Michel Tubiana, président national de la Ligue des Droits de l’Homme

’Au propre comme au figuré, l’île vit sur un volcan’

24 février 2005

Durant un peu moins d’une semaine, Michel Tubiana, président national de la Ligue des Droits de l’Homme a découvert notre île en multipliant les rencontres. Il présentait hier une synthèse de son séjour en faisant partager ses inquiétudes sur la situation pénitentiaire, sur notre vivre ensemble et sur l’inégalité entre homme et femme.

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Michel Tubiana, président national de la Ligue des Droits de l’Homme (LDH) était dans notre île depuis jeudi dernier. La Réunion était le seul DOM qu’il ne connaissait pas et il confie avoir été confronté lors de son séjour à un ensemble de problèmes socio-économiques propres à notre département, particulièrement celui du chômage et de l’illettrisme qui lui font dire que "au propre comme au figuré, l’île vit sur un volcan car cette fracture sociale ne peut pas rester sans conséquence".

Situation pénitentiaire désastreuse

Un des principaux points noirs qu’il relève est celui de la situation des établissements pénitentiaires. Il a également fait part de ses inquiétudes en ce qui concerne l’ostracisme. La xénophobie qui frappe les Comoriens et les Mahorais est un sentiment qu’il ne faut pas laisser se développer ; il appelle à plus de coopération pour un combat anti-racisme. D’un autre côté, il a été agréablement surpris par sa rencontre avec le groupe de dialogue interreligieux et invite toute La Réunion à poursuivre la voie du vivre ensemble qui nous caractérise.
Pour lui : "le racisme dépasse le débat sur l’immigration. Les Mahorais ne sont pas clandestins à La Réunion. Il ne faut pas flatter le phantasme d’invasion".

Vivre ensemble

Le président national de la Ligue des Droits de l’Homme a été amené à constater "les conséquences désastreuses de la loi Sarkozy sur la fermeture des frontières, notamment auprès des étudiants étrangers qui pour obtenir leur titre de séjour doivent justifier de disposer de 800 euros par mois. Ces mesures limitent singulièrement la coopération et les étudiants finissent par aller ailleurs, aux États-Unis mais aussi en Arabie, en Égypte pour suivre d’autres types de formation, parfois religieuses. Tout cela ne participe pas au rayonnement de la France ni à la promotion des universités francophones. La même question se pose pour les sportifs, les hommes d’affaires... C’est une conséquence directe de la politique gouvernementale, un véritable boulet pour l’image de la France".
Le président de LDH-Réunion, Canda Sawmy Pillay parle dans le même sens : "Ce n’est pas parce qu’on a une petite bouche qu’on ne peut pas crier fort." Il précise que la ligue s’est associée aux négociations avec la préfecture, qu’elle est auprès des familles, qu’elle participe à la coordination réunionnaise contre le racisme, surtout auprès des plus jeunes.

Préserver l’universalisme

Au niveau national, Michel Tubiana déplore "l’instauration d’un détestable climat de bêtise à l’état pur et d’une concurrence des victimes qui est une forme d’enfermement communautaire". On ne peut pas, par exemple, confondre lutte contre l’antisémitisme et défense acharnée du gouvernement israélien. De même, on ne peut pas estimer qu’on parle trop de la Shoah et pas assez de l’esclavage. "La déficience d’enseignement du système éducatif français est patente, scandaleuse et a des conséquences dangereuses. Les noirs réclament pour les noirs, les juifs pour les juifs, ce n’est pas ça l’universalité de la république. C’est la fin de l’universalisme. On ne lutte pas ainsi contre le racisme."
Canda Sawmy Pillay note que "La Réunion a souffert d’une politique d’assimilation post-coloniale où il n’y avait pas d’expression libre des cultures et où les religions ont été mal vécues", mais il condamne toute dérive communautaire.

Inégalité homme-femme

Le président national de la Ligue des Droits de l’Homme a également rencontré les mouvements des femmes : "l’évolution sociale passe par l’égalité homme-femme. Or il y a une vraie inégalité, le taux de violences sexuelles et familiales le montre. On se heurte à une grande insuffisance de moyens, il faut aller au-delà. La ligue se fera un devoir de mettre en œuvre les nouvelles lois contre la discrimination sexuelle. Il est inquiétant de constater que 40% des détenus le sont pour des délits sexuels commis en majorité sur les mineures. Il y a de très gros efforts à faire, on ne peut pas se contenter de sanctionner. En dehors des traitements psychiatriques, il faut agir pour changer la vision que les gamins ont des femmes, mais il faut aussi améliorer la situation socio-économique. Il y a pour ces violences des raisons matérielles et de civilisations, il faut remettre au premier plan la responsabilité individuelle par une politique lourde de prise de conscience. Il faut encore lutter contre les discriminations au travail, à l’embauche, au niveau des salaires." Michel Tubiana s’en va ce soir en regrettant de ne pas pouvoir assister au Forum social local, reporté à ce week-end en raison du mauvais temps.

Eiffel


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