La lutte pour le respect des droits humains

20 ans après son adoption par l’ONU, la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE) est-elle appliquée ?

20 novembre 2009

Au cours du siècle dernier, les droits de l’enfant ont fait l’objet de plusieurs textes, dont les plus importants méritent d’être rappelés.
La première Déclaration des droits de l’enfant remonte au 26 septembre 1924. Intitulée "Déclaration de Genève", cette déclaration est l’œuvre de la Société des Nations (SDN), née en 1920.
En 1949, soit un quart de siècle plus tard, la Déclaration universelle des droits de l’Homme consacre à l’entant l’alinéa 2 de son article 25.
Le 20 novembre 1959, l’ONU estime que le problème des droits de l’enfant mérite d’être traité dans un document spécial et elle adopte une Déclaration des droits de l’enfant plus complète que celle de 1924.
Devant le peu d’empressement mis par la plupart des gouvernements à tenir compte des 10 principes énoncés dans la Déclaration de 1959, l’ONU adopte le 20 novembre 1989 la "Convention internationale des droits de l’enfant" (CIDE), comprenant 54 articles, complétés en 2000 par 2 protocoles facultatifs.
Estimant que « l’humanité se doit de donner à l’enfant le meilleur d’elle-même », tous les pays membres de l’ONU, exceptés les Etats-Unis et la Somalie, ont ratifié la CIDE, dont la célébration du 20ème anniversaire revêtira assurément une grande importance.
Nul doute que cette célébration sera l’occasion de souligner la nécessité de « la coopération internationale pour l’amélioration des conditions de vie des enfants de tous les pays ». C’est au demeurant le vœu formulé en juin dernier par les "Défenseurs des enfants" des pays du G8, lorsqu’ils ont adjuré les pays les plus riches du monde de venir « d’urgence » en aide aux millions d’enfants durement touchés à travers le monde par les effets de l’actuelle crise financière.

Des moyens insuffisants

Il n’entre pas dans mes propos de dresser un bilan de ce qui a été accompli au cours des 20 dernières années en matière de défense des droits des enfants. Je veux tout simplement indiquer les moyens mis en œuvre en vue d’une application effective du texte international du 20 novembre 1989 et attirer l’attention sur la lenteur des progrès enregistrés, en raison notamment de l’attitude des dirigeants des pays concernés.
Précisons d’abord qu’au sens de la CIDE, "un enfant" s’entend de tout être humain âgé de moins de 18 ans.
Autre précision : chaque pays signataire de la CIDE est tenu de remettre tous les quatre ans un rapport au "Comité des droits de l’enfant" de l’ONU. Un tel rapport, écrit ou verbal, est présenté par le "Défenseur des enfants", une institution indépendante à l’égard des pouvoirs publics, qui œuvre généralement avec l’aide de diverses associations, dont le Fonds d’urgence des Nations unies pour l’enfance (l’UNICEF) et la Ligue des droits de l’Homme (LDH).

Beaucoup reste à faire

Il est évident — comme cela a été souligné plus haut — que le respect des droits de l’enfant, de tous les enfants du monde, exige une forte solidarité internationale, un partage plus équitable des richesses de la planète et l’engagement de tous les gouvernements d’apporter leur contribution afin de faciliter l’application de textes signés par eux.
On est hélas fondé à penser que la convention du 20 novembre 1989 a beaucoup de mal à s’imposer lorsque l’on sait que :

- toutes les 6 secondes, un enfant meurt de faim aujourd’hui dans un monde qui compte plus d’un milliard d’affamés ;

- 93 millions d’enfants ne sont pas scolarisés en 2009 ;

- le nombre d’enfants victimes de brutalités, parfois très graves, se situe dans une fourchette de 500 millions à 1 milliard dans le monde ;

- les "enfants de la rue", qui sont privés de logement, de nourriture, de soins médicaux, d’éducation…, se chiffrent aujourd’hui à 100 millions dans le monde ;

- près d’un million d’enfants sont victimes de l’exploitation sexuelle à des fins commerciales ;

- 300.000 enfants, dont certains ont moins de 10 ans, sont utilisés comme soldats ;

- en 2004, le nombre d’enfants ayant un statut de travailleurs s’élevait à 218 millions.

À toutes ces formes de maltraitances, dont sont victimes des enfants qui ont pourtant droit « à une aide et à une assistance spéciales », en application de la Convention de 1989, il faut ajouter notamment les mutilations génitales de dizaines de milliers de filles pratiquées dans certains pays et les dizaines de millions de naissances non enregistrées dans d’autres pays, ainsi que les mariages forcés d’enfants gravement préjudiciables à leur santé.
On le voit, beaucoup reste à faire, surtout dans des pays d’Afrique, d’Asie, d’Amérique du Sud, pour que la Convention du 20 novembre 1989 soit respectée.

La France critiquée par l’UNICEF

Mais il me faut signaler qu’en France, pays des droits de l’Homme, l’application du texte dont nous célébrons aujourd’hui le 20ème anniversaire n’est pas considéré comme une priorité par le gouvernement. Il suffit, pour s’en convaincre, de prendre connaissance du bilan dressé par l’UNICEF — dont la mission est de défendre le droit des enfants — à l’occasion des 20 ans de la CIDE. « La France, y est-il écrit, n’est pas à l’abri des maux qui peuvent toucher les enfants des pays industrialisés : pauvreté (qui frappe 2 millions de petits Français), précarité, maltraitance, difficultés d’accès aux services de santé, difficultés de scolarisation des enfants handicapés ou voyageurs, etc… ».
Il n’est pas inutile de rappeler que lors de la "Journée du Refus de l’Échec Scolaire", instituée l’an dernier, l’UNICEF avait déploré qu’en France 150.000 jeunes, dont 30.000 analphabètes, quittent l’école chaque année, sans diplôme et vont en conséquence grossir l’armée des chômeurs. Il est évident que la casse des services publics (entreprise en France ces toutes dernières années) ne peut que se répercuter fâcheusement sur les conditions de vie des enfants.

Une institution réduite au silence

Dans ces conditions il n’y a pas lieu de s’étonner que dans son rapport du 22 juin 2009 relatif à l’état des droits des enfants en France, le "Comité des droits de l’enfant"de l’ONU ait éprouvé le besoin de demander au gouvernement français de « renforcer le rôle du Défenseur des enfants ». Une telle défense a, semble-t-il irrité le président de la République française.
Le fait est que le Conseil des ministres du 9 septembre 2009 a décidé la suppression de l’institution le "Défenseur des enfants", créée en France par la loi du 6 mars 2000. Son remplacement par un "Défenseur des droits" généraliste est prévu.
Le poste de "Défenseur des enfants" était occupé depuis le 29 juin 2006 par l’ancienne conseillère d’État, Dominique Versini, dont le mandat devait prendre fin en 2012. Le Gouvernement a ainsi exprimé sa volonté de réduire au silence une institution indépendante et de se débarraser d’une défenseure des enfants, dont un certain nombre de positions relatives aux droits fondamentaux des enfants ont manifestement déplu aux dirigeants de l’État.
Est-il besoin de s’étonner que le poste de Dominique Versini ait été supprimé sans que celle-ci ait eu la possibilité de se faire entendre et que la mesure arbitraire qui la frappe a soulevé une vague de protestations et d’indignations qui ne paraît pas susceptible de faire reculer le Gouvernement ?
Voilà en tous cas un fait qui ne manquera pas de jeter le doute sur la sincérité de toutes les proclamations faites au plus haut niveau de l’État dans le cadre de la célébration du 20ème anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant.

Eugène Rousse


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