Hommage à Stéphane Hessel

Alice Pélerin : « 
Ayez pitié de moi

 »

26 mars 2013

Après diverses allocutions prononcées lors de la cérémonie du 15 mars dernier à Saint-Denis en hommage à Stéphane Hessel et publiées la semaine dernière dans ’Témoignages’, nous publions aujourd’hui le texte d’un poème lu par la Docteure Alice Pélerin, au nom des Amis de l’Afrique.
Il s’agit d’un poème de Guy Apollinaire, intitulé ’La jolie rousse’. Cet écrivain, né en 1880 à Rome et mort pour la France en 1918 à Paris, est considéré comme un des plus grands poètes français du début du 20ème siècle. Dans ce poème, écrit à la fin de sa vie, alors qu’il a été grièvement blessé pendant la Première Guerre mondiale, Guy Apollinaire prône notamment la paix, l’amour et la solidarité…

Me voici devant tous un homme plein de sens


Connaissant la vie et de la mort ce qu’un vivant peut connaître


Ayant éprouvé les douleurs et les joies de l’amour

Ayant su quelquefois imposer ses idées


Connaissant plusieurs langages


Ayant pas mal voyagé


Ayant vu la guerre dans l’Artillerie et l’Infanterie


Blessé à la tête trépané sous le chloroforme


Ayant perdu ses meilleurs amis dans l’effroyable lutte


Je sais d’ancien et de nouveau

Autant qu’un homme seul pourrait des deux savoir


Et sans m’inquiéter aujourd’hui de cette guerre


Entre nous et pour nous mes amis


Je juge cette longue querelle de la tradition et de l’invention


De l’Ordre de l’Aventure


Vous dont la bouche est faite à l’image de celle de Dieu
 Bouche qui est l’ordre même


Soyez indulgents quand vous nous comparez


À ceux qui furent la perfection de l’ordre


Nous qui quêtons partout l’aventure


Nous ne sommes pas vos ennemis


Nous voulons nous donner de vastes et d’étranges domaines


Où le mystère en fleurs s’offre à qui veut le cueillir


Il y a là des feux nouveaux des couleurs jamais vues


Mille phantasmes impondérables


Auxquels il faut donner de la réalité

Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait


Il y a aussi le temps qu’on peut chasser ou faire revenir


Pitié pour nous qui combattons toujours aux frontières


De l’illimité et de l’avenir


Pitié pour nos erreurs pitié pour nos péchés


Voici que vient l’été la saison violente


Et ma jeunesse est morte ainsi que le printemps


O Soleil c’est le temps de la raison ardente


Et j’attends


Pour la suivre toujours la forme noble et douce


Qu’elle prend afin que je l’aime seulement


Elle vient et m’attire ainsi qu’un fer l’aimant


Elle a l’aspect charmant


D’une adorable rousse


Ses cheveux sont d’or on dirait


Un bel éclair qui durerait


Ou ces flammes qui se pavanent


Dans les roses-thé qui se fanent


Mais riez de moi


Hommes de partout surtout gens d’ici


Car il y a tant de choses que je n’ose vous dire


Tant de choses que vous ne me laisseriez pas dire


Ayez pitié de moi




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