Après la remise en cause du droit du sol dans l’Outre-mer

’Appel à l’insurrection des consciences’

19 septembre 2005

Dans un communiqué, la Ligue des droits de l’Homme de La Réunion dénonce les propos tenus par le ministre de l’Outre-mer. Les intertitres sont de “Témoignages”.

"Des hommes, des femmes, des enfants, sont, aujourd’hui, pourchassés, traqués, empêchés de vivre parce qu’ils ne détiennent pas les quelques grammes de papiers qui sont le sésame de leur dignité.
Ce sont les sans-papiers, venus des anciennes colonies françaises ou d’ailleurs. Ils illustrent les dérèglements du monde, les injustices qui mobilisent la charité ou les dictatures qui provoquent notre effroi. Ils sont venus, souvent au péril de leur vie, parfois la proie de réseaux mafieux qui prospèrent grâce à la fermeture de nos frontières. Ils n’ont commis aucun crime, sauf à considérer que vouloir vivre à toute force et construire un avenir meilleur pour ces enfants n’est pas le droit de chaque membre de la famille humaine.
Après avoir modifié la loi de la pire manière qui soit, le gouvernement aggrave les mesures prises contre les étrangers, les transformant en gibier d’une chasse indigne et, pire encore, en boucs émissaires des maux de la société française. À l’arbitraire de la loi s’ajoute l’arbitraire des pratiques quotidiennes de ceux et de celles à qui l’on a enseigné, pendant des décennies, qu’un étranger est avant tout un fraudeur, tout simplement parce qu’étranger. Les drames deviennent Amendements quotidiens tandis que, de toute part, enflent les réflexes xénophobes. Enfants arrêtés en classe, utilisés comme appâts pour arrêter les parents, ou confiés aux services sociaux sous les yeux de leurs parents. Impossibilité de se nourrir, de se soigner, de se loger autrement qu’entre caves et murs suintant la misère, parfois au péril de sa vie. Contraint à être exploités par des employeurs négriers, tout simplement avoir la peur au ventre lors de chaque mouvement, la rue devenant un espace d’insécurité légale.

Où sont la France que nous aimons, l’Europe que nous voulons ?

Cela, c’est la vie quotidienne de dizaines ou de centaines de milliers de personnes sur le territoire national et dans les DOM-TOM. Toutes les déclarations martiales n’empêcheront pas cette réalité de subsister, voire de croître. De proche en proche, ce sont les étrangers en situation régulière qui sont victimes du même ostracisme, marqué aux sceaux des pires représentations, terrorisme et délinquance. Puis ce sont ceux et celles qui, de nationalité française, ressemblent à ces étrangers a priori délinquants, et subissent les mêmes avanies, les mêmes violences policières. Enfin, ce sont tous les habitants de France qui sont fichés parce que, simplement, accueillant leurs parents ou leurs amis. S’aimer est soumis à autorisations et à l’œil inquisiteur des autorités.
Ces mesures, cette politique créent le désespoir et attisent la haine. Elle s’empare de tous, y compris de ceux qui, par leur histoire ou leurs principes, devraient y être opposés. Elle est indigne des principes qui fondent une démocratie, elle est tout le contraire de la France que nous aimons et de l’Europe que nous voulons.
Nous savons que tout n’est pas simple et que nul ne détient de solutions magiques, mais nous savons aussi que ce n’est pas en agitant les vents mauvais de la xénophobie que nous répondrons à l’irrépressible envie de vivre de ces personnes.

Une nouvelle loi qui fera de nos régions et territoires "un laboratoire de la honte"

Aujourd’hui, François Baroin vient, dans une interview que publie ce samedi “Le Figaro Magazine”, de prendre position sur l’immigration dans les collectivités outremer où il remet en cause le droit du sol.
Un enfant né de parents étrangers dans les DOM-TOM aura des chances plus que réduites désormais d’acquérir la nationalité française.
De plus, le ministre prévoit entre autres à La Réunion, en Guadeloupe, en Martinique de "supprimer le caractère suspensif des recours formés contre un arrêté de reconduite à la frontière".
Enfin, il en appelle au zèle des préfets et autres fonctionnaires en charge de ces problèmes, en envisageant de récompenser ceux qui se montreront les plus sécuritaires.
Des mesures qui ne s’appliqueront qu’en Outremer, ramenées sans doute au rang de spécificités. Faire de nos régions et territoires un véritable laboratoire de la honte et de l’organisation matérielle des thèses des partisans d’extrême droite, n’honorent ni ceux qui l’instituent ni ceux qui, également, le soutiennent. C’est en outre extrêmement décevant de la part de quelqu’un à qui on aurait pu, par ailleurs, accorder des valeurs et un héritage humaniste.
Contre cette atteinte caractérisée au principe de l’égalité d’une part et d’autre part à l’un des fondements même de la République, tout démocrate ne peut qu’en appeler à “l’insurrection des consciences”."

La Ligue des Droits de L’Homme de La Réunion.


D’autres réactions

Remise en question du droit du sol Outre mer

Un tollé de protestations

Les déclarations du ministre de l’Outre-mer, François Baroin, envisageant une évolution du droit du sol pour certaines collectivités d’Outre-mer ont déclenché un flot de protestations ici même à La Réunion et au niveau national.

o "En évoquant la remise en cause du Code de la nationalité", le ministre "ouvre un débat dangereux pour l’avenir de la République", a dénoncé samedi Malek Boutih, secrétaire national du PS en charge des questions de société.
Cette proposition, qui "sera la porte d’entrée d’une remise en cause du droit du sol partout en France, visant clairement les étrangers et leurs enfants", est "d’autant plus scandaleuse qu’elle s’inscrit dans une surenchère de propos anti-immigrés", à l’heure où approchent les échéances électorales, s’insurge-t-il dans un communiqué.
o François Baroin "réédite sa provocation", estime SOS-Racisme dans un communiqué, estimant qu’il s’agit "bien d’une volonté politiquement assumée de légiférer sur le sujet". Dominique Sopo, son président, estime que "les Antillais semblent ici servir de cobayes à une opération de plus grande envergure", jugeant les propos du ministre "proprement hallucinants" : "de qui se moque-t-on en prétendant vouloir remettre en cause le droit du sol à des fins de lutte contre l’immigration clandestine dans les DOM-TOM ?".
o Pour les Verts : "Le gouvernement, par la voix de son ministre de l’Outre-mer, semble vouloir recycler les idées frontistes".
"Après avoir durci les conditions d’entrée et de séjour et le droit d’asile, supprimé l’accès des étrangers à l’aide médicale d’État et accentué une politique d’expulsion massive en rendant les procédures de régularisation plus difficiles encore, le gouvernement s’apprête à revenir sur le droit du sol, héritage révolutionnaire". Les Verts voient en cette "véritable provocation" du ministre "une remise en cause de l’unité républicaine et de l’égalité des citoyens devant la loi". (Communiqué, le 17 septembre)
o Christiane Taubira
, députée PRG de Guyane : a "regretté que pour toute innovation (M. Baroin) approfondisse le statut d’exception de l’Outre-mer au regard de l’État de droit".
"Une sur la mobilisation des moyens de l’État pour faire la chasse à l’homme, reconnaissable au faciès et à la pauvreté, ne fera pas baisser le chômage, n’augmentera pas les places manquantes dans les établissements scolaires, ne redonnera pas espoir à une jeunesse privée de perspectives, ne résoudra pas les problèmes de santé publique, ne stimulera pas les économies abandonnées à la spéculation ou à des concurrences déloyales"
. (Communiqué, le 17 septembre)


L’Association Initiatives Dionysiennes présente :

“État de guerre”

Un film documentaire de Béatrice Pignède et Francesco Condemi. Durée : 1h30. Sommes-nous entrés dans une période comparable à celle qui a précédé les 2 guerres mondiales ?

Un premier coup d’œil sur les images de foules abruties par la propagande, en 1914, 1939 ou aujourd’hui n’est guère flatteur. Et, à nouveau, les Balkans ont mis le feu aux poudres. L’historienne Annie Lacroix-Riz le confirme : à chaque fois qu’il y a remise en cause du statu quo issu de la précédente guerre, en particulier dans la zone très disputée d’Europe de l’Est, une autre déflagration mondiale est à nouveau possible. Certes, des données fondamentales ont changé, comme le projet d’hégémonie planétaire des États-Unis (demeurés seule superpuissance après l’effondrement de l’Union soviétique) nous rappelle le journaliste Stanko Cerovic, qui s’inquiète de la démesure inscrite dans la politique occidentale depuis la fin de la Guerre Froide. Tous les empires se sont effondrés par les méfaits de leurs guerres, renchérit le Général Gallois, et les États-Unis - qui se sont récemment lancés dans des expéditions coloniales telles l’Afghanistan ou l’Irak - dressent contre eux la majorité des populations. Toute la difficulté des chancelleries, à l’heure actuelle, est de constituer des alliances pour que les États-Unis déclinent avant d’avoir pu passer à l’acte, nous détaille le journaliste écrivain Thierry Meyssan, en nous citant par exemple le projet des pays pétroliers de retourner à l’étalon-or ou de convertir une partie des marchés en euros. Mais sommes-nous impuissants face à ce risque de 3ème guerre mondiale ?
Venez en débattre avec nous,
Jeudi 22 septembre 2005 à 18 heures (précises)
Lieu : Bar/Restaurant - Chez Francky - 13 rue de la Compagnie Saint-Denis.


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus