23 août : Journée Internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition

23 août 2007

La Journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition est célébrée le 23 août de chaque année. C’est dans la nuit du 22 au 23 août 1791 qu’a commencé à Saint-Domingue (aujourd’hui Haïti et République dominicaine) l’insurrection qui devait jouer un rôle déterminant dans l’abolition de la traite négrière transatlantique.

La Journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition lancée par l’UNESCO vise à inscrire la tragédie de la traite dans la mémoire de tous les peuples. Conformément aux objectifs du projet interculturel "La Route de l’esclave", elle doit offrir l’occasion d’une réflexion commune sur les causes historiques, les modalités et les conséquences de cette tragédie, ainsi que d’une analyse des interactions qu’elle a générées entre l’Afrique, l’Europe, les Amériques et les Caraïbes.

La traite négrière

Si la notion d’un "devoir de mémoire" s’est largement développée au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, la tragédie de la traite négrière et de l’esclavage n’est entrée que récemment dans le débat, soulevant des problèmes éthiques et sociopolitiques spécifiques dans les sociétés concernées. Le projet de “La Route de l’esclave” promeut la compréhension mutuelle entre les peuples en créant une dynamique pour aider à développer de nouvelles formes de citoyenneté, le respect pour la diversité culturelle, un dialogue interculturel et la lutte contre les préjugés et le racisme.

La Route de l’esclave

C’est sur proposition de Haïti et des pays africains que la Conférence générale de l’UNESCO a approuvé lors de sa 27ème session, en 1993, la mise en œuvre du projet "La Route de l’esclave".
Si le concept de "route" exprime la dynamique du mouvement des peuples, des civilisations et des cultures, celui "d’esclave" s’adresse non pas au phénomène universel de l’esclavage mais, de manière précise et explicite, à la traite négrière transatlantique, dans l’Océan Indien et en Méditerranée.
Le projet "La Route de l’esclave" a un triple objectif :

- briser le silence en faisant connaître universellement la question de la traite négrière transatlantique et de l’esclavage, dans l’Océan Indien et en Méditerranée, ses causes profondes, les faits historiques et les modalités d’exécution par des travaux scientifiques.

- mettre en lumière, de manière objective, ses conséquences, et notamment les interactions entre tous les peuples concernés d’Europe, d’Afrique, des Amériques et des Caraïbe.

- enfin, contribuer à l’instauration d’une culture de la tolérance et de coexistence pacifique des peuples.

Traite dans l’Océan Indien

Les sociétés indocéaniques (réunionnaise, malgache, mauricienne, comorienne, seychelloise...) se sont formées, en différentes périodes, par les migrations de populations originaires d’Asie, d’Afrique et d’Europe et par la traite esclavagiste depuis l’Antiquité.
Avant même la colonisation, le système de l’esclavage est présent dans les îles de l’Océan Indien, notamment à Madagascar et aux îles Comores où sont acheminés des esclaves par les commerçants arabes ou swahilis de la côte Est de l’Afrique.
Aux 17ème et 18ème siècles, l’arrivée des Européens dans l’Océan Indien est à l’origine d’une traite intensive avec pour conséquence le peuplement et l’exploitation des îles inhabitées des Mascareignes. Le système de l’esclavage fait naître une société nouvelle, coupée de ses racines. Une culture originale se développe et se transmet oralement pendant toute la période de l’esclavage, car l’accès à l’écrit est interdit aux esclaves jusqu’aux abolitions. La suppression de l’esclavage ne met pas fin aux discriminations sociales, le système servile se prolongeant par des formes d’asservissement dérivées connues sous les termes d’engagisme, de "coolie trade", de colonat partiaire.

Tradition orale

Le programme de recherche UNESCO concernant l’identification et le recensement de la mémoire orale dans les îles du Sud-Ouest de l’Océan Indien, dans le cadre du projet de “La Route de l’esclave”, a mis en évidence la nécessité de sauvegarder le patrimoine oral des îles ayant connu la traite négrière, l’engagisme et l’esclavage.
Dans ce contexte, le programme d’identification de la mémoire orale de l’UNESCO a contribué à susciter l’intérêt des populations concernées à prendre en compte l’importance de conserver leur mémoire orale. L’Université de Maurice, le Centre Nelson Mandela, l’Institut national d’éducation aux Seychelles, l’Abro à Rodrigues, le CNDRS (Centre National de Documentation et de Recherches) à Moroni aux Comores ont lancé des programmes de collectes des données à la fin de l’année 2001 et au début de 2002, ainsi qu’une formation sur le terrain. Les documents sont numérisés et conservés dans les institutions nationales des îles concernées et sont accessibles au grand public.

Inventaire des lieux et sites de mémoire dans l’Océan Indien

Dans la région de l’Océan Indien, qui regroupe La Réunion, les Comores, Maurice et Rodrigues, les Seychelles et Madagascar, les avancées obtenues pour le programme de collecte de la tradition orale, réalisé sur 3 ans par les Etats membres, en coopération avec l’UNESCO, permettent désormais d’envisager un inventaire exhaustif des sites et lieux de mémoire relatifs à la traite négrière. Étant donnée la spécificité de la région - une traite négrière millénaire se poursuivant au-delà des abolitions sous couvert d’engagisme, concernant non seulement le continent africain mais également le sous-continent indien et l’Asie, ainsi que les lieux liés au marronnage -, les apports de la collecte déjà réalisée sur la tradition orale devraient faciliter la mise en œuvre du programme d’inventaire des sites et lieux de mémoire concernant toutes les communautés concernées.
Certaines des îles ont déjà effectué un recensement et une mise en valeur des sites et lieux de mémoire, comme La Réunion, Maurice et les Seychelles par exemple. Pendant le Biennium 2006-2007, le projet se focalisera donc tout d’abord sur Madagascar et les Comores, qui n’ont pas établi un inventaire exhaustif de leurs sites et lieux de mémoire.
Ce projet sera développé dans le cadre et avec la coordination de la Chaire UNESCO, après constitution d’un comité scientifique régional bénéficiant du support et de l’assistance des autorités locales ainsi que des institutions scientifiques et universitaires régionales.

Archéologie sub-aquatique
Le projet “L’Utile... 1761, Esclaves oubliés” comporte un volet de recherche en archéologie sub-aquatique sur un navire négrier qui a fait naufrage sur l’île de Tromelin, où la cargaison d’esclaves en provenance de Madagascar fut abandonnée.

Nouvelles formes d’esclavage

Le trafic d’êtres humains est généralement défini comme « le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation ». (Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants).

Si ce commerce ne nécessite pas de bateaux négriers, ni de chaînes et de boulets, le fond du problème demeure : il s’agit de la violation des droits de l’Homme et de la dignité humaine tels qu’énoncés notamment dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948. Selon l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), des millions de personnes, en majorité des femmes et des enfants, seraient concernés, et ce phénomène touche tous les pays.

Le silence se brise, également, au sujet des formes de servitude actuelles qui concernent un nombre d’adultes et d’enfants exceptionnellement élevé, jusqu’alors inédit. Les deux phénomènes appellent toutefois une mise en perspective historique. L’esclavage contre lequel résistèrent ses victimes elles-mêmes en Afrique et aux Amériques du 16ème au 19ème siècle, celui qui motiva les premiers abolitionnistes occidentaux, était un système complet, massif et légal de déshumanisation, inscrit dans la longue durée. Les servitudes contemporaines, le travail forcé auxquels sont aujourd’hui soumis 250 à 300 millions d’enfants et environ 20 millions d’adultes sont des réalités sensiblement différentes, correspondant à des intérêts économiques qui défient jusqu’à présent tout interdit et toute résolution internationale.


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