Difficile conclusion d’un traité d’amitié entre l’Algérie et la France

130 ans de colonisation ne sont pas effacés

24 avril 2006

Sous le titre “Le traité d’amitié franco-algérien ? Rien ne presse”, “Jeune Afrique” du 16 avril dernier montre que l’impact de la loi sur le ’rôle positif’ de la colonisation voté en France est encore bien présent en Algérie et pèse sur la conclusion d’un traité entre l’Algérie et l’ancienne puissance colonisatrice.

De retour à Alger après sa visite historique en France, au mois de juin 2000, le président algérien Abdelaziz Bouteflika commentait sobrement : "Je rentre les mains vides". La formule pourrait être reprise à son compte par Philippe Douste-Blazy, le ministre français des Affaires étrangères, à l’issue de son séjour en Algérie, les 9 et 10 avril. Principale raison de sa visite, la signature d’un traité d’amitié censé sceller la "refondation des relations" entre les 2 pays est en effet remise aux calendes grecques. L’idée en avait été lancée en février 2003, peu avant le voyage de Jacques Chirac à Alger...

Dimanche 9, au cours du dîner officiel en l’honneur de la délégation française, Mohamed Bedjaoui, le chef de la diplomatie algérienne, avait annoncé la couleur, à demi-mot : "Ce projet de traité, tout le monde en parle, mais personne ne le connaît. C’est peut-être une bonne chose. Si nous voulons reformuler en profondeur nos relations, il nous faudra de la volonté et du temps. Pour mener à bien une telle ambition. Il ne faut pas précipiter les choses". Le lendemain, au cours d’une conférence presse tenue en compagnie de son hôte, souriant mais visiblement mal à l’aise, il s’est montré plus précis : "Les conditions objectives, subjectives et psychologiques ne sont pas tout à fait propices aujourd’hui. [...] L’opinion française n’est pas prête à la conclusion de ce traité".

Bien entendu, le Quai d’Orsay savait depuis plusieurs jours que l’accueil des Algériens serait tiède. Maintes fois annoncée, la venue de Douste-Blazy avait été à chaque fois reportée, au point qu’on en était venu à se demander si elle était réellement souhaitée à Alger. Indiscutablement, le ministre paie son appartenance à l’UMP, dont il est le secrétaire général. Le parti au pouvoir à Paris est en effet l’un des principaux promoteurs de la loi du 23 février 2005 évoquant le "rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord". À l’époque, l’adoption de ce texte par l’Assemblée nationale française avait provoqué une levée de boucliers en Algérie, à peine tempérée par son abrogation, en janvier 2006. Les Algériens continuent de réclamer de l’ancien colonisateur un acte de repentance pour les crimes commis en 130 ans d’occupation. Tenter de convaincre les partenaires algériens de la volonté française de tourner définitivement la douloureuse page du passé et de fonder un nouveau partenariat, telle était donc la mission de Douste-Blazy. Dans le contexte, il s’agissait sans doute d’une mission impossible.

L’audience que lui a accordée, lundi 10 avril, Abdelaziz Bouteflika n’a fait que confirmer les appréhensions françaises. Autant le chef de l’État peut se montrer chaleureux quand il accueille des hôtes de marque au palais d’El-Mouradia, autant il s’est, cette fois, montré réservé. Deux heures et demie durant, il n’a pas cherché à éluder les sujets qui fâchent. Au-delà même de la loi controversée, ils sont nombreux : du problématique retour des harkis dans leur pays natal au nombre très insuffisant de visas accordés aux ressortissants algériens, en passant par l’alignement constant de la France sur les positions marocaines dans le conflit du Sahara occidental. Tout cela ne contribue évidemment pas à atténuer le caractère passionnel à l’excès des relations algéro-françaises. Si, aujourd’hui, les Français souhaitent vivement la mise en place d’un "partenariat d’exception" en vue de consolider leurs positions économiques en Algérie - ils en sont le premier fournisseur et le quatrième client -, leurs interlocuteurs semblent leur répondre : “Rien ne presse”


Le colonialisme isole ses promoteurs

La France n’est toujours pas guérie de l’idéologie coloniale et des défaites subies dans tous les pays qu’elle a colonisés. La loi du 23 février 2005 a été la plus claire démonstration de la persistance de cette nostalgie colonialiste. Mais la résistance opposée par l’Algérie, aujourd’hui comme hier, démontre que le colonialisme isole ses promoteurs alors même que le Maghreb, comme de nombreux pays d’Afrique, attendent de la France qu’elle rompe enfin avec cette idéologie d’un autre temps et dont les néfastes conséquences sont aujourd’hui connues.
Mais guérit-on si facilement de la certitude d’une prétendue supériorité d’une civilisation sur une autre lorsque, des siècles durant, on l’a tétée avec le lait de sa mère, apprise dans des récits aussi mensongers que légendaires, rabâchée dès les premiers manuels d’Histoire et Géographie, cimentée dans des Expositions coloniales et leurs zoos humains, tandis que drapeaux et façades proclamaient les vertus de la Liberté, de l’Égalité et de la Fraternité ?

Jean Saint-Marc


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