
C’était un 30 juin
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Femmes soufies de Saint-Louis
30 octobre 2015
Elles sont 14 jeunes femmes debout devant la Préfecture de Saint-Denis (La Réunion), un dimanche matin d’arrivée du Grand Raid, brandissant des panneaux sous les yeux des passants. “STOP aux Injustices”, “Non aux abus de pouvoir”, “Non à l’intimidation”, “Tous égaux devant la loi”… Pour elles, la course de fond a commencé quand leur guide spirituel soufi, le sénégalais Papa Amary Sané a été mis en garde à vue, suite à trois signalements anonymes. Anonymes peut-être, mais d’une traçabilité transparente aux yeux des jeunes femmes, qui dénoncent un réseau mahorais traditionnaliste, voire radical, ameuté par un membre de leur famille.
Les événements se sont précipités après un « appel à témoins » télévisé du procureur, interprété comme un droit de lynchage par certains membres des familles mahoraises des jeunes femmes soufies. Ce qui était pour ces dernières une quête spirituelle hors des sentiers battus des medersa de l’île s’est transformé en descente aux enfers. Cela fait un mois que cela dure et les autorités semblent impuissantes à éteindre l’incendie qu’elles ont contribué à allumer.
Les jeunes femmes qui ont choisi de vivre en communauté n’ont rien de fanatique ni de pervers, contrairement à ce que suggèrent les insultes qui leur sont adressées par un entourage hostile et rongé par la peur. Mais peur de quoi ? La communauté était installée depuis quelque temps dans la maison de Mme Hamada, à Saint-Louis. Elles vivaient une forme de séminaire, ou de retraite, conforme à leur choix de vie et à leur orientation dans l’islam. C’est là qu’elles retrouvaient un guide spirituel soufi venu du Sénégal, Papa Amary Sané (“Papa” est un prénom courant au Sénégal), que certaines des jeunes avaient rencontré en 2013 à Saint-Denis.
Ces jeunes femmes sont majeures et instruites. Six d’entre elles ont suivi ou suivent encore des études supérieures à l’Université de La Réunion, notamment en anthropologie. Si les familles sont d’origine mahoraise, les jeunes filles sont presque toutes nées à La Réunion et ont reçu l’enseignement coranique des medersa de l’île. Un enseignement qu’elles jugent aujourd’hui « rigide » et qui les a laissées sur leur faim.
Naylati, sœur d’une des jeunes filles du groupe (auquel elle appartenait aussi jusqu’à ce qu’il soit livré en pâture à la vindicte publique), raconte qu’elle a été une des premières à rencontrer M. Sané. « J’étais allée à une conférence avec mon oncle, Youssouf Hamada, et mon oncle m’avait dit à ce moment là qu’il n’était pas d’accord avec la vision de l’Islam exposée par M. Sané » se souvient-elle. Or M. Sané ne tombait pas du ciel : il venait à la rencontre d’une communauté soufie qui existe depuis une vingtaine d’années, à Saint-Louis. Les membres de cette confrérie suivent l’enseignement du Cheikh Ahmadou Bamba (1853-1927), – juriste et poète sénégalais, fondateur de la Confrérie des Mourides. Ils sont parfaitement connus des imams de l’île, en particulier dans le sud. L’imam de Saint-Louis, créole réunionnais d’origine indienne, dit même en privé qu’il n’y a pas d’objection majeure à opposer au choix de la petite communauté et que la confrérie mouride dont elle s’inspire est « bien guidée ».
Mais certains membres des familles des jeunes femmes n’ont pas eu la même tolérance, même passive. La crispation, en effet, est venue de Mayotte, où les familles ont été alertées par Youssouf Hamada. Selon Naylati, ce dernier se serait livré à une « enquête menée sur Internet et pas sur le terrain. Il a confondu deux branches mourides ». « A l’époque, il était hébergé par ma mère » poursuit Naylati. « Puis il est parti en France, d’où il est revenu avec un islam radical ; on l’a trouvé trop dur ; ça ne nous intéressait pas et pourtant nous ne connaissions pas encore M. Sané. C’était avant… »
Qui est ce Youssouf Hamada qui, selon les jeunes femmes, se fait aussi appeler “ Malcom X ” ? Est-il à l’origine du voyage vers La Réunion de deux sœurs de Mme Hamada – la mère de sept des jeunes filles, membre de la même confrérie ?
Les deux femmes sont arrivées vendredi 23 octobre de Mayotte, avec la ferme intention de ramener leurs sœur et nièces dans le droit chemin d’un islam traditionnel, à leurs yeux plus rassurant : jeûner, prier, se marier et rester à la maison…. Dimanche matin, elles contrevenaient à l’un au moins de leurs préceptes en se trouvant elles aussi devant l’hôtel de la Préfecture. Elles invectivaient les jeunes filles en swahili : « Vous êtes égarées, ensorcelées… » leur criaient-elles depuis un banc voisin.
Les jeunes les écoutent, impassibles. « On dit que nous avons coupé les ponts avec la famille mais ce n’est pas vrai. Ce sont nos familles qui nous rejettent. Nous ne rejetons personne » ajoute Amina, une autre membre du groupe. « Quand nous étions encore dans la maison de Saint-Louis – dit-elle – des membres de la communauté mahoraise venaient avec des bouteilles d’eau “coranisée” qu’ils lançaient contre la maison ! »
Naylati a une formule qui résume la situation : « Dans la communauté musulmane mahoraise et comorienne, ils pensent qu’on est ensorcelées ; dans la communauté musulmane créole réunionnaise, ils pensent qu’on est manipulées parce que nous ne sommes pas passées par leur enseignement du soufisme ; et pour les autorités, nous sommes des folles ! »
Une des sœurs ajoute : « Avant, le chemin de vie sur lequel nous étions engagées était d’apprendre tous les jours, de nous améliorer. Mais avec ce qui se passe depuis un mois, nous n’arrivons plus à nous projeter. Or nous ne sommes pas allées à l’école pour rien ! »
Autour d’elles, sous une tente installée dans les jardins de la Préfecture, des soutiens s’expriment. Amin, 50 ans, pense que « M. Sané est un bouc-émissaire idéal, parce qu’étranger. On n’a tenu aucun compte de la démarche spirituelle de ces femmes. L’État, les autorités ont fait un mauvais choix dans cette affaire » estime-il.
Ali, 28 ans, est le mari d’une cousine des jeunes femmes. « Elles ont fait leur choix et je les soutiens. Personne n’a vraiment écouté ces femmes, ni les autorités, ni les journalistes. On dit beaucoup de choses sur leur compte mais ce n’est pas la réalité ».
Un spécialiste des sciences du comportement est lui aussi venu les écouter. Dans une tribune qu’il a envoyée à la presse après avoir rencontré les jeunes femmes, ce citoyen du vivre-ensemble compare la démarche des jeunes soufies de Saint-Louis à celle de Georges Charpak « …parce que c’est lui qui a fait l’éducation de ses parents, et que dans notre cas, ce sont les familles à qui un supplément d’éducation pourrait beaucoup apporter. (…) Lorsqu’on a rencontré ces femmes – qui je pense sont un pur produit de ce que la république française a de meilleur –, il est vite évident que la mise en accusation de leur professeur pour "abus de faiblesse" ne tient pas un instant (…) ».
Alors, qu’est-ce qui a motivé les autorités judiciaires à agir comme elles l’ont fait ? La suite de l’enquête devrait apporter des réponses, si elle est menée dans un réel esprit d’apaisement.
Pascale DAVID, journaliste
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