La lutte contre le changement climatique doit être aussi un combat contre la pauvreté

5 morts à Mayotte à cause de la pauvreté

12 janvier 2018, par Manuel Marchal

Une maison a été ensevelie par une coulée de boue dans la nuit de mercredi à jeudi à Mayotte. C’est la conséquence de la pauvreté qui obligeait ces personnes à s’entasser dans un bidonville dans un quartier où un glissement de terrain avait déjà tué un enfant voici 12 mois. Ce drame rappelle que ce sont les pauvres qui sont en première ligne face aux phénomènes météo extrêmes favorisés par le changement climatique. Cela concerne aussi La Réunion.

Image Mayotte Première.

À Mayotte, un drame causé par les fortes pluies a décimé une famille. Une femme et quatre de ses enfants ont perdu la vie à cause d’un glissement de terrain qui s’est abattu sur leur maison à Koungou. Seule une fille a pu être sauvée.

Cette famille vivait dans un bidonville car elle n’avait pas les moyens financiers de vivre ailleurs. Un an avant, le 11 janvier 2017, un enfant était également décédé dans des circonstances similaires, c’était dans la même ville. À Mayotte, les bidonvilles sont en expansion. C’est une conséquence de la croissance démographique et de la grande pauvreté dans cette île qui a été intégrée depuis 2011 par Paris à la République en tant que département.

Inégalités et grande pauvreté

Mayotte compte officiellement aujourd’hui plus de 200.000 habitants. Elle en avait 50.000 en 1975 quand le gouvernement français a pris la responsabilité de ne pas respecter le résultat du référendum d’autodétermination du Territoire d’Outre-mer des Comores. Ce choix n’a pas été pleinement assumé par ceux qui l’ont fait et leurs successeurs.

En effet, Mayotte est un territoire où les inégalités explosent. Grâce aux transferts publics, une partie de la population a des revenus plus importants qu’en France à salaire égal. Elle peut donc se payer la vie chère. Mais pour la plus grande partie de la population, c’est la précarité, l’absence de travail durable et le refus de l’égalité sociale. En effet, bien que Mayotte ait le statut de département, ses habitants n’ont pas les mêmes droits qu’en France ou à La Réunion. C’est le cas des prestations sociales. Le RSA est égal à la moitié du droit commun, tandis que les habitants de Mayotte sont discriminés sur le plan des allocations familiales. À cela s’ajoute le retard pris par la France dans la réalisation des équipements nécessaires pour la population. Il manque en effet des logements adaptés aux capacités contributives de la population. Cela explique pourquoi nombreuses sont les familles à vivre dans des bidonvilles, qui plus est dans des zones à risque. C’est aussi une des causes des émeutes qui sont survenues ces dernières années et qui a fait de Mayotte un territoire que des centaines de fonctionnaires ont demandé à quitter.

Autrement dit, le drame qui a endeuillé Mayotte n’est pas une catastrophe naturelle, mais la conséquence d’une politique qui produit de la pauvreté et des bidonvilles.

Situation toujours plus grave

Les perspectives démographiques de l’ONU n’annonce pas de répit. En 2050 Mayotte comptera plus de 400.000 habitants, et 700.000 à la fin du siècle, sur une superficie 6 fois inférieure à La Réunion. Autant dire que si le problème de la pauvreté n’est pas réglé, de telles drames se reproduiront avec des conséquences toujours plus graves. Les effets du changement climatique vont en effet s’accentuer, or ils favorisent les phénomènes météo extrêmes qui frappent sans prévenir.

Cette croissance démographique concerne aussi La Réunion. En effet, en décidant de faire de Mayotte un département français, Paris a donc décidé que la seule île de l’océan Indien dont les habitants peuvent venir sans visa ni aucune contrainte est Mayotte. La Réunion est pour les Mahorais le département le plus proche. Rien n’empêche l’arrivée dans notre île de dizaines de milliers de l’habitants de l’île hippocampe. Ils peuvent avoir accès à La Réunion aux droits que la France leur refuse dans leur territoire, et peuvent imaginer échapper à une situation sociale explosive.

Si les bidonvilles ont reculé à La Réunion, la pauvreté et le manque de logement sont toujours là. Cela oblige aussi des familles à vivre dans des habitats insalubres. Comme ces maisons ne sont pas assurées, ces familles peuvent perdre tous leurs biens en cas de fortes pluies.

La Réunion concernée

La semaine dernière, notre île a été sous l’influence d’une tempête tropicale devenue cyclone quand elle s’est abattue sur Madagascar. Dans la Grande île, elle a fait au moins 29 morts, et plus de 80.000 sinistrés. À La Réunion, elle a entraîné la fermeture depuis mardi de la route du littoral. Mais il n’y a pas besoin qu’un système dépressionnaire soit baptisé pour faire des dégâts. De fortes pluies peuvent brutalement s’abattre sur un secteur très localisé. C’est ce qui s’est passé par exemple hier au Tampon. Un communiqué de la Mairie diffusé hier soir précisait que « depuis quelques heures le Tampon subit de très fortes pluies. De nombreux habitants sont confrontés à de grandes difficultés dues aux dégâts et aux dangers de l’eau. Des maisons ont été inondées, notamment au Petit Tampon. Grâce à la solidarité familiale, les personnes ont pu être hébergées. » Cela amené le maire du Tampon a mis en place un dispositif d’urgence, avec notamment l’ouverture de centres d’hébergement.

Tout comme Mayotte, notre île se situe géographiquement sous les Tropiques. Elle peut donc connaître des épisodes climatiques extrêmes. La Réunion connaît aussi une grande précarité, puisque plus de 40 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. De plus, un Réunionnais sur trois vit dans une zone à risque. Le drame qui vient de toucher Mayotte s’est déjà produit à La Réunion, avec des familles ensevelies sous leur maison à la suite d’un glissement de terrain. C’étaient des familles pauvres qui vivaient dans des zones à risque faute de mieux

Avec la croissance de la population à La Réunion, les fortes pluies feront toujours plus de dégâts. Les plus vulnérables sont les pauvres. Cela rappelle que la lutte contre le changement climatique doit se mener en même temps que le combat contre la pauvreté. C’est une question de sécurité publique.

M.M.

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