Violences conjugales et répercussions économiques

Convaincre par les coûts

24 novembre 2007

Plus d’1 milliard d’euros : c’est l’estimation minimale des répercussions économiques des violences au sein du couple en 2004 en France, selon un rapport du CRESGE (Centre de Recherches Economiques, Sociologiques et de GEstion) paru en novembre 2006. Ce sont les femmes qui, en plus des atteintes physiques et psychologiques, supportent l’essentiel du poids économique des violences conjugales.

L’évaluation du coût économique de la violence au sein du couple figure parmi les 10 objectifs du plan global triennal de lutte contre les violences faites aux femmes dont le principal enjeu est de permettre aux pouvoirs publics de mieux appréhender, mesurer et agir contre ce fléau social qui conduit à la mort d’une femme tous les deux jours en France.

Des coûts multiples

Le présent rapport du CRESGE vise à évaluer la faisabilité d’une méthodologie d’évaluation économique afin de dresser chaque année un rapport chiffré des coûts induits par les violences au sein du couple. Des coûts qui sont classés en trois catégories : les coûts directs qui prennent en compte l’ensemble des consommations de services et de biens médicaux, d’une part, et de services à la personne (transports, éducation, institutions médico-sociales, services sociaux, police justice) d’autre part ; les coûts indirects liés à une réduction des capacités économiques et les coûts intangibles liés à des phénomènes difficilement quantifiables que sont la douleur et la perte de bien-être. Selon le rapport, l’individu et le ménage supportent en premier lieu, les coûts directs au prorata de leur reste à charge (tiers payant dans le cas des dépenses de santé) mais également les coûts indirects par le biais des baisses de revenus dues à la baisse des capacités productives (handicap, décès). Ils supportent également les coûts liés à la baisse du niveau de vie consécutive à la séparation, mais encore les coûts intangibles. Le système de protection sociale et la société au sens large supportent eux aussi des coûts mais d’ordres différents. Pour le premier, il s’agit de la prise en charge financière du recours au système de santé, de la gestion des situations d’urgence (police, justice), de l’hébergement et des allocations perçues en cas de rupture mais aussi, de la réduction des capacités de cotisations sociales et d’impositions lorsque les violences ont un impact sur la situation professionnelle de la victime.
Les violences au sein du couple ont un impact économique pour la société, en ce sens qu’elles peuvent engendrer la baisse des opportunités de croissance économique induite par les conséquences sanitaires des risques sociaux et médicaux (handicap, décès prématuré, pertes de productivité) supportées par la victime qui verra sa participation au marché du travail décroître.
Les entreprises mais aussi la famille au sens large (les proches) sont susceptibles aussi de supporter les conséquences économiques et sociales des violences conjugales. Pour les entreprises, il s’agit du coût lié au remplacement de la victime en cas d’incapacité, et pour la famille, de tous les frais liés à sa prise en charge, son soutien dans cette épreuve.

Préconisations aux pouvoirs publics

Aborder les violences faites aux femmes, au sein du couple, sous l’aspect économique est nouveau en France et peut s’avérer décisif dans les orientations des pouvoirs publics qui résonnent bien souvent plus par les chiffres que par les douleurs humaines qui s’en dégagent. Ce rapport souligne d’ailleurs les lacunes statistiques qui permettraient de mieux mesurer l’ampleur et les impacts du phénomène social. Il dresse ainsi une liste de préconisations visant à parfaire les évaluations qui dans ce premier bilan ne tiennent pas compte des interruptions de travail liées aux violences au sein du couple, des suicides et d’autres incidences encore.
Très documenté, un peu complexe aussi, ce premier travail est néanmoins riche d’enseignements. Il nous permet déjà d’avancer et de rappeler que la violence conjugale ne concerne pas que le foyer, la victime mais bien l’ensemble de la société. Pouvoirs publics, élus, citoyens ne peuvent rester sourds et s’il faut en venir aux coûts, alors allons-y. Ils seront toujours moins douloureux que ceux supportés par les victimes.

Stéphanie Longeras


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