Huguette Bello : « Un fléau de société, une affaire d’État »

24 novembre 2007

La députée de la 2e circonscription, Huguette Bello, était hier matin au lycée Evariste de Parny de Plateau-Caillou (Saint-Paul), avec le Théâtre Forum mis sur pied par le Collectif de lutte contre les violences faites aux femmes. Elle y a présenté sa proposition de loi visant à l’adoption d’une loi-cadre.

La Secrétaire d’Etat chargée de la Solidarité, Valérie Létard, a présenté cette semaine un plan de lutte contre les violences faites aux femmes. Comment percevez-vous les mesures annoncées ?

- Elles ont été présentées au dernier conseil des ministres. Il s’agit d’un plan triennal (2008-2010), en douze mesures, financées à hauteur de 30 millions d’euros. C’est mieux que rien, mais ce n’est pas suffisant. On y parle notamment d’expériences lancées avec 100 premières familles d’accueil et de l’introduction, dans le code pénal, d’une définition des “violences psychologiques”. Il faut tout de même observer que la France, le pays de la loi Veil, aujourd’hui marque le pas, loin derrière l’Espagne où les femmes criaient, il n’y a pas si longtemps “la prison, on en sort ; le cimetière, jamais”. Ce pays, qui souffrait de lourds retards, est aujourd’hui plus avancé que la France dans la lutte contre les violences faites aux femmes.

C’est pourquoi vous proposez l’adoption d’une loi-cadre par la France ?

- C’est une loi d’orientation, réclamée d’ailleurs par toutes les associations de femmes en France et, ici , au moins par l’UFR. On y regroupe les aspects de sensibilisation, prévention et répression. La loi-cadre traverse le code de l’éducation, le code sanitaire, le code du travail, le code de la Sécurité sociale. Dans une loi globale, on va insister sur une éducation non sexiste, sur la re-scolarisation immédiate des enfants qui ont dû déménager suite à des violences conjugales sur leur maman. C’est aussi un moyen d’agir contre les stéréotypes sexistes, et pour la formation des personnels...

Mais tous ces moyens existent déjà : s’ils ne sont pas mobilisés, n’est-ce pas plutôt par manque de volonté politique ?

- Tous ces moyens existent, et notamment dans le code pénal, mais tout est éparpillé.
Il manque à La Réunion de nombreux psychologues ; on manque aussi de logements sociaux, à l’accès desquels les femmes victimes de violences sont prioritaires... mais quelle priorité faire prévaloir dans le contexte de pénurie que nous connaissons ? Il faudrait aussi des centres spécifiques d’accueil avec le personnel compétent à tous les niveaux.
Nous demandons la création d’un secrétariat d’Etat contre les violences faites aux femmes, pour formuler les politiques publiques en la matière. Depuis 1981, pour la première fois en France, il n’y a dans le gouvernement formé par Sarkozy et Fillon ni ministère ni secrétariat d’Etat aux Droits des Femmes. Un Collectif féministe appelle à un rassemblement à Paris, samedi (aujourd’hui), pour demander aussi une loi-cadre. On sait bien que la majorité actuelle “lé pa la ek sa” Mais ce qu’il faut voir : si d’autres groupes sociaux ou humains étaient confrontés à une violence identique, s’il y avait un mort tous les deux ou trois jours, ce serait un vrai branle-bas de combat. La violence faite aux femmes donne lieu à une banalisation qui n’a été rompue qu’à la mort de Marie Trintignant.

Vous demandez aussi la création d’un observatoire...

- Nous demandons un observatoire de l’Etat sur la violence faite aux femmes. Son rôle sera d’élaborer des rapports et faire des propositions contre cette violence. Il devrait y avoir la création d’unités spécialisées dans la police nationale. Ce que demandent aussi de nombreuses associations en France, est la modification de la garde alternée, qui devrait être rendue impossible en cas de violences : il y a des hommes violents qui se retrouvent à avoir la garde des enfants. De plus, il faudrait vraiment des juges spécialisés. La France compte de 6000 à 7000 juges, alors qu’ils sont par exemple 22.000 en Allemagne. Selon un observatoire européen, un Juge d’application des peines (JAP) en France, a une moyenne de 700 dossiers à traiter. Et la personne qui suit les prisonniers à leur sortie de prison a au moins 100 dossiers à suivre. Comment veut-on que cela marche ? Pourtant, la France est aujourd’hui capable de se doter du personnel compétent pour lutter contre ce fléau : c’est un problème de santé publique, une affaire d’Etat, qui demande une volonté politique.

Propos recueillis par P. David


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