Cour d’Appel de Saint-Denis

’Justice pour Marie-Annick !’

23 novembre 2005

En juin de cette année, Paul-Franco Técher, médecin et maire de Cilaos, est lavé par un non-lieu des accusations d’abus sexuels perpétrés sur son ancienne patiente, Marie-Annick, alors âgée de 16 ans au début des faits. L’accusation fait appel. Hier, les avocats des deux parties ont été de nouveau entendus, en huis clos, par le juge d’instruction à la Cour d’appel de Saint-Denis. Des sympathisantes de l’UFR et le beau-frère de la victime sont venus soutenir Marie-Annick et demander justice dans le hall du tribunal. Verdict le 13 décembre.

Paul-Franco Técher est victime. À l’annonce de son non-lieu, il n’a pas revendiqué son innocence, mais s’est proclamé "victime." C’est ce que ses avocats ont encore défendu hier à la Cour d’Appel. Ceux de l’accusation sont venus soutenir leur position : des rapports sexuels établis et la vulnérabilité reconnue de la victime au moment des faits.

Prise au piège

Qui pourrait bien soutenir que ce notable, médecin tenu par le serment d’Hippocrate de surcroît élu de la République au service de la population, puisse être l’auteur des horreurs dont on l’accuse ? Marie-Annick, cilaosienne issue d’une famille modeste, elle, le soutient.
Tout a commencé lorsque à 16 ans, elle demande à son médecin, Paul Franco Técher, de lui prescrire la pilule. Commence un horrible chantage.
D’après le dossier, il la menace de la dénoncer à ses parents si elle ne se plie pas à ses avances. Selon l’enquête menée lors de l’instruction, il lui impose alors des relations sexuelles pendant plusieurs années, dans l’enceinte même de son cabinet, là où il lui pratiquera un avortement, pour effacer la trace de ses méfaits. Bien sûr, Marie-Annick veut que cet enfer cesse, mais elle est sous l’emprise totale de son médecin qui profite de son innocence et de sa vulnérabilité.
Suivie pour des problèmes cardiaques, il lui administre des injections régulières, qu’aucun autre médecin ne saurait, selon lui, pratiquer. Le piège se referme sur cette proie facile. Marie-Annick subit en silence. Lorsqu’en 1994, un nouveau médecin s’installe dans le cirque, elle s’empresse d’aller le voir. Ce dernier, s’il ne peut empiéter sur la clientèle de son confrère, lui conseille d’aller à la gendarmerie.
Marie-Annick porte plainte pour abus sexuel, mais l’affaire est laissée sans suite. "Peut-être suis-je passé à côté de quelque chose", déclarera quelques années plus tard au juge d’instruction, le gendarme qui avait enregistré la plainte.

La justice doit trancher

Après plus de 10 années de pressions, Marie-Annick n’avait d’autre choix que de fuir avec ses trois enfants, ses montagnes natales, prison de ses tourmentes. Ce n’est qu’en 1999 qu’elle décide de se tourner à nouveau vers la justice. Son dernier enfant, alors âgé de 4 ans, fait de violents cauchemars. Les pédopsychiatres concluent à un traumatisme, celui de sa mère que ce petit “marmay” tente de combattre et d’évacuer. Marie-Annick aurait sans cela peut-être pu encore se tenir au silence, mais que son enfant subisse à son tour les affres de ces violences, c’en était trop. Une fois le pas franchit, combattant honte et culpabilité, Marie-Annick doit encore attendre plus de 5 ans pour qu’en juin de cette année, le non-lieu soit prononcé. À l’annonce de ce "blanchiment", alors que Marie-Annick est défendue par un avocat commis d’office, son beau-frère Frédéric décide de financer l’appel, "en tant que proche et citoyen." Il accède alors au dossier, prend connaissance des détails sordides de l’infamie. "Depuis le début, la défense tâtonne, se contredit. Malgré une accusation solide, expertises à la clé, des faits qui semblaient sans équivoque pour l’ancien juge d’instruction en charge de l’affaire, le coupable est relaxé et ose en plus se présenter comme victime", se soulève Frédéric. "C’est aujourd’hui à la justice de se prononcer."

"Ma soufrans sra touzour la"

Après plus d’une heure et demie d’attente dans le hall de la Cour d’appel, les nombreuses sympathisantes de l’UFR, Huguette Bello en tête, les amies de la victime venues de Cilaos pour la soutenir, son beau-frère qui tourne en rond comme chat en cage, accueillent une Marie-Annick affaiblie par cette nouvelle épreuve. S’entendre de nouveau dire par la défense que Paul-Franco Técher est victime est insupportable pour elle. Il semble que la défense demande encore plus de preuves. "Kél prev i fo azot ankor ? Mwin na rien a ginyé, mwin lé mal dan ma po, ma soufrans sra touzour la et sé lu la viktim !" Sans tous ses bras alliés pour la soutenir, Marie-Annick serait déjà effondrée. Elle nous avoue avoir plusieurs fois pensé au suicide, mais c’est pour ses enfants qu’elle se raccroche à la vie, une vie de femme détruite. "Enfant, j’ai été violée par un père incestueux, adolescente par un médecin crapuleux." Voilà sa vérité qui sera ou non entendue par la justice le 13 décembre. Les sympathisants présents ont clamé "Justice pour Marie-Annick !" dans le hall de la Cour d’Appel, avant de quitter les lieux.

Estéfani


Au bout de 10 ans, il y a prescription

Pour Huguette Bello, il est "inadmissible qu’un maire de surcroît médecin puisse porter de telles atteintes en toute impunité. L’on demande qu’il soit devant ses juges, mais d’aucune façon il ne peut se présenter en victime... On est face au sentiment de l’impunité de ce notable, exacerbé par ce non-lieu, et l’impossibilité de renvoi en cours de cassation."
En effet, 10 ans après les faits, dans le cas de viol, la loi oppose une prescription. Attendu que l’instruction a tardé, si Marie-Annick n’obtient pas le soutien de la justice le 13 décembre, une reconnaissance du préjudice indispensable pour entamer un travail de reconstruction, l’affaire, du moins pour certains faits commis avant cette période, pourrait rester sans suite. "En tant que collectif de femmes, nous demandons un examen de cette loi, que soit levée la prescription qui entoure ce genre de crime qui porte atteinte à l’intégrité physique et morale." Pour le beau-frère de la victime, si justice n’est pas rendue à Marie-Annick, "c’est donner raison à toutes ces femmes réunionnaises victimes de viol de ne pas porter plainte."


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Messages

  • je comprend la souffrance de marie-annick .je suis moi meme actuellement dans le meme cas egalement 1 medecin . il est tres protege par l ordre des medecins . c est entre les mains de la justice , je crains qu il n y ai malheureusement rien a en attendre . je la soutiens moralement .

  • Le 11 septembre 2007

    Je suis une autre victime de médecin crapuleux. J’ai déposé une plainte en pénal pour viols. La procédure est en cours. J’ai également déposé une plainte auprès de l’ordre des médecins. Si d’autres personnes comme celle qui, victime elle même, a réagi le 14 janvier 2007 à propos de l’article sur "Justice pour Marie-Annick" pouvaient apporter leurs témoignages en répondant à ce message, je les en remercie.

    Marie P.

    Voir en ligne : "Justice pour Marie-Annick !"


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