dizaines de milliards de dollars », nous a-t-il confié. « Or, le dernier G8 n’a rien débloqué pour le SIDA, la tuberculose ou le paludisme, et rien pour les vaccinations, ni la politique mère-enfant ».

Crise économique donc mais aussi H1N1, les spécialistes craignent que les efforts pour la recherche et la prise en charge de la maladie ne soient suspendus. Et cela, alors même que se font jour des avancées thérapeutiques. « Nous arrivons aujourd’hui pratiquement à 90% de succès », assure le Pr Jean-Michel Molina, chef du service des Maladies infectieuses au CHU Saint-Louis de Paris. « Et ce succès — caractérisé par une charge virale indétectable qui marque le contrôle effectif de l’infection, n.d.l.r. — perdure tant que le traitement est poursuivi ». Un constat qui ne l’empêche pas d’ajouter « qu’il reste bien sûr beaucoup à faire. En termes de dépistage et de prévention, et sur le plan thérapeutique ». Autrement dit, le relâchement n’est pas permis …

Traitements : des impératifs de sécurité et de tolérance à long terme

A l’avenir, l’enjeu pour tous ces spécialistes est aussi de traiter leurs patients dans la durée donc, mais aussi, naturellement, dans la sécurité. Dans les pays du Nord, le SIDA s’apparente de plus en plus à une maladie chronique. Comme le souligne le Pr François Raffi (Nantes), « nous devrons traiter certains patients pendant 30 ou 40 ans. Il est donc important de rechercher la tolérance et la durabilité du traitement ».

Présenté au Cap, un travail multinational associant 83 équipes a montré la supériorité d’une triple association d’inhibiteurs de la transcriptase inverse — des INTI — sur un schéma plus traditionnel combinant des anti-protéases et des INTI. Coordonnée par le Pr Vicente Soriano de Madrid, l’étude ARTEN a comparé deux options d’association au couple Tenofovir/Emtricitabine (Truvada®). Les 569 patients ont ainsi reçu soit une combinaison d’Atazanavir et de Ritonavir — deux anti-protéases —, soit de la Nevirapine (Viramune®).

Disponible depuis 13 ans, c’est le plus ancien des inhibiteurs non-nucléosidiques de la transcriptase inverse. Utilisé dans le monde entier et déjà disponible en génériques, il fait l’objet de nombreux programmes de distribution humanitaire et/ou compassionnelle. La Nevirapine fait ainsi référence dans la prévention de la transmission mère-enfant (PTME) du VIH.

Ce travail a démontré « que chez 67% des patients au lieu de 65% (dans l’autre groupe), l’association Truvada®/Viramune® rend la charge virale indétectable précocement ». Par ailleurs, son impact sur les lipides sanguins est très favorable : « diminution du LDL-cholestérol — le mauvais cholestérol, n.d.l.r. — et augmentation du taux de HDL-cholestérol à plus de deux fois celui obtenu » avec les anti-protéases. C’est un élément majeur, car les troubles des lipides sont une préoccupation constante pour ces malades. Ils provoquent des déformations corporelles, et augmentent le risque de maladies cardio-vasculaires.

En dépit des progrès considérables enregistrés ces dernières années, la situation est encore loin d’être rassurante. Si la vigilance reste insuffisante, les inégalités sont aussi insupportables : d’après ONUSIDA, sur les 33 millions de personnes qui vivent avec le SIDA dans le monde, 22 millions se trouvent en Afrique sub-saharienne où seulement 35% des besoins thérapeutiques de base sont couverts. Or, en 2007 justement, plus de 75% des morts provoqués par la maladie ont concerné cette partie du globe…

Source : Rapport OMS, ONUSIDA, UNICEF, 30 septembre 2009 ; de nos envoyés spéciaux à la 5ème conférence de l’IAS, 19-22 juillet 2009, Le Cap (Afrique du Sud).


Prévention, dépistage… Insister encore et toujours

Dans 39 pays défavorisés dont 19 d’Afrique subsaharienne, le nombre de tests du VIH a plus que doublé entre 2007 et 2008. Mais à l’échelle mondiale, moins de 40% des personnes vivant avec le VIH connaissent leur séropositivité. Les spécialistes insistent donc sur la nécessité d’une prévention plus efficace, d’un dépistage plus systématique et d’un ciblage plus actif des populations à risque. Car la notion de “groupes à risque” revient au premier plan dans la lutte contre le VIH. Nécessité fait loi : le dernier rapport de l’ONUSIDA montre clairement que la pandémie est loin d’être contrôlée. Dans les pays défavorisés, le nombre de malades augmente plus vite que celui des patients traités. Dans les autres pays comme la France, des cas de plus en plus nombreux sont dépistés au stade clinique de la maladie SIDA…

« Même s’ils ont montré leurs limites, les messages de sensibilisation doivent être poursuivis », insiste Jean-François Delfraissy, directeur de l’Agence nationale de Recherche sur le SIDA (ANRS). « La circoncision réduit le risque de 50% à 60%, mais il faut continuer de la recommander ». Or, fin 2008, seuls 13 pays d’Afrique subsaharienne s’étaient dotés de politiques d’incitation à la circoncision.

« Quant aux pays du Nord », poursuit le Pr Delfraissy, « l’épidémie continue. Particulièrement chez les jeunes homosexuels. Ce qui est nouveau, c’est que l’on peut en parler ». Jean-Michel Molina, pour sa part, souligne que « dans les milieux gays, on connaît les séropositifs. Ils vont bien et, du coup, on considère que “ce n’est pas si grave…” ». Il n’en reste pas moins que dans les pays défavorisés, 40% des homosexuels masculins n’utilisent pas de préservatif au cours d’un rapport anal.

La responsabilité dans les comportements doit donc être réhabilitée. Tout comportement à risque devrait naturellement inciter à un dépistage de précaution. Mais pourquoi la recherche du VIH ne fait-elle pas aussi partie des bilans biologiques standard ? Au moins une fois dans son existence, plus si nécessaire. Le Pr Molina évalue en France à plus de 30.000 le nombre de séropositifs qui s’ignorent. Il déplore aussi que 30% des malades soient diagnostiqués à l’hôpital, au stade clinique du SIDA… Ce que confirme le Pr François Raffi. Dans son service au CHU de Nantes, il reçoit « 1 à 2 nouveaux patients chaque semaine. Mes deux derniers malades ont 55 ans. Ils sont mariés, et sont venus me consulter au stade de SIDA clinique. Pour en être là aujourd’hui, ils ont dû être contaminés il y a 8 à 15 ans… ».


Des anti-rétroviraux en prévention ?

Utilisation du préservatif, stabilité dans les relations… les messages de prévention doivent être maintenus, voire intensifiés. Mais aujourd’hui, les regards se tournent également vers une prévention que l’on pourrait appeler… thérapeutique.

Les vaccins ? Pas vraiment… Les recherches sont encore décevantes ou préliminaires, à l’image de l’étude américaine qui a montré une réduction du taux d’infection de 31,2% grâce à un vaccin expérimental combinant ALVAC® HIV et AIDSVAX® B/E. Comme le souligne le Pr Molina, « l’évaluation de candidats-vaccins se poursuit. Aussi bien des vaccins préventifs que des vaccins thérapeutiques permettant de contrôler la maladie en l’absence de traitement chez des sujets infectés ».

En revanche, la mise en œuvre d’anti-rétroviraux à titre “préventif” est à l’ordre du jour. Elle a même été largement évoquée dans le cadre de la Conférence de l’IAS. Pour Jean-François Delfraissy, « si l’on dépiste tout le monde et que l’on soigne très tôt les personnes infectées, il est possible de diminuer la charge virale et le risque de transmission ». D’ailleurs, les choses bougent. Le rapport de l’ONU révèle que 107 des 110 pays à revenu faible ou intermédiaire qui avaient transmis des informations disposaient des politiques ou des protocoles pour assurer une prophylaxie post-exposition.

Même si dans la pratique, ce n’est pas simple, un dépistage plus précoce pourrait cibler les groupes à risque : la communauté des jeunes homosexuels, par exemple, où la prévalence du VIH est estimée entre 7% et 8%. Pour dépister plus tôt et traiter plus tôt, il faut « créer de nouvelles conditions de dépistage », poursuit le patron de l’ANRS. En s’appuyant « sur le milieu associatif et dans des lieux comme les boîtes ou les plages, le dépisteur étant un opérateur associatif ». Les tests rapides, dont Roselyne Bachelot-Narquin avait lancé l’expérimentation l’an passé, sont ainsi utilisés dans une expérience qui englobe les villes de Bordeaux, Lille, Montpellier et Paris.

Une autre idée fait son chemin. Elle consiste à traiter des personnes en bonne santé avant la prise de risque, en leur prescrivant des “cures” de trithérapies à prise unique quotidienne. Cette technique est déjà utilisée pour des personnes exposées accidentellement, des professionnels de santé par exemple. Cette prévention pourrait concerner les milieux de la prostitution où le risque de contamination est récurrent. « Nous pensons bâtir vers la mi-2010 un essai sur plusieurs centaines de personnes », indique Jean-François Delfraissy.


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