Droit au logement : l’État doit assumer ses responsabilités

Combattre la lepénisation des esprits à La Réunion

24 septembre 2005

Comment peut-on en arriver à de telles dérives ? Après Jean-Paul Virapoullé qui annonce que les écoles de sa commune sont submergées par des enfants comoriens, Ibrahim Dindar impute aux originaires de l’archipel la responsabilité de la crise du logement social à La Réunion et il va jusqu’à demander des tests d’ADN pour déterminer qui peut être Français ou pas. De bien dangereux propos qui montrent que notre île n’est pas à l’abri d’une “lepénisation” des esprits. Ceci ne peut que rendre service à ceux qui sont responsables de la crise vécue quotidiennement par les Réunionnais sans travail ou sans logement décents.

Après Jean-Paul Virapoullé, c’est au tour d’Ibrahim Dindar de franchir la ligne jaune. Ce dernier demande que l’on procède à des tests ADN pour l’attribution de la nationalité française. D’après lui, "La Réunion ne peut pas accueillir toute la misère venue des Comores", et si l’on suit le raisonnement du président de l’Union centriste et libérale, la crise du logement est à La Réunion est provoquée par un afflux incontrôlé d’immigrants comoriens. Ces derniers sont accusés par Ibrahim Dindar de mettre volontairement le feu à leur bidonville ou de faire une déclaration d’insalubrité pour devenir prioritaire en tant que demandeur de logement sociaux.
En juillet dernier, le même Ibrahim Dindar participait au Comité départemental de l’Habitat. Ce jour là, devant les journalistes, il a expliqué quelles étaient selon lui les raisons de la crise du logement social : "un foncier difficile à maîtriser", "une crise de finance publique avec des délégations de crédits qui traînent" et aussi "des maires qui peuvent manquer de volontarisme". Aucune allusion au "grand deversoir du trop plein des Comores" dont il se fait l’echo dans “le Quotidien” d’hier...

Appel au secours

En juillet toujours, invité des “Matinales” de RFO, le vice-président du Conseil général lançait un appel à l’aide en direction du gouvernement : "Jour après jour, la situation devient plus dramatique. Le nombre de logements livrés chaque année est insuffisant. Entre les chiffres annoncés par le gouvernement pour les autorisations de programme et ce qui est envoyé pour payer les promoteurs, il y a souvent une grosse différence. C’est dommage car les conséquences sociales sont désastreuses. Il y a un manque de terrains, un manque d’argent, le FRAFU est insuffisant. C’est une compétence première de l’État". Dans cette émission, Ibrahim Dindar concluait en appelant au rassemblement de tous pour relever ce défi : garantir à tous les Réunionnais un logement décent.
Dans “Témoignages” du 27 juin dernier, nous rappelions les données : "c’est 180.000 logements qu’il faudra construire, à l’exclusion de ceux qui seront à réhabiliter. Soit donc une moyenne de 9.000 logements neufs par an, dont 6.000 logements sociaux".

L’État responsable

Face à cet objectif, la place n’est pas à la démagogie et au laisser-aller à des propos inacceptables. C’est le sens de réactions comme celle d’Agir pour nout tout qui rapelle qu’à La Réunion, "nous sommes tous des enfants d’immigrés".
L’heure n’est pas à la division et plutôt qu’insulter nos ancêtres, il faut un rassemblement de toutes les bonnes volontés pour que chacun assume ses responsabilités. Et sur la question du logement social, celle des gouvernements qui se succèdent à Paris est prouvée. Aucun n’a jamais été capable, ne serait-ce qu’une année, de faire face à la demande des Réunionnais en logement social. D’où cette priorité qui doit occuper les esprits : renforcer la mobilisation de tous pour que le gouvernement respecte notre droit à un logement décent.
Alors que nous nous dirigeons vers le million d’habitants, l’objectif des 6.000 logements sociaux à construire chaque année doit occuper pleinement les esprits et les énergies ne doivent pas se disperser dans des dérapages inacceptables.

Manuel Marchal


Paul Vergès : « Nous sommes faits d’apports successifs d’étrangers... »

Dans la conclusion de la séance de restitution des ateliers des États-généraux de la culture, Paul Vergès a répondu indirectement aux propos tenus par Ibrahim Dindar, préconisant l’instauration de “test ADN” pour introduire des discriminations contre les Comoriens vivant à La Réunion. Dans un détour par l’histoire du peuplement de l’île, le président de la Région a souligné la brièveté (59 ans) de la période d’intégration assimilationniste, après plus de 2 siècles d’esclavage, d’engagisme et de colonisation.
« Certains discours actuels sont effrayants d’ignorance », a-t-il dit. « Nous sommes un peuple fait d’apports successifs d’étrangers, auxquels nous devons notre vitalité et notre dynamisme ».

Si on se met à utiliser des tests ADN pour définir qui a le droit de vivre à La Réunion et qui doit en partir, il ne va plus rester grand monde, dans l’acception que se font du Réunionnais (français, européen) les tenants de ce genre de discrimination.


"Stop aux idées racistes : Nous sommes tous des enfants d’immigrés"

Dans un communiqué diffusé hier, Agir Pou Nout Tout réagit aux propos tenus par Ibrahim Dindar :

Les propos de Mr Ibrahim Dindar concernant le dossier de l’immigration sont inacceptables, révoltants. C’est vrai que de part le monde les responsables qui prônent la politique ultra-libérale nous ont habitué à une vision d’intérêt, financière, au détriment de l’humain.
Le Collectif Agir Pou Nout Tout dit stop, ça suffit ! Et demande à la population réunionnaise de sanctionner tout ceux qui véhiculent des idées qui divisent, racistes, lepenistes , consciemment ou inconsciemment.
Dire que les comoriens sont les responsables de la crise du logement à La Réunion, du chômage, du travail illégal, c’est faire croire :

- Qu’il y a 25 000 comoriens qui occupent des logements “normalement réservés” aux Réunionnais

- Qu’il y a 100 000 comoriens qui occupent des emplois “normalement réservés” aux Réunionnais

- Que le travail au noir à La Réunion c’est uniquement de la responsabilité des comoriens

Le collectif Agir Pou Nout Tout regrette que l’incompétence et l’incapacité de certains responsables politiques à honorer leur promesse, à satisfaire les besoins de la population se traduit par des propos populistes.
C’est ce que nous appelons le politiquement incorrect !
L’ADN du collectif Agir Pou Nout Tout c’est " Caf, chinois, malbar, arabe, zoreil... " c’est quoi le vôtre Mr Dindar ?
Le collectif Agir Pou Nout Tout déclare encore une fois : partageons les richesses et non la misère !
M. Dindar, si vos propos sont le résultat d’un dérapage, et que vous regrettez, vos excuses feront beaucoup de bien.


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