Irak 3.000 - USA 1

2 janvier 2007

Résultat sans doute un peu provocateur, mais bien moins contestable que les Unes de la presse écrite comme celles des journaux télévisés !

« Le dictateur est mort ! Vive la dictature de la rue ! » tel pourrait être le slogan après l’assassinat de l’assassin. Il est édifiant de voir à quel point l’information se dévoie pour pouvoir exister. Si l’exécution de Saddam Hussein est un événement sur lequel il est important de revenir, d’autant plus que la démocratisation de l’Irak tant promise par les États-Unis tarde à venir, fallait-il pour autant que la presse française et les médias télévisés diffusent des images dégradantes pour une humanité qui se cherche et tend vers l’intelligence ?
Ce week-end du nouvel an qui est marqué également par la Fête de l’aïd-el-kébir n’a sans doute pas été choisi de manière anodine pour se débarrasser d’un dictateur gênant ! Quoi qu’il en soit, la plus grande partie de la presse à travers le monde a pu se repaître des images d’un homme, corde au cou, comme aux plus belles heures des lynchages dans l’Ouest américain. Choqué ! Il y a de quoi l’être, surtout lorsqu’on entend ou lorsqu’on lit les commentaires qui affirment qu’il n’est pas vraiment nécessaire de montrer l’ensemble du tournage de cette scène "gore". Mais cela n’empêche pas les télévisions du monde entier de faire tourner en boucle ces images contestables du point de vue éthique. Y a-t-il réellement une éthique de la presse de nos jours ? Même accompagnées de commentaires mesurés et parfois sages, était-il vraiment nécessaire de diffuser les images d’un homme se rendant au supplice ultime ? Imaginons que la peur ait envahi Saddam Hussein, imaginons les tremblements parcourant son corps, ses bourreaux le traînant de force, avec en bruit de fond les hurlements de l’homme horrifié par la mort ! Une telle scène filmée, quels que soient le crime ou les crimes, grandit-elle la race humaine ? Sans parler de l’aspect barbare de la peine de mort, y rajouter les images comme jadis on montrait les guillotinés, les condamnés en public, prouve que certains hommes ne sont pas encore sortis du "Moyen-Âge". Le relais que fait la presse de ces images est tout simplement scandaleux et indigne. Je passe sur la télévision et la presse métropolitaine, pour en venir directement chez nous à La Réunion. Tout d’abord samedi dans les deux principaux journaux télévisés de nos télés "péi", on a vu les images qui font l’événement, alors que les commentaires qui les accompagnaient ne cessaient de nous dire qu’il était douteux de montrer ces mêmes images ! La palme revient au JT de Télé Réunion, présenté à 19 heures 30 par Valéry Filain. Non seulement on voit les images dégradantes d’un homme montant au gibet, mais la présentatrice a cru bon de rajouter le commentaire suivant : « Nous avons hésité à vous diffuser l’intégralité de l’exécution »... Premièrement, je ne suis pas vraiment certain que RFO ait eu accès à l’intégrale de cette exécution, ce qui prouverait que par moments, on peut se faire mousser en suggérant que la présentatrice a vu la suite de cette scène pour le moins morbide, et deuxièmement, elle n’a tout de même pas hésité à nous montrer ce qui est le plus dur dans une pendaison, la montée de l’homme au gibet ! Pour ceux qui ont lu "l’Idiot" de Dostoïevski, ils se souviendront que le héros parle d’une exécution publique en France et que l’auteur détaille le dernier moment du condamné, celui où il reçoit sa dernière cigarette et le folklorique verre de rhum. Ce sont les moments les plus terribles, bien plus que l’exécution elle-même.
François Bayrou, qui était l’invité du JT, a lui-même reconnu qu’il ne fallait pas diffuser ces images et a approuvé les témoignages du micro-trottoir qui majoritairement reconnaissaient que la fin de vie, même d’un criminel, ne doit pas être filmée. Mais le secrétaire de l’UDF n’a pas jugé bon de condamner en direct la diffusion du reportage.
Dimanche matin, la presse écrite a pris le relais en mettant à la Une la photo de Saddam Hussein corde au cou, alors que l’éditorial de Bruno Geoffroy dans "Le Quotidien", au demeurant très bon, commence avec cette première phrase à laquelle je souscris totalement : « Même le plus sanguinaire des dictateurs ressemble à une victime lorsqu’il apparaît une corde autour du cou entre des bourreaux cagoulés. » Alors pourquoi avoir diffusé une photo médiocre, qui est très certainement une capture d’écran, rendant encore plus sordide cette macabre mise en scène, et pourquoi ce gros titre accrocheur « PENDU » ? Le “JIR” en fait de même, mais pour ce quotidien nous avons l’habitude des ses "Unes" racoleuses et parfois avec de fausses informations pour attirer le chaland. La presse réunionnaise n’a pas vraiment besoin de patauger dans le caniveau pour exister, surtout qu’elle ne manque pas de belles plumes acerbes et pertinentes pour rendre compte de l’actualité.

Fallait-il pendre Saddam Hussein ?

Dans tout cet étalage, la vérité, je l’ai trouvée, une fois n’est pas coutume, dans la bouche de Mgr Gilbert Aubry.
Saddam Hussein coupable ? Sans aucun doute. Les autorités ont même requis 12 chefs d’inculpation contre ce tyran sanguinaire. Alors pourquoi avoir exécuté une peine avec autant de précipitation ? Nous avons tous vu avec quelle rapidité les USA, qui sont empêtrés dans cette guerre devenue civile, se sont empressés de remettre leur illustre prisonnier aux autorités irakiennes à la fin du premier procès ! Mais peut-on pendre Saddam Hussein 12 fois ? Bien sûr que non, ainsi l’ex-dictateur irakien n’aura répondu que pour un seul chef d’inculpation. Les juges et les autorités américaines n’ont pas jugé bon d’attendre avant d’exécuter leur sentence que tous les procès soit passés. Et pour cause ! Car si, bien entendu, les victimes kurdes des massacres orchestrés par le Raïs n’obtiendront jamais justice, il est des procès beaucoup plus embarrassants qui ne trouveront des réponses que dans l’histoire. Nous savons tous que l’histoire, c’est après, bien après ! Lorsque les protagonistes ont disparu. Mais Saddam ne sera plus là pour troubler la conscience de certains Occidentaux ! Imaginons que certains chefs d’inculpation se retournent contre les soutiens de Monsieur Hussein, ces donneurs d’ordre qui ont défilé à Bagdad par le passé ! Jamais la complicité des pays occidentaux pendant cette dictature barbare, ne sera mise à jour, sauf par l’histoire. Alors, à dégager le temps où l’on se courbait devant un Saddam flamboyant pour qu’il attaque l’Iran et qu’il devienne le protecteur du monde libre face aux Mollâs ! Plus question de revenir sur ces 18 ans de guerre où l’armée irakienne a bien souvent utilisé des armes terribles provenant aussi bien des USA que d’Europe et bien entendu de France, cinquième pays exportateur d’armes au monde ! La suite des procès aurait éclaboussé bon nombre de pays et tout particulièrement les USA, la France et la Grande-Bretagne ! Voilà pourquoi les réactions des Etats-Unis, de la France et du Royaume-Uni sont tout particulièrement mesurées au lendemain de cette exécution !
Au moment où le Président de la République française s’apprête, avec un acte fondateur qui inscrit notre pays dans un idéal humanisme, à graver définitivement dans la Constitution, l’abolition définitive de la peine de mort, on aurait pu espérer un communiqué moins laconique.
Devait-on pendre le dictateur irakien ? Certainement pas ! Non seulement parce qu’il est important de ne pas répondre à des crimes aussi épouvantables qu’ils soient par un autre crime, ce qui non seulement ne résout rien, mais de plus montre une facette barbare de l’Homme. Une chose est certaine, c’est que certains grands "Chefs d’États" eux, sont satisfaits de ne pas à avoir eu à répondre à des questions embarrassantes.

Philippe Tesseron
Nouvelle adresse Blog : (http://pht974.blog-reunion.com)


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