Deux bavures, une même lutte pour la dignité

14 septembre 2004

L’Association réunionnaise de défense des victimes de discrimination raciale (ARDV) s’est créée pour aider un Réunionnais victime d’un tabassage policier, et soutenir la famille d’un quadragénaire décédé en région parisienne.

Deux présumées bavures, c’est déjà trop pour les fondateurs de l’ARDV, (Association réunionnaise de défense des victimes de discrimination raciale) qui a été créée suite à deux affaires policières survenues à Paris et en région parisienne, qualifiées par la presse unanime de “bavures policières”.
La première est ainsi racontée par l’ARDV, dans un communiqué transmis à la presse et signé par son président Marc Kichenapanaïdou. "Patrick Marouvin, steward de la compagnie United Airlines, Réunionnais né à Saint-Paul, parlant au moins quatre langues, fait escale à Paris le 9 mai dernier. Sortant du métro à 22 heures et traversant en dehors d’un passage clouté, il se fait interpeller par deux policiers.
Une vive discussion s’engage et il est emmené, menotté, au poste de police de l’arrondissement, où il fera l’objet d’un tabassage. Il est transporté d’urgence à l’hôpital, et se fait opérer d’une lésion traumatique du scrotum.
Il est en arrêt de travail depuis près de quatre mois et présente de grandes difficultés à la marche. Il ne sait pas quand il pourra reprendre le travail et s’il gardera des séquelles (en particulier, des risques de stérilité sont évoqués).
Il ne bénéficie pas de la Sécurité sociale, étant employé par une compagnie étrangère, et les policiers responsables de son transport d’urgence à l’hôpital ne sont - semble-t-il - pas inquiétés. L’IGPN (Inspection générale de la police nationale) n’a pas encore rendu son rapport. Son avocat a porté plainte avec constitution de partie civile. Le juge d’instruction demande une caution de plus d’un mois de salaire pour pouvoir étudier la plainte. Il se trouve donc dans une impasse totale pour avoir traversé une rue au mauvais endroit.
Grâce à la subvention du Conseil général, du Conseil régional, de la Ville de Saint-Paul et des souscripteurs de l’ARDV, nous avons pu l’aider dans un premier temps".
La deuxième affaire a lieu à peu près au même moment. "En mai, Jean-Luc Fatol, 40 ans, souffrant d’un cancer généralisé en phase terminale, voit de sa fenêtre des policiers malmener son fils", explique l’association. Malgré sa souffrance physique, il descend péniblement et s’interpose, demandant des explications aux policiers. "Pour toute réponse, les policiers maîtrisent sans ménagement Jean-Luc Fatol qui pèse 60 kilos".
Son épouse alerte la presse et RFO Paris filme ce corps demi-nu et relève des traces de coups sur son dos (“comme au temps de l’esclavage où l’on frappait avec le sabouc” précise l’ARDV). Tous les Réunionnais ont pu voir ce film relayé par les autres chaînes de télévision.

"Sa vie écourtée à cause de cette interpellation"

Déjà malade, il présentait des difficultés respiratoires. Les coups reçus ont exacerbé sa douleur. Il est transféré à l’hôpital, où les médecins reconnaissent des traces de coups. Mme Fatol, sur RFO Radio, déclare : "Je sais qu’il est à la phase finale de sa vie, mais même après sa mort, je défendrai son honneur".
L’ARDV questionne : "Alors qu’il pensait rentrer à La Réunion vivre pendant quelques mois au pays ses dernières heures, un mois après l’agression, Jean-Luc Fatol décède. Sa vie n’a-t-elle pas été écourtée à cause de cette interpellation ?
Mme Fatol tient promesse, porte plainte.
L’IGPN mène son enquête et le Figaro du 2 août 2004 nous apprend que les policiers de Meulan sont mis hors de cause par l’Inspection générale de la police nationale, qui a conclu qu’il n’y a pas eu de sévices policiers car l’autopsie pratiquée relève l’existence d’un cancer et n’a pas mis en évidence des traces de coups".
En sa mémoire, l’ARDV a organisé une manifestation de recueillement le 26 juin 2004 au Cimetière de l’Est avec dépôt d’une gerbe de fleurs. Des représentants des Conseils régional et général y participaient, ainsi que des membres de la société civile, de tous bords politiques, en soutien à la famille Fatol.
Dans son communiqué, l’ARDV "prend l’engagement de continuer ce combat pour que la dignité des Réunionnais soit respectée au même titre que celle de tout Français. Elle émet le vœu qu’une enquête de l’IGPN puisse apporter ses conclusions dans l’affaire Marouvin, afin que des sanctions soient prises contre les auteurs de dérives inadmissibles, si la preuve en est apportée".


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