Mondialisation ultra-libérale

Dangereux reculs des droits humains

Présentation d’un rapport à moins d’un mois de la conférence de l’O.M.C.

16 août 2003

La semaine dernière, la Sous-commission des droits de l’Homme de l’ONU s’est réunie à Genève. Parmi les différents points de l’ordre du jour, la présentation d’un rapport rédigé par deux experts : Deepika Udagama et Joseph Oloka-Onyango. Ils estiment que la mondialisation telle qu’elle est conçue actuellement fait reculer les droits humains. Pour les auteurs du rapport, l’Organisation mondiale du commerce (OMC), la Banque mondiale et le Fonds monétaire international portent une lourde responsabilité.

Jeudi dernier, Deepika Udagama et Joseph Oloka-Onyango ont présenté à la tribune de la Sous-commission des droits de l’Homme de l’ONU le résultat de plusieurs années de travail. Leur rapport intitulé "La mondialisation et ses effets sur la pleine jouissance des droits de l’Homme" fait état de conséquences désastreuses subies par les peuples au nom de l’ultra-libéralisme.
Dans "Le Courrier" du 9 août dernier, Joseph Oloka-Onyango indique que « la mondialisation pourrait être positive, mais, de la manière dont elle est actuellement structurée, elle ne l’est pas ». Il cite un aspect positif : « en termes de propagation de l’information grâce aux avancées technologiques. Les êtres humains peuvent aujourd’hui davantage communiquer entre eux, ils se déplacent plus souvent ». Mais, souligne-t-il, « l’intégration croissante des économies nationales et le dogme de la suprématie du marché laissent de côté des catégories déjà fragilisées ». Principales victimes selon lui : les paysans. Or, ils constituent la part la plus importante de la population active à l’échelle de la planète.

Au nom de la "liberté" du marché, les États sont encouragés à privatiser. Pour Joseph Oloka-Onyango, les privatisations « telles qu’elles ont été réalisées, n’ont pas tenu compte de l’accès du plus grand nombre à l’alimentation, à l’eau potable ou à l’éducation de base ». Ce sont plusieurs droits humains remis en cause.
Le co-auteur du rapport estime que penser le libéralisme comme seule voie vers le développement durable est une lourde erreur : « Si vous placez le commerce comme le premier de vos buts, peu importe que votre partenaire vous vende son dernier vêtement. Pourvu que la transaction se fasse ». Au contraire, « le commerce doit être basé sur des considérations éthiques ». La responsabilité de plusieurs institutions internationales est engagée, car pour Joseph Oloka-Onyango, « le problème avec l’Organisation mondiale du commerce (OMC), le FMI et la Banque mondiale c’est qu’ils ne voient le monde que comme une collection de produits commercialisables ». « Les êtres humains comptent peu, alors même que ce sont eux qui produisent et consomment les biens », poursuit-il.
Un exemple qui révèle particulièrement cette situation est la famine qui frappe plusieurs millions de personnes dans notre région. Joseph Oloka-Onyango explique que le FMI a dit au Zimbabwe ou au Malawi « de vendre leurs stocks de maïs pour qu’ils engendrent des bénéfices ». Ces deux pays ont satisfait à cette exigence. « Mais, après des années de sécheresse, les deux pays se sont trouvés bien démunis pour nourrir leur population. Aujourd’hui, le Zimbabwe, le Malawi et les autres États de la région en sont réduits à mendier du maïs, y compris celui génétiquement modifié », rappelle-t-il. Pour Joseph Oloka-Onyango, la prochaine conférence ministérielle de l’OMC prévue le mois prochain à Cancun ne va pas résoudre ce problème. Il estime que lors de la précédente conférence de l’OMC, à Doha en novembre 2001, un acquis avait été obtenus dans le domaine de la santé publique. Il s’agissait d’« une interprétation large des accords régissant la propriété intellectuelle ». L’objectif était de lever les brevets sur les médicaments pour que les peuples du Sud puissent avoir le droit de se soigner. Les remèdes qui soulagent les souffrances des malades du SIDA ou du paludisme sont innaccessibles à des millions de personnes, uniquement pour des raisons financières.
« Aujourd’hui, que reste-t-il de Doha ? Les États-Unis ont bloqué un compromis à l’OMC visant à concrétiser la déclaration de Doha. Résultat : Il est toujours impossible de contourner les brevets et d’importer des médicaments à bas prix. Les États-Unis et l’Union européenne subventionnent toujours leur agriculture, dont les surplus inondent le Sud », constate Joseph Oloka-Onyango. Et pour ce dernier, « l’unilatéralisme américain » n’est pas le seul responsable de ce recul. Cela « augure mal de la prochaine réunion interministérielle de l’OMC », « mais c’est aussi la preuve que les droits humains ne sont pas systématiquement pris en compte dans les processus de décisions de l’OMC », conclut-il.


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