immigration irrégulière

“Droit du sol” contre flux migratoires ?

21 septembre 2005

Dans les diverses prises de position exprimées au sujet d’une possible remise en cause du “droit du sol” dans certaines collectivités d’outre-mer, plusieurs voix s’élèvent pour dénoncer une confusion, dans le projet ministériel, entre immigration (voire immigration clandestine), exercice du droit d’asile et accès à la nationalité française.

Patrick Weil, spécialiste de l’immigration au CNRS, relève par exemple dans une interview donnée au Monde (19 septembre) que "l’immigration irrégulière n’est pas liée aux principes régissant l’acquisition de la nationalité française". De sorte qu’une réforme du droit du sol ne serait pas la bonne porte d’entrée pour lutter contre l’immigration irrégulière : la législation contre le séjour illégal ou la répression de la fraude au code civil, devant les cas de “paternité fictive” semblent, selon ce chercheur, mieux indiqués.
En quoi le fait de priver de nationalité française des enfants nés sur un sol français peut-il mettre fin à l’immigration ? Cela ne ferait que fragiliser davantage, s’il se peut, et marginaliser toute une population, mais en quoi est-ce une réponse aux flux migratoires ?
Les perspectives annoncées par le PNUD sur le niveau de développement de la planète (voir édito) ne laissent planer aucun doute quant à une croissance forte des mouvements migratoires sud/nord ou sud/sud dans les prochaines décennies. Il vaut mieux se préparer à faire face à ces phénomènes, plutôt que de dresser des barrières imaginaires.

Ce n’est pas l’orientation prise par Mansour Kamardine, député (UMP) de Mayotte, dans les propos qu’il tient au Figaro (20 septembre). Ce député, qui considère que "Mayotte croûle sous l’immigration", donne l’estimation de 1 immigré pour 2 Mahorais : ils seraient 60.000 clandestins pour 160.000 habitants à l’heure actuelle - "une invasion insupportable" dit ce député, au vocabulaire “frontiste”. "On sait aussi que 80% des femmes qui accouchent à l’hôpital de Mamoudzou ne sont pas Mahoraises. Donc (...) dans moins de dix ans, il y aura à Mayotte, à cause de ce droit du sol, plus de Français d’origine comorienne et anjouanaise que mahoraise !"

60.000 clandestins comoriens aujourd’hui à Mayotte, c’est l’équivalent de ce qu’était la population mahoraise tout entière il y a trente ans, lorsqu’elle a cherché à se soustraire à l’expression majoritaire des 600.000 Comoriens. La suite du raisonnement du député est moins claire, car le droit français ne distingue pas entre les différentes origines des citoyens : du moment qu’ils sont Français. Un autre aspect embrouillé porte sur la dénonciation de “paternités fictives”. Ces “pères fictifs” sont des Mahorais, de nationalité française, qui donnent leur nationalité à l’enfant qu’ils reconnaissent en vertu du droit du sang, et non du droit du sol. Et comment va-t-on faire la différence entre ces “pères fictifs” et les pères d’enfants naturels mahorais, absents du foyer ?
Ces questions montrent qu’il ne peut y avoir de réponse simpliste, pas plus à Mayotte qu’ailleurs. Qu’il faille chercher des réponses à un "climat d’insécurité généralisée" ne fait pas de doute. Mais faut-il pour cela stigmatiser les immigrés ?

P. David


Un “droit du sol” expérimental en Outre-mer ?

Impossible à La Réunion !

Le ministre de l’outre-mer, François Baroin, en disant vouloir "ouvrir le débat" sur l’immigration clandestine par l’éventualité d’une remise en cause du droit du sol dans l’outre-mer, a recueilli jusqu’à présent plus d’approbation tapageuse venue des extrêmes de la droite (Philippe de Villiers, Jean-Marie Le Pen) que de soutien de la part du camp présidentiel.
En tout cas à La Réunion.
On peut comprendre, dans notre île, le silence des responsables de l’UMP et le commentaire coincé du sénateur Virapoullé, parlant d’"humaniser" un texte dont le ministre n’envisage même pas la mise en chantier ! De sorte que le sénateur-maire se retrouve seul à vouloir humaniser le néant : tout un programme...
Ce qu’on comprend surtout, c’est que l’idée du ministre de l’outre-mer de lancer une "expérimentation législative", pour “tester”, selon lui, l’évolution du droit du sol - cette idée-là pourra peut-être prospérer ailleurs dans l’Outre-mer, mais pas à La Réunion. Notre île est en effet le seul territoire d’outre-mer où toute "expérimentation" de ce type tombe sous le coup de “l’amendement Virapoullé” voté dans la Constitution.
On sait maintenant pourquoi le sénateur a été si discret : il est d’accord, paraît-il, mais il ne peut pas le dire !

P. David


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