Solidarité avec le combat de 166 personnes emprisonnées injustement par les dirigeants américains depuis 11 ans et en grève de la faim

Guantanamo, symbole d’une décennie d’atteinte aux droits de l’Homme

27 avril 2013

Pas de nouvelle du drame vécu actuellement par des prisonniers détenus arbitrairement dans la prison de Guantanamo par les dirigeants des États-Unis d’Amérique sur la base navale Delta, située sur une enclave américaine à Cuba. Voici un retour sur l’histoire de ce dossier par le quotidien ’Le Monde’, avec des intertitres de ’Témoignages’.

Combinaison orange, sac noir sur la tête, mains menottées... L’arrivée, le 11 janvier 2002 sur la base navale américaine de Guantanamo, dans le Sud de Cuba, d’une vingtaine de détenus venus d’Afghanistan, a marqué tous les esprits. Ils étaient les premiers « combattants ennemis » interpellés dans le cadre de « la guerre globale contre le terrorisme » de l’Administration de George W. Bush, en représailles aux attentats meurtriers du 11 septembre 2001 à New York et Washington.

Les enclos en grillage métallique à ciel ouvert du camp X-Ray dans lesquels ils ont été incarcérés ont laissé place à des camps en dur, où ont été détenues 779 personnes, selon les autorités américaines, la plupart sans inculpation, ni jugement.

En dépit des promesses du président américain Barack Obama de fermer la prison, Guantanamo compte encore, dix ans après son ouverture, 171 hommes.

Un symbole

Tâche grave dans la conscience américaine, Guantanamo est devenu un symbole. « Ce n’est pas seulement le symbole d’abus et de mauvais traitements » , explique Rob Freer, chercheur de l’organisation Amnesty International, « c’est le symbole d’une atteinte aux principes internationaux des droits de l’Homme ».

Disparitions forcées, mises au secret prolongées et autres formes de détention arbitraire, transferts clandestins d’un pays à l’autre ("restitutions"), absence de procès ou procès inéquitables devant des Commissions militaires : la liste des atteintes aux droits de l’Homme est longue, estime Amnesty International. Les États-Unis ont tissé, en toute impunité, un système de procédures extrajudiciaires dont ils ont aujourd’hui du mal à démêler les fils et envers lequel ils se refusent encore à rendre des comptes.

Quelle « guerre globale contre le terrorisme » ?

Après les attentats du 11-Septembre, l’Administration Bush déclare une « guerre globale contre le terrorisme » , concept qui va justifier un ensemble de violations des droits humains. Pour mener à bien cette entreprise, le président américain se voit conférer par le Congrès, aux termes de la résolution sur l’autorisation du recours à la force armée votée le 14 septembre 2001, des pouvoirs élargis pour utiliser la force contre les « nations, organisations ou personnes » ayant des liens présumés avec les attaques du 11-Septembre ou de futurs actes de terrorisme international.

Dans un rapport publié à l’occasion du 10ème anniversaire de Guantanamo, Amnesty International indique que « l’Administration Obama a largement adopté ce cadre de référence, qui est aujourd’hui validé par une large part du pouvoir exécutif du pouvoir américain » .

Quel « combattant ennemi »  ?

Les prisonniers capturés dans le cadre de la guerre contre le terrorisme et détenus à Guantanamo et dans d’autres prisons secrètes de la CIA sont qualifiés de « combattant ennemi » . Cette catégorie, exhumée par l’Administration Bush d’une décision de 1942 de la Cour Suprême et instituée dans le Patriot Act du 26 octobre 2001, vise à soustraire les suspects à la protection de la Convention de Genève.

Dans une directive présidentielle du 7 février 2002, le Président Bush confirme qu’aucun détenu taliban ou membre d’Al-Qaida, ne faisant pas partie d’une armée traditionnelle, ne sera considéré comme un prisonnier de guerre.

Ainsi, l’article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949, qui interdit notamment les procès iniques, la torture, la cruauté et les « atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et dégradants » , ne s’applique pas à leur cas. Cette qualification permet également à l’Administration de justifier qu’elle peut garder indéfiniment, à l’isolement, un « combattant ennemi » sans chef d’accusation.

Détention illimitée sans jugement

Ce n’est que le 12 juillet 2006 que George W. Bush ordonne l’application des Conventions de Genève à Guantanamo. L’Administration Obama abandonne définitivement en mars 2009 la qualification d’ « ennemi combattant » .

Dans son discours sur la sécurité en mai 2009, le Président Obama soutient en revanche la détention de certains détenus sans jugement et pour une durée illimitée. Selon son Administration, 48 détenus ne peuvent être ni libérés, ni jugés, mais doivent être maintenus en détention illimitée.

Des « étrangers ennemis »

Le 13 novembre 2001, le Président Bush promulgue un décret militaire "Détention, traitement et jugement de certains ressortissants étrangers dans la guerre contre le terrorisme", ordonnant au secrétaire à la Défense de trouver « un lieu approprié » pour maintenir en détention des étrangers sans inculpation et pour une durée illimitée. La base militaire que les Américains louent à Cuba dans la baie de Guantanamo, en vertu d’un traité américano-cubain de 1903, dispose du caractère extraterritorial qu’ils recherchent.

N’étant pas détenus sur le sol des États-Unis, les prisonniers de Guantanamo ne disposent ainsi pas des droits garantis par la Constitution des États-Unis. Une note du Ministère de la Justice au Pentagone datée du 28 décembre 2001 confirme que, du fait de l’extraterritorialité de Guantanamo, les Cours fédérales n’ont pas compétence pour examiner les requêtes en habeas corpus (légalité de la détention) déposées par les « étrangers ennemis » qui y sont incarcérés.

Les "sites noirs" de la CIA

L’Agence centrale américaine de renseignements (CIA) reçoit, dès le 17 septembre 2001, l’autorisation du Président Bush de mettre en place un programme de détention hors des États-Unis. A partir de novembre 2001, des membres importants d’Al-Qaida seront détenus et interrogés, hors du sol américain, dans des prisons secrètes ("sites noirs") de la CIA.

Dans un rapport publié en août 2005, Amnesty International estimait que près de 70.000 personnes auraient ainsi été détenues au secret. L’existence de prisons secrètes en Afghanistan et en Europe notamment est attestée en novembre 2005 par le “Washington Post”.

14 détentions secrètes

D’autres suspects de terrorisme, plus ordinaires, car n’étant pas des dirigeants connus d’Al-Qaida, sont transférés à l’étranger dans le cadre de transferts exceptionnels de prisonniers ( « restitutions » ). Ils sont remis à des gouvernements étrangers pour que ceux-ci s’en « occupent » . De nombreux pays vont être impliqués : Égypte, Syrie, Arabie saoudite, Jordanie, Afghanistan, mais également des pays européens.

L’existence des "sites noirs" est confirmée, pour la première fois, à la suite de l’ordre donné le 6 septembre 2006 par le Président Bush de transférer vers Guantanamo quatorze personnes incarcérées depuis quatre ans et demi au plus dans ces "sites noirs". Le 20 juillet 2007, le Président Bush signe un décret autorisant et soutenant les détentions secrètes. Lors de son investiture en janvier 2009, le Président Obama abolit les prisons secrètes de la CIA.

De nouveaux tribunaux militaires d’exception

L’extraterritorialité de la prison de Guantanamo va être utilisée par l’Administration américaine pour justifier le refus fait aux prisonniers de Guantanamo du droit de contester leur détention auprès des Cours fédérales de justice américaines, par le biais des requêtes en habeas corpus. Cette politique est remise en cause par la Cour Suprême le 28 juin 2004, dans l’affaire Rasul contre Bush.

En réponse, le gouvernement américain promulgue, le 17 octobre 2006, une loi instaurant de nouveaux tribunaux militaires d’exception, les "Commissions militaires", qui prive les tribunaux américains de la compétence d’examiner les requêtes en habeas corpus déposées par des « combattants ennemis » étrangers détenus par les États-Unis dans le monde entier. Cette loi est déclarée inconstitutionnelle par la Cour Suprême des États-Unis, qui réaffirme le 12 juin 2008 le droit des personnes détenues en tant que « combattants ennemis » à contester la légalité de leur détention devant un tribunal fédéral américain dans l’arrêt Boumediene contre Bush.

Lakhdar Boumediene et cinq codétenus algériens voient ainsi leur requête examinée par la Cour fédérale du District de Columbia, qui ordonne la remise en liberté de cinq d’entre eux le 20 novembre 2008.

Condamnation à mort…

Le 22 janvier 2009, le Président Obama signe un décret prévoyant une interruption de toutes les procédures engagées devant des Commissions militaires. Il revient sur sa décision le 5 mai 2009, mais précise que ces Commissions ne peuvent plus retenir de preuves obtenues sous la torture.

Abd-Al-Rahman Al-Nachiri, le cerveau présumé de l’attentat contre l’USS Cole en 2000 au Yémen, le 9 novembre 2010, est le premier prévenu à être renvoyé devant la justice militaire sous Obama. Cinq détenus accusés d’implication dans les attentats du 11-Septembre, dont le cerveau présumé Khaled Cheikh Mohammed, devraient également être jugés devant une Commission militaire. Le gouvernement a confirmé vouloir la peine de mort dans cette affaire.


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