Féminisation des noms de plusieurs rues à Saint-Denis

Aux hommes la reconnaissance éternelle, aux femmes les fleurs qui fanent...

9 mars 2013

Notre société grave dans le marbre les noms des hommes et leurs actions. On attribuera plus facilement aux rues et bâtiments le nom d’un homme, afin qu’il ne soit jamais oublié. La femme, elle, devra accomplir deux fois plus pour avoir les mêmes égards. C’est pour attirer l’attention sur ce type de fonctionnement qu’a été mené l’action de la CEVIF et de l’association « citoyennes main dans main » ce vendredi 8 mars, Journée internationale de la femme. Une action pour « éveiller les consciences ».

La rue Maréchal Leclerc renommée rue Françoise Mollard, militante culturelle, politique et sportive.

Le 8 mars est la Journée de la femme, on leur offre des fleurs, on organise des concerts, des espaces de convivialité..., c’est important, mais que restera-t-il de ces actions ? Pour marquer la journée internationale de la femme, les associations CEVIF et « citoyennes main dans la main » ont proposé de rebaptiser symboliquement les noms des rues de la ville de Saint-Denis. Une action citoyenne pour contribuer « à la construction d’une société plus paritaire où les hommes et les femmes soient distingué-e-s selon les mêmes critères ».

Une liste très éclectique de16 noms a donc été proposée pour l’occasion. Des femmes de La Réunion et du monde, de tout bord politique, reconnues pour leur lutte, leur militantisme en faveur de l’amélioration des conditions de vie, pour leur éclat dans la société, pour leur parcours exceptionnel ou tout simplement pour le fait d’avoir été une mère et d’avoir contribué au peuplement de notre île. Parmi la dizaine de noms proposés, il est intéressant de retrouver une forte proportion de militantes communistes.

De toutes les manifestations proposées, celle-là se voulait d’apporter un message politique fort : reconnaître aux femmes leur place dans la société. C’est selon les organisatrices c’est une « petite pierre de plus à la construction d’une société plus juste, plus équilibrée, et porteuse d’espérance » .

La mairie de Saint-Denis ainsi que les autres mairies ont là, l’occasion d’agir pour faire évoluer les mentalités en faveur des femmes. Il faut désormais officialiser l’action symbolique et en développer d’autres.

Julie Pontalba

Paul et Pierre Vergès ont collé la plaque rue Laurence Vergès, militante du PCR et de l’UFR, nouveau nom de la rue Pasteur.

La rue Jules Auber rebaptisée rue Denis Ramassamy, engagée dans le syndicalisme et les combats politiques.

Isnelle Amelin, ancienne dirigeante de l’UFR et militante communiste, donne son nom à la rue Mac-Auliffe.

Hommage à Anne Caze, une des premières habitantes de La Réunion, dans la rue Labourdonnais.

Thérèse Baillif, présidente du CEVIF (Collectif pour l’élimination des violences intrafamiliales) :

« Un rôle pédagogique »

Pour cette journée nous voulions mener une action concrète qui permette de changer les regards. Au-delà de l’acte symbolique et politique, donner aux rues des noms de femmes connues, a aussi un rôle pédagogique. En voyant le nom, on s’interroge on cherche à savoir qui était la personne.

On aurait aimé inscrire plus de noms, mais il faut un début, c’est un point de départ. Cela veut dire aussi qu’il y a encore beaucoup de femmes à valoriser. Il faut maintenant que les décideurs, qui ont entendu l’appel lancé par les femmes aujourd’hui, officialisent le projet et rebaptisent réellement les rues. Les deux élus de la mairie de Saint-Denis présents sur les lieux sont restés évasifs sur le sujet.

Faouzia Vitry, membre du conseil d’administration du CEVIF et présidente de l’association « citoyennes main dans la main ».

Multiplier les actions

Mme Vitry a remis à Paul Vergès la plaque symbolique de la rue Laurence Vergès qui devrait prendre la place de la rue Pasteur. Elle a rappelé le combat mené par Laurence en faveur des femmes de La Réunion. Elle a tenu à saluer son implication sans faille dans la lutte. C’est Mme Vitry qui a apporté l’idée de ce projet. Elle explique qu’il y en aura une action à chaque fois que l’occasion se présentera. Pour elle, il y a eu un long chemin parcouru depuis 1845, mais il reste encore beaucoup à faire. Des femmes qui ont marqué l’histoire il y en a eu, il y en a actuellement et il y en aura encore beaucoup, il faudra apprendre à reconnaître leur mérite.

Paul Vergès : «  La marque de l’action et du travail du PCR »

Que vous inspire le fait qu’il y ait autant de femmes communistes dans cette liste ?

• « Il y a les apparences, la com, mais la réalité s’impose toujours. Lorsqu’on décide de signaler le rôle des femmes dans la société, obligatoirement nos militantes en font partie. Et là, on a pris les plus anciennes. C’est capital de se dire qu’il y a sur cette liste des femmes qui ont été les fondatrices du PCR. Bien sûr, il y avait les hommes lors de la fondation du PCR, mais il y avait aussi les femmes. Il y avait les deux citées ici, Isnelle et Laurence, mais il y en avait d’autres encore.

C’est la marque de l’action et du travail du PCR. Il ne s’agit pas de faire de l’autosatisfaction, il faut reconnaître les déficits, mais c’est un point de départ. C’est un signe que, sur une liste de 10 ou 15 noms, il y est autant de nos militantes, elles ont marqué l’histoire de leur pays.

Il faut noter aussi l’humilité et la modestie de ces femmes. Aucune d’entre elle ne s’est fourvoyée dans des combines politiciennes pour obtenir des mandats, au contraire ».

Gélita Hoarau : «  Elles ont toujours lutté pour et avec les autres »

Que représente pour vous la journée de la femme ?

• La femme doit prendre conscience de sa force et de sa richesse. Au quotidien, elle doit gérer sa famille ainsi que tout ce qui touche à la maison, et de plus en plus elle doit aussi assumer une carrière professionnelle. Ni elles, ni les hommes n’ont conscience de cela.

La manifestation à laquelle nous participons aujourd’hui est symbolique, mais c’est dans toute La Réunion, dans toutes les mairies que l’on devrait réaliser ce type d’action.

Depuis le début de notre peuplement, les femmes ont refusé le joug de l’esclavagiste. Elles ont toujours lutté pour et avec les autres. Elles ont défendu des valeurs fondamentales. Il nous faut rendre hommage à leur combat et le poursuivre. Que cette initiative se concrétise et que d’autres actions soient menées notamment pour éduquer nos filles et nos garçons à plus de solidarité, de fraternité et de courage.

C’est tous les jours que nous devons travailler pour que les femmes soient traitées sur le même pied d’égalité que les hommes. La femme doit être reconnue en tant qu’être humain et traité en tant que tel et non plus simplement en tant que femme.

Sylvie Mouniata : « Nous devons enrichir leur action »

Quel est votre point de vue sur cette manifestation ?

• L’action d’aujourd’hui a permis de rappeler le combat des femmes réunionnaises. Elles ont défendu des principes à une époque où le contexte n’était pas facile. Je retiens leur détermination et leur lutte jusqu’au dernier souffle. À 83 ans, Isnelle militait encore ! Pour ma part, j’ai eu l’honneur de connaître deux de ces femmes : Laurence Vergès et Isnelle Amelin. Leur combat doit être connu et nous devons enrichir leur action.

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