Il y a 60 ans aujourd’hui, un crime barbare commis par les dirigeants des États-Unis : la bombe atomique lancée sur Hiroshima
Eisenhower : ’Il n’était pas nécessaire de frapper avec cette chose horrible’
6 août 2005
Le 26 juillet 1945, un ultimatum fut adressé au Japon par les dirigeants des États-Unis d’Amérique : ou la capitulation, ou l’extermination. Le 28 juillet 1945, l’ultimatum est rejeté.
Quatre villes furent désignées : Hiroshima (grand port, ville industrielle et base militaire), Kokura (principal arsenal), Nigata (port, aciéries et raffineries), Kyoto (industries).
(Pages 6 et 7)
Un des hommes qui ont convaincu le président Truman d’ordonner le bombardement atomique de Hiroshima est un politicien raciste originaire de Caroline du Sud, M. Byrnes.
Le 6 août 1945 à 2 heures 30 locales, la météo sur Hiroshima étant satisfaisante, le bombardier B 29 Enola Gay décolle de l’aéroport militaire américain de Tinian, dans les îles Mariannes. Le commandant Tibets est le seul à connaître la nature de la bombe de quatre tonnes et demie qu’il transporte dans ses soutes. À 8 heures 09, Hiroshima apparaît dans l’ouverture des nuages. À 8 heures 15 et 17 secondes, la bombe pique dans le ciel. L’explosion aura lieu 43 secondes plus tard, à 600 mètres au-dessus du centre de la ville.
Effets dévastateurs
La bombe atomique dégage 3 effets dévastateurs.
Dès le premier millionième de seconde, l’énergie thermique est libérée dans l’atmosphère et transforme l’air en une boule de feu d’environ 1 kilomètre de diamètre et de plusieurs millions de degrés planant quelques secondes au-dessus d’Hiroshima. Au sol, la température atteint plusieurs milliers de degrés sous le point d’impact. Dans un rayon de 1 km, tout est instantanément vaporisé et réduit en cendres. Jusqu’à 4 km de l’épicentre, bâtiments et humains prennent feu spontanément ; les personnes situées dans un rayon de 8 km souffrent de brûlures au 3ème degré.
Après la chaleur, c’est au tour de l’onde de choc de dévoiler son effet dévastateur : engendrée par la phénoménale pression due à l’expansion des gaz chauds, elle progresse à une vitesse de près de 1.000 km/h, semblable à un mur d’air solide. Elle réduit tout en poussières dans un rayon de 2 km. Sur les 90.000 bâtiments de la ville, 62.000 sont entièrement détruits.
Le troisième effet, encore très méconnu en 1945, celui de l’explosion nucléaire, est le plus spécifique à la bombe, mais pas le moins meurtrier. Il entraîne des cancers, des leucémies... Il est d’autant plus terrifiant que ces effets n’apparaissent que des jours, des mois, voire des années après l’explosion.
L’engin mesurait 4 mètres 50 de long et 76 cm de diamètre. Les Américains l’avaient surnommé “Little Boy” (petit garçon). Sa puissance équivalait à celle de 13.000 tonnes de TNT concentré dans un tout petit espace. Il provoqua la mort d’environ 80.000 personnes à Hiroshima, et l’on dénombra 70.000 blessés, dont beaucoup moururent.
La capitulation japonaise
Le 9 août 1945, une seconde bombe nucléaire, baptisée “Fat Man”, est lancée sur la ville de Nagasaki. Elle donna la mort à 70.000 personnes.
Le 15 août, le souverain Hirohito de l’ère Showa, annonce la capitulation sans condition de son pays, il avait commencé avec son règne en 1926. Petit, frêle, le visage ovale orné d’une fine moustache, Hirohito a quarante-six ans et s’adresse pour la première fois directement à son peuple (c’est un homme renfermé, discret et mal à l’aise en public). Il le fait en pleurant et dans un langage archaïque plein d’euphémismes, mais le message est clair : le Japon a perdu la guerre.
Pour les nationalistes nippons, l’inimaginable est arrivé, il faut "accepter l’inacceptable" : la reddition, l’occupation, l’humiliation. C’en est fini du Grand Empire.
La raison de ce crime
Dès 1948, un physicien britannique, P.M.S. Blackett, pose une question, sur laquelle les historiens américains et autres se sont longuement interrogés et dont la réponse est aujourd’hui connue : fallait-il, pour gagner la guerre contre le Japon, recourir à l’arme atomique ?
Non, cela n’était pas nécessaire. Alors quels buts réels poursuivaient Harry Truman et ses conseillers ? En fait, ils ont cherché avant tout, en tuant des dizaines de milliers de Japonais, à faire peur aux Soviétiques, donc à entamer la Guerre froide.
C’est aussi la raison pour laquelle les responsables politiques nord-américains n’ont pas écouté leurs experts qui assuraient que le Japon signerait sa reddition, avant la fin de 1945, même si la bombe n’était pas employée, même si l’URSS n’entrait pas en guerre et même si les GI ne débarquaient pas dans l’archipel nippon. C’est enfin pourquoi, à la fin de juillet, ils ne voulaient plus d’une aide soviétique.
"Nous avons adopté la règle éthique des barbares"
De fait, Hiroshima ne constitue pas n’importe quel événement historique. C’est, à la fois, le dernier acte de la Seconde Guerre mondiale et l’antichambre de quarante années de Guerre froide. Non seulement le massacre de 200.000 civils à Hiroshima et à Nagasaki (pour la plupart des femmes, des enfants et des personnes âgées sans armes) fut une horreur mais encore il n’avait pas été nécessaire.
D’ailleurs en 1995, dans ses Mémoires, l’amiral Leahy, chef d’état-major particulier des présidents Roosevelt puis Truman, expliquait :
"Les Japonais étaient déjà vaincus et prêts à se rendre. (...) L’utilisation à Hiroshima et à Nagasaki de cette arme barbare ne nous a pas aidés à remporter la guerre. (...) En étant le premier pays à utiliser la bombe atomique, nous avons adopté (...) la règle éthique des barbares".
Quant au général Eisenhower, devenu président des États-Unis de 1953 à 1961, il écrivait lui aussi dans ses Mémoires : "À ce moment précis [août 1945], le Japon cherchait le moyen de capituler en sauvant un peu la face. (...) Il n’était pas nécessaire de frapper avec cette chose horrible".
Une chanson de Georges Moustaki
Hiroshima
Par la colombe et l’olivier,
Par la détresse du prisonnier,
Par l’enfant qui n’y est pour rien,
Peut-être viendra-t-elle demain.
Avec les mots de tous les jours,
Avec les gestes de l’amour,
Avec la peur, avec la faim,
Peut-être viendra-t-elle demain.
Par tous ceux qui sont déjà morts,
Par tous ceux qui vivent encore,
Par ceux qui voudraient vivre enfin,
Peut-être viendra-t-elle demain.
Avec les faibles, avec les forts,
Avec tous ceux qui sont d’accord,
Ne seraient-ils que quelques-uns,
Peut-être viendra-t-elle demain.
Par tous les rêves piétinés,
Par l’espérance abandonnée,
À Hiroshima, ou plus loin,
Peut-être viendra-t-elle demain,
La Paix !
“L’Appel d’Hiroshima” du 5 août 2002
Les armes nucléaires tuent les êtres humains et détruisent leur santé quand elles sont utilisées mais aussi en amont, au moment de leur développement.
Les 210 essais nucléaires que la France a effectués au Sahara algérien et en Polynésie française entre 1960 et 1996 ont affecté de façon importante la santé des vétérans, celle des personnels engagés dans les expérimentations (anciens travailleurs des sites) et celle des populations proches des sites d’essais. Des associations successivement créées en Algérie, en Polynésie française et en Métropole prennent le risque de briser un long silence et font entendre la voix des "oubliés" des expériences nucléaires françaises.
Le 5 août 2002, la veille du 57ème anniversaire du bombardement d’Hiroshima, les représentants des associations d’Algérie, de Polynésie française et de France se sont réunies ensemble pour la première fois, ici à Hiroshima, afin de témoigner devant la population japonaise, pour échanger avec les survivants des bombes d’Hiroshima et de Nagasaki, des effets des essais nucléaires français sur la santé et partager leurs expériences respectives dans la lutte pour la reconnaissance des droits des victimes des armes nucléaires.
Les survivants des bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki, ainsi que leurs descendants, partageant avec ces témoins la souffrance causée par l’irradiation, ont exprimé leur solidarité et leur soutien résolu. De leur côté, les représentants des associations de France, de Polynésie et d’Algérie ont tenu à remercier chaleureusement les organisateurs japonais de leur avoir permis d’exprimer leurs revendications sur les lieux-mêmes où l’arme nucléaire a frappé pour la première fois faisant des centaines de milliers de victimes.
Se basant sur des témoignages et des comptes-rendus d’enquête, les participants à la conférence internationale d’Hiroshima se déclarent vivement préoccupés que le gouvernement français persiste à nier les conséquences des essais nucléaires et refuse toujours d’ouvrir les dossiers médicaux aux victimes elles-mêmes. L’absence de véritables mesures du gouvernement français à l’égard des victimes se fait sentir cruellement en comparaison avec d’autres pays ayant effectué des essais nucléaires tels que les États-Unis.
Les participants demandent donc solennellement au gouvernement français de reconnaître sa responsabilité et d’établir la vérité concernant les effets sanitaires des essais nucléaires. Il s’agit de reconnaître les droits légitimes des victimes et de prévenir les risques de contamination des populations. Comme premiers pas concrets, les participants requièrent les points suivants :
- la décontamination des zones de Reggane et In Eker pour enlever toute menace de contamination des habitants et des personnes transitant sur ces zones,
- l’inscription à l’ordre du jour du Parlement français de la proposition de loi sur le suivi des conséquences sanitaires et environnementales des essais nucléaires, déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 24 juillet 2002 sous le n°130,
- l’ouverture des archives militaires des essais nucléaires français afin qu’un bilan véritable de trente-six ans d’expériences nucléaires de la France soit enfin réalisé,
- la mise en place d’un suivi médical des anciens travailleurs, des vétérans et de leurs descendants, ainsi que des populations voisines des sites d’essais du Sahara et de Polynésie française,
- le financement d’une étude fondée sur des tests radio-biologiques permettant de montrer les liens entre les pathologies actuelles des vétérans et leur présence sur les sites d’essais nucléaires, telle celle qui a été mise en place par le gouvernement de Nouvelle-Zélande,
- le droit à pension pour les anciens travailleurs et vétérans et une indemnisation pour leurs veuves et leurs descendants.
Association Moruroa e tatou, Association des Vétérans des essais nucléaires français (AVEN), Observatoire des armes nucléaires françaises (www.obsarm.org), Personnels algériens employés sur les sites sahariens et populations des Oasis, Gensuikin (Japan Congress Against A- and H-Bombs), les participants de la Conférence internationale d’Hiroshima pour l’élimination des armes nucléaires et les citoyens de Hiroshima.
Un texte de l’écrivain John Berger*
De Hiroshima aux Twin Towers
Puisque le nombre de victimes civiles innocentes, tuées à titre "collatéral" en Afghanistan par les bombardements américains, est désormais égal au nombre de celles de l’attaque contre les Twin Towers, il est peut-être permis de replacer les événements dans une perspective plus large, mais nullement moins tragique, et de nous poser une nouvelle question : tuer délibérément, est-ce commettre un mal plus grave ou plus répréhensible que tuer aveuglément et systématiquement ? (Je dis "systématiquement" parce que les États-Unis ont commencé à mettre en œuvre cette stratégie armée à partir de la Guerre du Golfe.)
Quand, le 11 septembre 2001, à la télévision, j’ai vu les vidéos, elles m’ont aussitôt rappelé le 6 août 1945. C’est le soir de ce jour-là, en effet, que nous autres Européens avons appris la nouvelle du bombardement de Hiroshima.
Ces deux événements présentent d’emblée des correspondances, au nombre desquelles une boule de feu qui descend sans crier gare dans un ciel sans nuages, deux attaques minutées pour coïncider avec l’heure où les civils des villes cibles se rendent le matin à leur travail, où les magasins ouvrent, où les enfants sont à l’école, préparant leurs leçons. Une identique réduction en cendre, et des corps lancés à travers les airs et devenant débris. Une même incrédulité, un même chaos, provoqués par une nouvelle arme de destruction employée pour la première fois - la bombe A - il y a soixante ans, un avion de ligne à l’automne dernier. Partout, à l’épicentre, sur tout et tous, un épais suaire de poussière.
Les différences d’échelle et de contexte sont, bien entendu, énormes. À Manhattan, la poussière n’était pas radioactive. En 1945, cela faisait trois ans que les États-Unis menaient une véritable guerre contre le Japon. Il n’empêche que les deux attaques ont été conçues pour servir d’avertissement.
En voyant l’une ou l’autre, on a su que le monde ne serait plus jamais le même : les risques partout inhérents à la vie ont subi une métamorphose à l’aube d’un jour nouveau et sans nuages.
Les bombes lâchées sur Hiroshima et Nagasaki ont annoncé que les États-Unis étaient désormais la suprême puissance militaire du monde. L’attaque du 11 septembre a annoncé que cette puissance ne jouit plus d’une invulnérabilité garantie sur son propre sol. Ces deux événements marquent le début et la fin d’une certaine période historique.
Revenons à l’été 1945. Soixante-six des plus grandes villes du Japon ont déjà été détruites par le feu à la suite de bombardements au napalm. À Tokyo, un million de civils sont sans abri et 100.000 personnes ont trouvé la mort. Elles ont été, pour reprendre l’expression du général de division Curtis Lemay, responsable de ces opérations de bombardement par le feu, "grillées, bouillies et cuites à mort".
Le fils du président Franklin Roosevelt, qui était aussi son confident, avait déclaré que les bombardements devaient se poursuivre "jusqu’à ce que nous ayons détruit à peu près la moitié de la population civile japonaise". Le 18 juillet, l’empereur du Japon télégraphie au président Harry S. Truman, qui avait succédé à Roosevelt, pour demander une fois de plus la paix. On ignore son message.
Quelques jours avant le bombardement de Hiroshima, le vice-amiral Arthur Radford fanfaronne : "Le Japon va finir par n’être qu’une nation sans villes, un peuple de nomades".
La bombe qui a explosé au-dessus d’un hôpital au centre de la ville a tué d’un seul coup 100.000 personnes, dont 95% de civils. 100.000 autres mourront lentement, par la suite, des effets de l’irradiation.
Un mois plus tard, le premier reportage non censuré - dû au courageux journaliste australien, Wilfred Burchett - décrit les souffrances indicibles dont il a été le témoin en visitant un hôpital de fortune installé dans cette ville.
Le général Leslie Groves, alors directeur militaire du projet Manhattan ayant pour mission de planifier et de produire la bombe, s’empressa de rassurer les membres du Congrès en leur disant que les radiations ne provoquaient "aucune souffrance excessive" et que, "en fait, à ce qu’on dit, c’est une manière très agréable de mourir".
En 1946, l’enquête sur les bombardements stratégiques effectués par les États-Unis conclut que "le Japon se serait rendu même si les bombes atomiques n’avaient pas été lâchées".
Cette histoire a pour but de rappeler que la période de suprématie militaire des États-Unis qui a démarré en 1945 a commencé, pour tous ceux situés en dehors de l’orbite américaine, par une aveuglante démonstration de puissance lointaine, sans pitié mais pleine d’ignorance. Quand le président Bush se demande : "Pourquoi nous haïssent-ils ?", il devrait méditer ces faits.
(*) Écrivain et peintre, auteur de “G”, Éditions de l’Olivier, Paris, 2002, et de “La Forme d’une poche”, Fage Éditions, Lyon, 2003.
Extraits d’un texte paru dans “Le Monde diplomatique” de septembre 2002.
Messages
9 août 2008, 09:59
soyons aussi assez honnete pour reconnaitre que la guerre, c’est depuis toujours l’ecrasement de l’autre. si les japs avaient pu ecraser les usa, ils l’auraient fait. si hitler avait pu terminer son triste job sur l’angleterre, il l’aurait fait aussi. dans le feu et dans le sang de vos amis, j’aimerais savoir si vous seriez prêt a continuer d’envoyer votre jeunesse au casse pipe pour le "style" alors que vous disposez d’un moyen radical d’anéantir l’ennemi (la bombe A). est il necessaire de vous rappeler que le japon a aussi préféré envoyer sa jeunesse s’écraser sur les navire américains et qu’il à répondu par la négative à l’avertissement américain lui disant d’accepter de se rendre ou d’être exterminé. non, la guerre ce n’est pas une partie de rigolade humaniste, alors évitont de trop déformer la réalité. si vous reprenez aussi l’histoire des années 30, alors que le japon était dans une expansion militaire, les usa signaient chez eux un pacte de neutralité pour éviter de rentrer dans des conflits d’intérêts avec le japon et malgré cela, les japonais (alliés d’hitler je vous raffraichis la mémoire) sont venus détruire la flotte américaine et tuer plus de 2500 américains à pearl harbour .
27 mai 2016, 15:34
Je crois que le but du présent article n’était pas de savoir si les forces de l’Axe étaient méchantes. Hitler et Hirohito auraient-ils utilisé une telle arme de destruction massive s’ils l’avaient eue à leur disposition ? Certainement !
Probablement !
Peut-être.
En fait, personne n’en sait rien car la situation ne s’est pas produite.
Ce qui s’est produit en revanche, c’est que les américains (qui avaient d’ores et déjà gagné militairement la guerre contre le Japon, notamment en procédant à des bombardements encore plus ignobles que ceux d’Hitler sur l’Angleterre) ont choisi d’utiliser une nouvelle arme aux conséquences atroces. Sur des civils. Deux fois.
Personne aujourd’hui ne conteste plus l’inutilité militaire de cet acte barbare. Le général Eisenhower n’était pas précisément un antimilitariste et même lui n’a jamais approuvé cette décision prise par calcul politique (ou par vengeance, c’est-à-dire par barbarie).
"C’est pas moi qui ai commencé !"
"Il est plus méchant que moi !"
"J’ai beaucoup souffert alors j’ai droit à une revanche !"
Rien de ceci ne peut définir la civilisation. C’est strictement de la barbarie.
La même qui se retourne contre nous autres occidentaux aujourd’hui...