Crise de l’eau et de l’assainissement : « Un fléau silencieux qui frappe les pauvres »

10 janvier 2007

Le rapport annuel du programme des Nations-Unies pour le développement (PNUD) met l’accent sur la crise mondiale de l’eau et de l’assainissement.

Le Rapport mondial sur le développement humain 2006 dévoilé l’an dernier exhorte la communauté internationale à adopter de toute urgence un plan d’action, sous le leadership du G8, pour résoudre la crise de l’eau et de l’assainissement, responsable de la mort de 2 millions d’enfants chaque année.
Dans une grande partie du monde en développement, l’eau insalubre menace bien plus la sécurité humaine que les conflits violents, affirme le Rapport du Programme des Nations-Unies pour le développement (PNUD), intitulé cette année “Au-delà de la pénurie : pouvoir, pauvreté et crise mondiale de l’eau”.

Chaque année, 1,8 million d’enfants meurent de diarrhée — une situation qui pourrait être évitée en donnant à chacun accès à l’eau potable et à des toilettes. Près de la moitié de toutes les personnes qui vivent dans les pays en développement souffrent à un moment donné d’un problème de santé dû au manque d’accès à l’eau et à l’assainissement. Par ailleurs, 443 millions de jours de scolarité sont perdus chaque année en raison de maladies véhiculées par l’eau. Outre ces coûts humains, la crise de l’eau et de l’assainissement freine la croissance économique. L’Afrique subsaharienne perd de cette manière 5% de son PIB annuel - bien davantage que l’aide perçue par la région.

Les pays du G8 doivent agir

Pourtant, contrairement aux guerres et aux catastrophes naturelles, cette crise mondiale ne suscite pas d’action internationale concertée, déplore le Rapport. « Comme la faim, c’est un fléau silencieux qui frappe les pauvres tout en restant toléré par ceux qui possèdent les ressources, les technologies et le pouvoir politique nécessaires pour y mettre fin », souligne le Rapport. « Il incombe aux gouvernements nationaux de mettre au point des plans et stratégies crédibles pour résoudre la crise de l’eau et de l’assainissement. Mais nous avons également besoin d’un plan d’action mondial bénéficiant d’un soutien actif de la part des pays du G8 afin de concentrer les efforts internationaux épars visant à mobiliser des ressources et à dynamiser l’action politique, de sorte que l’on mette la question de l’eau et de l’assainissement au cœur des priorités et préoccupations du développement », a déclaré Kevin Watkins, rédacteur en chef du Rapport.

Le plan d’action servirait de « mécanisme virtuel », précise le Rapport, citant le Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme, géré par un petit secrétariat à la bureaucratie minimale, comme point de référence utile. « J’appuie entièrement l’appel à la mise en œuvre d’un plan d’action mondial pour résoudre la crise croissante de l’eau et de l’assainissement », a soutenu l’administrateur du PNUD, Kemal Dervis.

Les gouvernements devraient consacrer 1% du PIB à l’eau et à l’assainissement

Le Rapport demande que soit établi le droit fondamental de tout être humain à disposer d’au moins 20 litres d’eau potable par jour. Tandis qu’un citoyen britannique ou américain envoie quotidiennement 50 litres d’eau aux égouts rien qu’en tirant la chasse d’eau, de nombreuses personnes démunies survivent avec moins de 5 litres d’eau polluée par jour.

Les auteurs appellent aussi les gouvernements à consacrer au moins 1% du PIB à l’eau et à l’assainissement qui pâtissent d’un sous-financement chronique. Les dépenses publiques dans ce domaine sont inférieures à 0,5% du PIB et dérisoires au regard des dépenses militaires. En Éthiopie, par exemple, le budget militaire représente 10 fois le budget alloué à l’eau et à l’assainissement et 47 fois au Pakistan. Le Rapport recommande enfin d’augmenter l’aide internationale.


L’histoire en témoigne, la crise peut être résolue

Il y a plus d’un siècle, le taux de mortalité infantile à Washington, D.C. était 2 fois plus élevé que le taux que connaît aujourd’hui l’Afrique subsaharienne, écrivent les auteurs. Les maladies transmises par l’eau, telles que la diarrhée, la dysenterie et la typhoïde, étaient à l’origine d’un décès sur 10 dans les villes américaines de la fin du 19ème siècle, les enfants en étant les premières victimes.
Le Rapport relate qu’au Royaume-Uni et ailleurs, les populations s’enrichissaient grâce à la révolution industrielle, mais leur santé ne s’améliorait pas pour autant. Les pauvres quittèrent les régions rurales pour s’installer en zone urbaine afin de profiter de la croissance tandis que les villes surpeuplées se changeaient en égouts mortels à ciel ouvert et que les épidémies de typhoïde et de choléra décimaient régulièrement des villes comme la Nouvelle-Orléans et New York.
Lors de l’été caniculaire de 1858, le Parlement britannique fut contraint de fermer temporairement ses portes en raison d’un épisode surnommé « la Grande Puanteur », les égouts se déversant dans la Tamise. Les riches le vécurent comme une nuisance. Pour les pauvres, qui buvaient l’eau de la rivière, cet épisode fut meurtrier.
Vers la fin du 19ème siècle, les gouvernements reconnurent l’impossibilité de confiner les maladies associées à l’eau et à l’assainissement aux habitants pauvres des villes et la nécessité de lancer une action. Aux États-Unis, au Royaume-Uni et ailleurs, des investissements massifs furent effectués dans des réseaux d’égouts efficaces et dans la purification des sources d’eau. L’effet fut de taille. Aucune autre période de l’histoire américaine, par exemple, n’a enregistré une baisse aussi rapide du taux de mortalité.
L’histoire a rarement connu un tel succès dans la résolution d’un problème social majeur. Et cela pourrait se reproduire, estime le RDH 2006. « Résoudre la crise de l’eau et de l’assainissement pourrait constituer le prochain grand pas en avant de l’humanité », souligne M. Watkins. « Il est urgent que l’histoire se répète - dans les pays en développement cette fois ».


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