Débrayage au GUT Saint-Denis 2

ExéGUT pa nou !

8 mars 2007

Obligés. Les travailleurs sociaux sont en effet obligés de passer par la voie du débrayage pour espérer être, enfin, entendus par le Conseil général. Mais l’autisme de leur hiérarchie est aussi persistant que les problèmes d’effectif et de missions auxquels ils sont confrontés. La protection de l’enfance devrait être la priorité de la collectivité, mais dans les faits, on se rapproche plus de la “non-assistance à marmay en danger”.

Gérer les urgences dans l’urgence, avec des outils de réponse précaires, quand ils ne sont pas absents, au détriment du suivi d’autres dossiers qui deviennent, in fine, à leur tour, de nouvelles urgences... Voilà le quotidien infernal du personnel social du GUT Saint-Denis 2, comme des autres groupements d’ailleurs, qu’ils soient du Port ou de Saint-Gilles.

« On ne respecte plus les usagers et les familles »

Formidable que l’ARAST (Association Régionale d’Accompagnement Social Territorial), qui dépend du Département, ait passé, dernièrement, une convention avec EDF pour assurer le suivi des personnes qui ne parviennent pas à s’acquitter de leur facture d’électricité - et elles sont de plus en plus nombreuses. Médiatiquement, cela apparaît comme socialement porteur, presque cohérent. Mais faute de moyens adaptés, ces missions annexes viennent finalement se greffer à celles des travailleurs sociaux, qui ne savent plus ou donner de la tête. Des pavés signalant les impayés d’électricité, d’eau, de loyer s’amoncellent sur les bureaux des GUT. Pourquoi ne pas demander à l’assistante sociale d’aller faire, demain, les relevés des compteurs ? Les personnels de placement n’ont plus ainsi 35 missions à assurer, à savoir le suivi de 25 enfants et de 10 familles, ce qui suffirait largement à leur tâche, mais il leur faut suppléer aux missions d’AEMO (Assistance Educative en Milieu Ouvert) qui nécessitent un suivi judiciaire et que l’ARAST, l’ARPEJ (Association Régionale de Prévention et d’Education Juvénile) ou encore l’ASSPF (Action Sociale et Sanitaire pour la Prévention et la Formation), premières habilitées, ne parviennent plus à mener de front. Il leur faut aussi supporter l’AEMC (Action Educative en Milieu Contractualisé), et comme si cela ne suffisait pas, il faut encore suppléer aux dossiers urgents que le personnel absent ne peut traiter. En termes de temps, mais aussi de déontologie, le personnel social ne peut plus cumuler toutes ces fonctions sans que cela ne porte forcément préjudice à sa mission première : répondre aux besoins des personnes en difficulté, et en priorité, veiller à la protection de l’enfance. Pour exemple, lorsqu’une personne vient demander de l’aide aux services sociaux, car elle ne parvient plus à assumer seule sa situation familiale, une assistance éducative est mise en place pour l’accompagner à domicile. Si, malheureusement, il s’avère que le personnel de placement constate et émet un signalement pour maltraitance, ce ne devrait plus être de son ressort d’assurer le suivi judiciaire. Cette double casquette favorise le délitement du lien de confiance et des rapports avec les familles qui, au départ, sont venues de leur propre chef demander de l’aide et qui, au final, sont contraintes d’ouvrir leur porte. « On ne respecte plus les usagers et les familles », souligne une assistante sociale.

26 travailleurs sociaux pour 64.000 administrés

En 2005 déjà, les employés du GUT du Chaudron débrayaient pour alerter leur hiérarchie sur l’incohérence de la politique sociale engagée par le Département qui ne leur offre pas les moyens de répondre aux besoins des familles. En décembre 2006, ce sont cette fois les responsables des GUT (une première) qui tirent la sonnette d’alarme. Plus de 2 mois après, les demandes d’audience à la présidente du Département et les rappels écrits restant toujours sans suite, les travailleurs sociaux, toujours dans le calme et avec dignité, occupent à nouveau le trottoir du GUT pendant une heure. Pas une minute de plus, car ils n’ont pas, eux, de temps à perdre. Et Moïse Mazeau, Secrétaire général UIR-CFDT du syndicat Interco du Conseil général, de rappeler, comme il y a 2 semaines, lors du débrayage du service social de l’Unité Territoriale du Moufia, que « le Conseil général n’a aucune projection sur les besoins sociaux à court, moyen et long terme. Il faut qu’il donne les moyens aux personnels de travailler et qu’il arrête de se disperser dans ses missions ». 60 salariés dont 26 travailleurs sociaux (7 personnels de placement, 5 assistantes éducatives contractualisées à domicile, 14 polyvalents, 2 psy) et le reste en personnels administratifs (dont énormément de Contrats aidés qui occupent des postes pourtant budgétisés !) pour répondre aux besoins de 64.000 administrés sur la zone de Sainte-Clotilde, la Bretagne et le Chaudron, et en priorité à ceux des enfants en difficulté.

Du personnel supplémentaire et une redéfinition de leurs missions : voilà ce que les travailleurs sociaux vont à nouveau demander à Albert Marimoutou, Directeur général des arrondissements, qu’ils rencontreront aujourd’hui. La Présidente du Département n’est, quant à elle, toujours pas disponible. Certainement parce qu’elle ne veut pas s’entendre dire que ses annonces sociales, ses chèques santé et autres fausses mesures d’appoint sont tellement inapplicables qu’ils encombrent plus ceux qui attendent de vrais moyens pour accomplir de vraies missions, ceux qui doivent assumer l’irresponsabilité de leur hiérarchie, en engageant la crédibilité de leur profession.

Stéphanie Longeras

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Témoignages

• Sully, personnel de placement depuis 30 ans

« On case plus qu’on ne place »

Lorsque le procureur rend jugement de séparer un enfant de sa famille, pour assurer sa sécurité, il arrive que 2 mois après, le personnel de placement n’ait pas encore appliqué l’ordonnance judiciaire. Pourquoi ? « Il n’y a plus d’assistantes familiales sur le secteur, on est obligé d’aller chercher dans les autres GUT », explique Sully, qui souligne encore que les assistantes familiales susceptibles d’accueillir des enfants à profil spécifique (adolescents agressifs, enfants handicapés) sont devenues introuvables. « On attend qu’une place se libère, cela peut être à Salazie, beaucoup à Sainte-Marie à qui l’on peut dire merci. En dépit de la loi qui requiert un placement à proximité de la famille, on est obligé d’écarter les enfants. On parle en termes de places, mais pas de critères d’accueil, explosés depuis longtemps... On case plus qu’on ne place ». Depuis longtemps aussi, les établissements d’accueil sont saturés. Les foyers de l’enfance et les pouponnières hésitent maintenant, car les enfants leur sont confiés bien au-delà du délai légal. Il a déjà été vu qu’un enfant resté plus d’un an en pouponnière souffre du syndrome d’hospitalisation. Alerté par la PMI, le Conseil général n’a jamais été sensibilisé. Aurait-il fallu qu’il succombe ?

- • Eddy Huet, Psychologue au GUT Saint-Denis 2

« Les enfants doivent être protégés, et ils ne le sont pas »

« Le service social n’est pas la priorité du Département, c’est ça le problème. Le partenariat avec EDF est peut-être plus porteur que de protéger les enfants... On dit : ça suffit, notre mission est la protection de l’enfance, nous ne sommes pas un service contentieux. Notre combat, c’est le cœur de notre métier. Les enfants doivent être protégés, et ils ne le sont pas. On nous dit d’attendre la prochaine promotion de l’IRTS, mais la protection de l’enfance n’attend pas. Il faut resituer les priorités. Le 115 et le soutien aux femmes battues est une très bonne chose, si ce n’est que c’est une mission de l’État récupérée par le Département, au détriment de ses propres missions. La protection de l’enfance ne peut se réduire à des mesures de communication, à des chèques ceci ou cela... Alors, oui, on a toutes les raisons d’être découragés, mais notre envie de se battre est plus forte. On regarde actuellement si les milliards dépensés à la protection de l’enfance ne seraient pas mieux ailleurs : cette question tarabuste les politiques. Mais nos missions sont impératives et doivent s’exercer ici comme dans n’importe quel autre territoire ».

Propos recueillis par SL

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Chantale Lamy, Assistante familiale à Sainte-Clotilde

Avec ou sans filet

Hier, cas exceptionnel, une dizaine d’assistantes familiales a rejoint le personnel du GUT Saint-Denis 2 au Chaudron dans leur débrayage. Ces femmes, agréées parfois depuis plus de 20 ans, voient leur condition de travail se dégrader. Elles sont, elles aussi, indirectement touchées par les difficultés que rencontrent les travailleurs sociaux dans l’exercice quotidien de leur mission. Chantale accueille actuellement 2 enfants placés, 2 jeunes filles, une de 10 ans avec qui cela se passe bien, puis une autre de 15 ans « en grande difficulté, que l’on m’a confiée en urgence, confie Chantale. Pour les enfants en bas âge, on arrive plus ou moins à résoudre le problème, à leur délivrer l’éducation que l’on a transmise à nos enfants, mais pour certains adolescents qui auraient besoin d’une prise en charges spécialisée, c’est beaucoup plus difficile, il faut avoir constamment les yeux dessus ». Censée être épaulée par un référent social et un psychologue, il est déjà arrivé à Chantal de ne voir personne durant 5 mois. Pas assez d’effectif ! Pourtant, depuis 11 ans que Chantale exerce ce métier, elle constate que « c’est de plus en plus difficile avec les adolescents ». Quand les parents eux-mêmes demandent de l’aide pour parvenir à gérer les situations de tension avec leurs propres enfants, comment une assistante familiale peut en être décemment privée ? Surtout si le placement théoriquement provisoire de 3 mois, se prolonge jusqu’à 2 ans. Chantal est donc venue apporter son soutien aux travailleurs sociaux qui, elle le sait, ne sont pas responsables de la dégradation des conditions de travail des assistantes familiales. C’est toute la chaîne de la protection de l’enfance qui est fragilisée.

SL


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